dimanche 6 juillet 2025

SUPERBE DÈCOUVERTE, AU CLAIR DE LA PLUME, GRIGNAN


 La visite guidée du Marais Aristocratique avec Philippe Brinas Caudie m'a suggéré une parenthèse culturelle et gourmande sur les traces de madame de Sévigné que nous avons côtoyé plusieurs fois ces derniers mois.

 cf    https://www.lemounard.com/2025/05/paris-visite-guidee-du-marais.html

Au chateau de Vaux le Vicomte d'abord où le surintendant Fouquet et la belle marquise entretenait une amitié sincère. Dans ses lettres à madame de Grignan, elle relate le procès et souligne que souvent Fouquet est mal attaqué et se défend très bien. Au musée Carnavalet ensuite, où elle a vécu de 1677 à sa mort en 1696 au chateau de Grigan. Dans tout le village, la marquise est omniprésente, tout n’est qu'allusion à ses lettres. Nous dormirons ce soir dans un endroit charmant, "Au Pied de la Lettre" après avoir somptueusement dîné au "Clair de la Plume".

Le Clair de la Plume occupe une belle demeure face à la fontaine lavoir de Grignan.

La fontaine lavoir fut construite à l’initiative de François-Auguste Ducroc maire de Grignan. De style néo-classique son design reprend celui du temple de l’Amour du petit Trianon de Versailles. De plan circulaire ce lavoir d’ordre Toscan est posé sur un soubassement de trois marches portant seize colonnes en pierre provenant des carrières de Chamaret. L’entablement supporte une coupole couverte d’un dôme peu bombé et portant en son centre une boule d’amortissement. Cette partie de l’édifice a été restaurée en 1907. En 1861 au bassin rond originel a été ajouté un compartiment en arc de cercle pour faciliter le lavage. Nous accédons au restaurant. C'est une belle  bâtisse rose, construite au 17ème siècle par Monsieur de Grignan et ancienne demeure des Chanoines, le jardin, par lequel on accède à la réception. Nous prendrons l'apéritif dans cet écrin de verdure où sont nichées quelques tables très isolées les unes des autres. Comme tout le village, le jardin abrite des variétés de roses anciennes, spécificité du village de Grignan classé village botanique, de belles glycines et des arbustes qui conviennent au climat de la Drome Provençale. Tout au long du repas, il y aura des clins d'oeil comme cet accueil qui commence par l'addition: dans un tasse à café, comme dans ce moment qui précède l'addition, on nous propose un réveil des papilles qui est l'addition de 5 éléments: une pomme verte, du céleri branche, du gingembre et du citron et un 5ème élément que j'ai oublié. Nous sommes accueillis puis servis par une jeune femme, souriante et discrète, charmante et parfaitement dans le style de cette maison, élégance comme il siérait à la marquise. 

C'est mon anniversaire et on le célèbre avec une coupe de champagne pour Catherine et un des cocktails maison pour moi, très provençal avec une liqueur de farigoule ( le thym), du gin Hendrick's. Hendrick's est le seul gin à ajouter des essences de concombre de Hollande et de pétales de roses de Bulgarie qui offrent à la fois un goût rafraîchissant et un délicieux arôme floral. Hendrick's est un gin écossais « The Most Unusual Gin ». la Farigoule de Forcalquier est une liqueur de thym aux arômes envoûtants rehaussés d’une note citronnée.


Les amuse-bouche, des chips de maquereaux avec une pissaladière aux anchois sur une pate sablée délicieuse. 

Nous aurions aimé diner dans cet élégant jardin mais la jeune femme qui nous sert, nous en dissuade à cause du désagrément des moustiques. Effectivement, les premiers commencent à vibrionner autour de nous. La directrice de salle, brune, bouclée, énergique et souriante vient nous présenter les menus et la carte, nous choisissons sans aucune hésitation, le Voyage en 9 escales avec 4 verres de vins choisis par la jeune sommelière. En 2022, Glenn Viel chef triplement étoilé à l'Oustau de Baumanière, rejoint l’aventure des Maisons et cosigne la carte gastronomique du Clair de la Plume avec Benjamin Reilhes ( le chef) et Cédric Perret (Le chef Pâtissier). La jeune femme qui nous accueillis, nous conduit jusqu'à notre table, le couloir et le salon sont pavés de  très belles tommettes anciennes et patinées. 


Rajoutée en 2015, avec son style XIXème siècle, la verrière s’intègre parfaitement dans l’architecture et dans l’évolution de la maison au fil de siècles. Elle offre un espace lumineux et spacieux ouvert sur le jardin.  La jeune sommelière nous présente le premier vin de sa sélection, un Viré Clessé de Nadine Ferrand en 2023  ce choix me convient, mais Catherine souhaiterait plutôt un Sauvignon. La sommelière lui propose la Grande Cuvée en Pouilly Fumé de 2022 de Fournier et fils. Le Viré Clessé  exprime des fleurs blanches comme l'aubépine et l'acacia. Sa bouche charmeuse et fraîche sur des notes d'agrumes, présente un très bel équilibre. Catherine apprécie son Pouilly Fumé jaune pale, expressif avec des notes d'agrumes, de bergamote et de pamplemousse. La bouche est franche sur des notes  minérales et d'agrumes. La finale est longue, saline et sur de beaux amers. Le menu se décline en 8 étapes, souvent proposé avec une touche d'humour. Pour commencer, "la Truite, le meilleur c'est la peau."J'aime bien cet aphorisme qui me rappelle les premières partie de pêche en Ardèche avec Nicolas. Quand on rentrait avec quelques poissons, pas toujours de maille, on les cuisinait avec du lard, comme dans le Cantal et il me disait toujours de bien faire griller la quaue, c'est le meilleur. Comme souvent, la truite a subi l'ikejime. L'ikejime est une technique d'abattage du poisson consistant à neutraliser le système nerveux de l'animal vivant avant de le saigner. Cette pratique ancestrale, d'origine japonaise, a pour effet de réduire le stress et la douleur du poisson. Ses muscles ne sont pas aussi contractés, sa chair se conserve mieux et ses qualités gustatives sont supérieures, par rapport à la façon traditionnelle.



Le poisson est rosé, à peine cuit et la peau est grillée, croquante, gourmande, croustillante pleine de saveur avec ses sucs et vinaigrette à l' aneth. On nous a apporté les pains, une brioche saumurée élaborée par le chef pâtissier que l'on déguste avec l'huile d'olive de Vignolis à Nyons et un pain au levain produit par Les Pains de Beaufort à Aouste sur Sye dans la Drome. 
L'huile d'olive de Nyons A.O.P. est très onctueuse, finement fruitée, de couleur vert doré. On retrouve les arômes de la pomme verte, d'herbes fraîchement coupées, ainsi que des parfums de noisette, d'amande et de beurre fondu.
Ensuite, "Que cache Bellota ?" Le Bellota c’est lorsqu’un cochon de race ibérique (50% minimum) s’est nourri exclusivement de glands (bellotas en espagnol) et de pâtures naturelles, et ce, en toute liberté. Le résultat, un jambon qui transpire ou qui pleure, qu'on coupe comme on joue du violoncelle où l'archet serait remplacé par un long couteau de Tolède. C’est le gras qui s’infiltre dans la viande du cochon qui lui donne cette saveur si particulière et appréciée et qui le fait transpirer. Le bellota ici cache le caviar sur une crème onctueuse d'artichaut. C'est une belle alliance de la terre et la mer ou de l'Andalousie et de la Caspienne.
"Le Rouget un peu Grassouillet". Le chef allie la puissance du rouget à la générosité du foie gras et un cracker d'oursin vient marier le tout dans une alliance onctueuse et iodée. C'est une sorte de mille-feuille de rouget et de foie gras que le chef fait cuire  très légèrement sous forme de brochette. En salle, la jeune femme qui nous sert dépose un bouillon de rouget, il y a aussi du thym, des échalotes en pickles. C'est un plat audacieux comme le précédent en forme de clin d’œil à la mer et au Sud Ouest natal du chef. La sommelière nous propose un rouge des Terrasses du Larzac, Combarels de l'Ombre de 2023 du domaine Cassagne et Vitailles. De
 Combarels sont issus deux vins radicalement différents mais pourtant indissociables chacun ne pouvait exister sans l’autre, comme le jour et la nuit, l’ombre et la lumière. Tous deux expriment un aspect de ce terroir si singulier des Terrasses du Larzac, l’un intense et profond, l'ombre que nous dégustons ce soir. Syrah, grenache et carignan : Un vin aromatique aux notes de fruits noirs et d'épices, avec une belle structure tannique et une finale longue et harmonieuse. Il a une belle intensité sans être trop lourd.

Avec la viande et le fromage, nous dégustons le Chateauneuf du Pape, Prestige 2016, de Roger Sabon et effectivement je trouve ça très bon. La cuvée Prestige est un assemblage de grenache, de syrah, de mourvèdre, de counoise et de vaccarèse cultivés de façon raisonnée sur des sols argilo-calcairesC'est "un vin à la robe profonde, au nez expressif et élégant qui mêlent fruits rouges et noirs confiturés, des notes empyreumatiques, d'épices et d'olive noire. Les tanins sont présents et serrés. Ils participent à l'impression de puissance et de longueur."Il accompagne d'abord un plat qui évoque la paella, c'est le dish jockey : une réinterprétation de la paella avec d'un coté une assiette avec une crevette prestigieuse et des carrés de seiche et à coté, une poêle qui accroche comme on aime les poêles de paella.


 L'escale suivante est le Bœuf -Salade. 
C'est un bœuf de pâturage - il arrive que le chef utilise le bœuf wagyu- juste saisi, nappé d'un jus de bœuf intense, une salade braisée, tendre et subtile fourrée d'une farce de bœuf et accompagnée de pomme de terre légères au parfum de Provence et d'un mélange de condiments pour éveiller les sens et les papilles. Comme pour  les autres escales, qui marrie puissance du bœuf et délicatesse des pommes de terre et de la salade, une cuisine de terroir sublimée.  

Vient ensuite le fromage, Perrette... une façon de mêler gastronomie et littérature, après la marquise, Jean de Lafontaine, autre ami de Fouquet. La serveuse ne porte pas le pot au lait sur sa tête comme dans la fable mais arrive avec une berthe ce récipient qu'on nomme ainsi à Lyon et que portait le laitier qui livrait à domicile. Elle en tire 2 petites coupelles avec un fromage. Moi qui adore les grands plateaux qui font le tour de France, je vais être subjugué par cette interprétation du Saint Marcellin par Cédric Perret. C'est à la fois, un fromage et un dessert, le Saint Marcellin, affiné sur place, glacé avec une crème de safran, je crois. Le petit fromage rond est signé par une vache espiègle. C'est un des emblèmes de la maison et un des plats signature du génial chef pâtissier qui va nous éblouir jusqu'au bout du voyage.





Le pré-dessert fait Pschitt

, hydromel et glace citron/miel d’une grande fraîcheur et d’une belle digestibilité. La sommelière nous propose un Muscat de Baume les Venise, Cœur des Vignes en 2023 d'Ignace Alain. Robe 
 vieil or limpide,  nez  vanillé, jus de baba au rhum, clous de girofle,  bouche fluide, orange confite, fruit de la passion, bien équilibré, c'est un vin de grande garde.

Ensuite, Mikoot, une rhubarbe glacée, acidulée, croquante, un dessert pur et vibrant qui constitue un hommage à la fraîcheur de la Drome, ce jour où le  mercure flirte avec les 40. A coté, la tartelette de grand mère à la rhubarbe.

Autre dessert, le chocolat Herbacé. Le cacao vient de Sao Tomé et se marie avec quelques herbes aromatiques.

Le Clair de la Plume a une délicate attention et j'ai droit à un autre dessert avec sa bougie qui flambe, un peu difficile d'y faire honneur mais je me force. Avec mon café, quelques belles mignardises avec  en particulier une somptueuse tartelette au fraises, des chocolat, des noisettes du Piémont. Le service a été parfait, enjoué, souriant tout en restant très discret. Le repas somptueux avec un échange avec le chef, un grand gaillard, mince et athlétique , la salle est parfaitement dirigé par cette dame charmante qui allie bienveillance et autorité naturelle et souriante.

La plume nous poursuit, la statue de la marquise trone sur la place de l'Horloge et la plume scintille sur les flancs de la tour.








 




 





  

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