dimanche 11 mai 2025

CHATEAU DE RAMBOUILLET, DANS L' INTIMITÈ DU PRÈSIDENT AURIOL

 

Retour au chateau pour la visite guidée, "Dans l'intimité du Président". C'est un retour en 1950, pendant la présidence de Vincent Auriol que les français prononçait Tauriol. Au cours de la fin de la 3ème République, il fut, notamment ministre des Finances du Front Populaire. Antimunichois notoire, il refusa les pleins pouvoirs constituants à Pétain en juillet 1940. Arrêté, puis interné jusqu’en mars 1941, il fut assigné à résidence à Muret avant d’entrer dans la clandestinité en novembre 1942 et de rejoindre Londres en octobre 1943 où Charles de Gaulle le nomma à l’Assemblée consultative provisoire. Il y défendit le travail parlementaire dans un milieu hostile aux pratiques de la IIIe République. Son esprit de conciliation apparaissait déjà dans les sources de son socialisme. Il y entrait le christianisme social familial, un fond guesdiste toulousain et un « jauressisme » qui allait in fine l’emporter. Adhérant à la SFIO dès 1905, il suivit Léon Blum au congrès de Tours. Il joua souvent alors, au sein des socialistes, un rôle centriste, « synthésiste », disait Jules Moch. Ce fut net, notamment, en 1924 à l’endroit du gouvernement du Cartel ou lors de l’émergence du courant néo-socialiste. Il fut aussi l’un des artisans du rapprochement des gauches en 1935. À la Libération, il fut un intermédiaire entre de Gaulle et les socialistes trop prompts, selon lui, à vouloir rompre avec le chef du GPRF et les démocrates-chrétiens du MRP. Ce fut, sans doute, pour cette raison que le Général le nomma ministre d’État en charge des relations avec l’Assemblée en septembre 1945. Il est élu Président de la République en 1947 . Auriol voulut que la présidence de la République ne fût pas que d’apparat. Il dut pourtant accepter que le Quai d’Orsay dirigeât la diplomatie dans un sens qui ne fût pas le sien sur la politique allemande, européenne et coloniale. Il ne se résignait pas à l’impuissance ; aussi put-il éviter la déposition du sultan du Maroc en 1951. En 1954, il ne se représente pas pour raison de santé et René Coty lui succède.

Résidence présidentielle de 1885 à 2018, le château de Rambouillet connut une période faste sous le mandat de Vincent Auriol ( 1947-1954) qui souhaitait faire de Rambouillet, comme de l’Elysée, une vitrine des savoir-faire français pour les arts décoratifs à des fins diplomatiques. En effet, les chefs d’Etat étrangers étaient reçus dans ce château, ce qui permettait de découvrir un certain art de vivre à la française. L’ambition d’Auriol est de recréer au château une ambiance à l’image du luxueux paquebot Normandie dans les années 1930 avec ses coursives, ses différents ponts desservant les cabines et toutes les commodités.

 Nous montons au second étage et la visite commence par la Chambre d'Ami, qui était occupée, en fait, par le fils unique du couple présidentiel, Paul Auriol qui  travaille auprès de son père pendant son mandat présidentiel comme secrétaire général adjoint de la présidence de la République

Le mobilier a été créé par Suzanne Guiguichon qui est une décoratrice en vogue de l'Après-guerre spécialisée dans la création de mobilier et d'objet fonctionnels. Suzanne Guiguichon apporte à ses conceptions décoratives des qualités essentiellement féminines. Pratique, elle s'applique à trouver des solutions aimables, élégantes à tous les problèmes journaliers, qu'il s'agisse de l'ordonnance et de l'ameublement de la pièce unique dont elle fut une des premières réalisatrices, de l'agencement ingénieux de meubles, bar, argentier, secrétaire, cheminée à habillage muraux, ou simplement de l'invention de petits meubles, porte-tasse, pupitre à livres ou revues, tablettes de sièges, concourant au confort et à l'agrément de l'usager. A côté de ces raffinements fonctionnels Suzanne Guiguichon compose et étudie avec soins des meubles qu'elle continue de faire exécuter par les artisans de son maître Maurice Dufrène, elle aime les bois clairs, en particulier le sycomore, mais aussi certains bois sombres, telle poirier, dont l'opposition ou l'alliance lui tiennent lieu de décor. Ses créations sont caractérisées par des formes épurées, géométriques et l'utilisation du métal et du verre.

On remarque cette table basse en merisier et parchemin.
Quatre pieds coniques très évasés sur platine de bronze saillant. Ceinture très en retrait, plateau circulaire à boudin de merisier saillant, le centre circulaire en merisier entouré d'un large anneau de parchemin. Les formes futuristes de ce meuble évoque les soucoupes volantes et sont un rappel de la littérature et des premiers films de science-fiction. Cette chambre a une vue privilégiée sur le parc.
Nous continuons par la chambre de l'épouse de Paul Auriol, Jacqueline Auriol dont les exploits aéronautiques ont bercé mon enfance.
Jacqueline Auriol, une figure emblématique de l’aviation française, a marqué l’histoire par son audace et ses exploits aériens. En tant que pilote d’essai, elle a défié les limites de la vitesse et de la modernité, devenant une source d’inspiration pour de nombreuses générations. Son parcours est jalonné de records, de distinctions et de défis personnels qui ont forgé sa légende.

Sa carrière de pilote a véritablement décollé lorsqu’elle a rejoint le Centre d’essais en vol. Là, elle a eu l’occasion de piloter des appareils de plus en plus modernes, tels que le Vampire, un avion à réaction qui symbolisait la modernité de l’époque. Son engagement et son talent lui ont rapidement valu d’être reconnue comme une pilote d’exception, prête à relever tous les défis.
Malgré un grave accident en 1949, qui a nécessité de nombreuses opérations chirurgicales, Jacqueline Auriol a fait preuve d’un courage exemplaire en reprenant les commandes d’un avion. Cet événement a renforcé sa détermination et son désir de repousser les limites, la propulsant vers de nouveaux sommets dans sa carrière d’aviatrice. Sa chambre à Rambouillet donne sur la cour d'Honneur et lui permet d'observer l'arrivée des invités de la République. L'appartement de Jacqueline est décorée par Jeanne Blanche Klotz. Pendant le Front Populaire, elle a reçu une commande pour décorer d'une façon moderne l'appartement du ministre des Finances, Vincent Auriol, puis en 1949, elle dessine des meubles pour une suite du paquebot Ile de France.

On remarque surtout cette coiffeuse en merisier et bronze doré. La table possède un piétement en X sur laquelle est fixé un miroir octogonal entouré de 2 cornes d'abondance. Elle est inspirée du mobilier Restauration et présente un esthétique marqué par le galbe des lignes.

La salle de bain au mobilier métallique imaginé par Colette Gueden est un bijou de design 1950 et de modernité. Il y a en particulier de petites caches dans les murs, où Jacqueline dépose des objets de toilette.

La pièce que nous visitons ensuite est la suite 7 dans l'aile réservée aux invités. La décoration a été confiée à Pierre Lucas. Dans cette aile, il existe une hiérarchie. L'invité qui dispose de cette suite est l'invité d'honneur, un conseiller disposera d'une chambre plus modeste et la secrétaire aura droit à une sorte de cellule avec toilettes sur le palier. Cette aile ressemble aux coursives d'un paquebot.
Cette suite se compose d'une chambre et d'un salon boudoir. La chambre conçue par Pierre Lucas en 1946, elle comprend un semainier, un lit et deux chevets en citronnier et merisier. Pierre Lucas utilise un bois clair, le citronnier, jouant des veines du bois pour l’animer.
S’inspirant d’un meuble traditionnel, le semainier, Pierre Lucas innove ici par la pureté architecturale des lignes, animée cependant par l’ondulation originale des poignées. Le semainier est un meuble à  7 tiroirs. Sur un socle rectangulaire supporté par 4 pieds en pyramide renversée, se dresse une façade flanquée de demi-colonnettes jumelées surmontée d'une ceinture à fronton triangulaire. Les poignées sont très originale qui forment une ligne continue du haut jusqu'en bas.

Sur un des meubles, j'ai remarqué cette superbe marquetterie.
Nous avançons vers la tour François 1er où on a aménagé un espace réservé aux hôtes de marque. C'est Jean Pascaud qui est chargé de la décoration. C'est lui qui a dessiné le suite Dieppe sur le paquebot Normandie et qui a  aménagé le bureau de Jean Zay en 1937 sous le Front Populaire.
 
Jean Pascaud (1903-1996), ingénieur des arts et manufactures, met son talent au service des arts appliqués durant la période Art Déco, sa préférence allant au mobilier. Ses meubles aux proportions parfaites, classiques et sobres mais chaleureux, s’inscrivent dans la veine de ce style. De grande qualité, ils sont faits de matériaux luxueux ou de bois indigènes comme le sycomore ou le noyer. Il s’applique à faire ressortir les veinures de ces derniers, leur donnant ainsi des lettres de noblesse. Aucune fioriture dans la décoration, seules quelques incrustations de laiton viennent parfois agrémenter une façade. Ici, Pascaud a mis en place un décor néo-rustique.
La chambre de Monsieur, à cette époque, il est rare qu'un chef d'état soit une dame, est situé au dernier étage de la tour François 1er, ici meme ou le roi est passé de vis à trépas.
La voute a été dégagée et fait apparaitre la clef de voute en pierre et le dallage noir et blanc est inspiré des oeuvres de Brueghel. Le mobilier est neo-gothique et néo-renaissance.
Dans la chambre de Madame par exemple, destinée à l’épouse du chef d’État étranger hôte, Genès Babut imagine un décor complet, de la moquette aubergine au dessin du tapis tissé par manufacture d’Aubusson, en passant par les draperies en satin des entrefenêtres et du couvre-lit jusqu’à l’encadrement du miroir. L’ensemble du mobilier, en sycomore laqué, est ponctué de bronzes réalisés par Louis Leygues : anneaux sur les tiroirs et cache-serrures amovibles en forme de visages. Cette chambre aux tonalités douces et satinées – pendant féminin de la chambre néo-Renaissance du dessus, offre la quintessence de l’élégance et du raffinement néoclassique. La reine Elizabeth II et le prince Philip y dormiront deux nuits, à titre privé - on dit que la reine avait refusé de se tenir dans la chambre où François Ier aurait trépassé.

En 1883, les présidents de la IIIème République reprennent la tradition des chasses à Rambouillet et en 1895, Félix Faure en fait une résidence présidentielle. Le château abritera notamment Jules Grévy et Sadi Carnot. Vincent Auriol souhaite en faire une résidence d’accueil pour les dignitaires étrangers. Il décide ainsi du réaménagement d’une dizaine de chambres. Sous les Auriol ou après, bien des chefs d’État étrangers et têtes couronnées, Dwight D. Eisenhower, John Kennedy, Nikita Khrouchtchev, Mikhaïl Gorbatchev, Helmut Kohl, Gerald Ford, Nelson Mandela, Boris Eltsine ou l’empereur du Japon, seront conviés à Rambouillet par le pouvoir français. En 1975, c’est là que le président Giscard d’Estaing choisit d’organiser le premier G6 de l’histoire, réunissant les chefs d’État des six pays les plus industrialisés du monde. Les présidents Pompidou, Giscard D’Estaing et Mitterrand y feront quelques séjours, avant que Nicolas Sarkozy cède le château aux centre des monuments nationaux en 2009. La localisation idéale du château, situé à 50 kilomètres de Paris, et son cadre champêtre en font un lieu propice aux négociations politiques et à l’accueil de personnalités politiques. 

Les présidents de la 5e République font de Rambouillet un haut lieu de rencontres internationales, propulsant la sous-préfecture des Yvelines à la une de l’actualité politique. Le général de Gaulle reçoit Khrouchtchev en 1960, Pompidou Léonide Brejnev en 1973. Deux ans plus tard, Valéry Giscard d’Estaing rassemble six chefs d’états industrialisés pour coordonner leurs efforts face à la crise. En 1990, François Mitterrand s’illustre avec Gorbatchev pour un sommet franco-russe. Jacques Chirac ouvre au château en 1999 la réunion qui conduira à l’accord de paix au Kosovo.

Rappel, un article sur la visite du chateau: https://www.lemounard.com/2025/05/rambouillet-la-visite-du-chateau.html

 




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