mardi 18 février 2025

PARIS, VISITE DU CRÈDIT MUNICIPAL AVEC LORA ROMANO

 Nous avons rendez vous à 10h devant le Crédit Municipal avec Lora Romano. C'est une dame charmante, une des guides qu'on a le plus apprécié à Paris avec Philippe Brinas-Caudie et Bruno Barthélemy.

Nous sommes un douzaine et nous entrons dans la cour pavée que traverse une ligne qui indique la muraille de Philippe Auguste. Le Crédit Municipal de Paris classé au cœur du quartier du Marais, construit sur un ancien couvent dont il reste des traces : Église des Blancs-Manteaux, fontaine des Guillemites...Sept enceintes se sont succédé autour de Paris. Si la première enceinte gallo-romaine, construite au IVe siècle, ne couvrait que l'île de la Cité, la ville n'a cessé de s'agrandir pour atteindre les limites actuelles du périphérique. Ces enceintes et remparts servaient à protéger les habitants des invasions, notamment barbares, et à contrôler les entrées des visiteurs comme des marchandises. L'enceinte  de Philippe Auguste, d'une longueur de 2 800 mètres sur la rive droite et de 2 600 mètres sur la rive gauche, a été construite entre 1190 et 1215 sous le règne de Philippe Auguste. Véritable muraille haute de 9 mètres, elle comportait un chemin de ronde, des créneaux, des portes fortifiées et 77 tours semi-cylindriques hautes de 14 mètres. C'est la première enceinte construite sur les deux rives de la Seine incluant les îles de la Cité et St Louis. Il en reste une partie bien visible rue du jardin Saint Paul contre les murs du lycée Charlemagne.


Le Crédit Municipal de Paris est un établissement public administratif depuis 1637, anciennement Mont-de-piété. Depuis sa création et son implantation dans le Marais en 1777 au 55 rue des Francs-Bourgeois, dans le 4ème arrondissement de Paris, le Crédit Municipal prend en gage des biens - dont 85% sont des bijoux- contre un prêt correspondant à la valeur de l'objet aux enchères. Dès son ouverture, ce lieu devient une véritable institution solidaire visant à être un soutien aux habitants qui n'ont d'autres choix que d'avoir recourt à l'emprunt pour répondre à leurs besoins du quotidien en proposant des prêts abordables.
Le Crédit Municipal prend exemple du Monte di Pietà, une institution caritative italienne des années 1462, fondée à Pérouse afin de lutter contre les usuriers qui pratiquaient des taux d’intérêts extrêmement élevés, ruinant les clients qui déposaient leurs biens en gage.
Théophraste Renaudot, médecin de Louis XIII, philanthrope et ami de Richelieu, est nommé Commissaire aux pauvres du royaume en 1619. Le 27 mars 1637, le roi l’autorise à ouvrir un Mont-de-Piété à Paris. En 1643, Louis XIII permet à 58 villes d’établir des Monts-de-Piété. Après la mort de Richelieu et de Louis XIII, Théophraste Renaudot perd ses principaux défenseurs. Ses ennemis – les usuriers, la faculté de Médecine et le Parlement de Paris – réclament la fermeture de l’établissement. Le 1er mars, un arrêt du Parlement met fin à l’institution. Pendant plus d’un siècle, les usuriers règnent sur la capitale. Des taux de l’ordre de 120 % par an sont alors pratiqués !

Les usuriers se faisant de plus en plus nombreux, le roi Louis XVI, sur les conseils du lieutenant général de Paris Jean Charles Pierre Lenoir, prend la décision de réétablir un Mont-de-Piété en 1777 dans le Marais, après que l'ancien situé sur l'île de la cité, n'ait été fermé en 1644, avec pour but de faire concurrence aux  banquiers de la rue des Lombards qui pratiquaient des taux d’intérêts pouvant atteindre jusqu'à 120%.

Le Crédit Municipal de Paris se trouve actuellement dans un ancien couvent, lui-même construit sur l'ancienne enceinte de Philippe Auguste, détruite autour de 1535. On peut encore admirer à l'entrée de la cour, les vestiges de l’une des anciennes tours,dite tour de Pierre Alvart.. 

De nos jours, cette institution a toujours la même vocation et accueille tous les jours dans son enceinte, des centaines de clients de Paris et de toute l'Île de France pour proposer une palette de services solidaires adaptés à chacun, proposant des taux. Il offre aussi un service de banque, de vente aux enchères et une grande cave à vin du XVIIIème siècle pour conserver les bouteilles de ses clients. Après une courte présentation dans la cour où il fait un peu froid, nous entrons dans un hall où trône une vénérable étuve. L’établissement a  conservé et exposé dans le hall  un témoin d’une partie de l’histoire du lieu : la machine à vapeur servant autrefois à étuver les matelas que les Parisiens déposaient en gage. Au XIXème siècle, il était courant d’engager des matelas et sous le second empire, on en comptait plus de 15 000. Afin d’éviter toute contamination, chacun d’eux, en plus de certains accessoires de literie comme des oreillers ou des traversins étaient, par précaution, soigneusement désinfectés dans cette étuve avant d’être rangés dans des magasins. Le Crédit Municipal est souvent appelé "Ma tante". Chez ma tante : c’est le lieu où François Ferdinand d’Orléans (prince de Joinville) a prétendu avoir oublié la montre offerte par sa mère. En effet, joueur invétéré, l’histoire dit que pour honorer une dette de jeu, il serait allé déposer sa montre au mont-de-piété (actuel Crédit municipal de Paris). Et pour en justifier l’absence, il aurait déclaré l’avoir oubliée chez sa tante. François d’Orléans, prince de Joinville, est le troisième fils et septième enfant de Louis-Philippe et de Marie-Amélie de Bourbon, princesse des Deux Sicile.

Autre expression, "mettre au clou". Locution verbale désignant les objets donnés en gage et qui étaient historiquement attachés par des clous.  Quand on possède certains objets de valeurs (bijoux, œuvres d'art...) et que l'on a passagèrement des besoins de liquidité financière, on y dépose ses objets en contrepartie d'une somme d'argent estimée par un commissaire priseur. Charge au dépositaire de rembourser la somme dans le délai d'un an. Sinon, les objets appartiennent à l'organisme prêteur et sont vendus aux enchères. Autrefois symbole du dernier recours, c’est l’adresse de la honte, dans les romans d’Émile Zola. Victor Hugo en parle dans "Les Misérables""Pour cela il avait mis les cuivres de sa Flore au mont-de-piété. Il avait réduit son déjeuner à deux œufs, et il en laissait un à sa vieille servante dont il ne payait plus les gages depuis quinze mois." L'institution a connu nombre de dépositaires célèbres E. Zola, V.
Hugo, P.Verlaine, G.Feydeau, Tolstoï, Sarah Bernard, Degas, Monet, Joséphine de Beauharnais, la Comtesse de Castiglione, les Grimaldi ...
Le Crédit Municipal (sauf rare exception) n’accepte plus les voitures et les motos depuis 1974, principalement parce que ce service impliquait des moyens logistiques trop lourds. Il y a eu jusqu'à plus de mille voitures gagées chez "Ma Tante".

Nous revenons dans la cour où Lora Romano nous fait découvrir une tour qui subsiste de l'enceinte de Philippe Auguste. Aux 53bis-55 rue des Francs Bourgeois, l'architecte Charles François Viel a construit le bâtiment de style Louis XVI.



Une bien curieuse colonne surmontée d’un panneau placée dans une niche du passage qui longe le Crédit Municipal  et donne accès à la tour de l’enceinte Philippe Auguste . Passage qui fait face à l’entrée principale des Archives Nationales au N° 60 et qui  le plus souvent est  fermé. Sur la colonne figure l’inscription suivante : « Fut de colonne trouvé en 1885 en démolissant les fondations de l’ancien Hôtel de Novion ainsi que l’assise ci-dessous » Situé initialement au 22 rue des Blancs-Manteaux, en fond de cour, l’Hôtel de Novion a été édifié en 1638 et était considéré à la fin du 19ème siècle comme l’édifice de son époque le plus abouti architecturalement. En 1880, le Crédit Municipal devint propriétaire du lieu et fit don de la façade à la municipalité. Malgré les nombreuses levées de boucliers, l’hôtel fut démoli 5 ans plus tard. Seul un fragment de la façade de l’ancien Hôtel et le fût de colonne ont été conservés en l’état, remontés en 1886 et apposés contre le mur du passage perpendiculaire au 57 rue des Francs-Bourgeois. Notre guide nous conduit ensuite dans la salle où se tient une vente aux enchères. J'ai quelquefois participé sur Interenchères à des ventes de prestige où il est difficile de tirer son épingle du jeu, marchands, collectionneurs, antiquaires monopolisent les enchères et tout part à un prix supérieur à l'estimation. Aujourd'hui, il ne se vend que des objets assez ordinaire et le combat n'est pas intense avec une assistance très clairsemée. Nous entrons ensuite dans l’Église des Blancs-Manteaux. L'Ordre mendiant des Servites de Marie avait établi son monastère ici. Les religieux portaient un manteau de laine blanche et le peuple les surnomma les Blancs Manteaux. L'Ordre est aboli en 1274 et les frères ermites de St Guillaume, les Guillemites prennent la succession. L'église est consacrée en 1397 en présence du roi Charles VII. Elle fut rebatie en 1685 puis vendue à la Révolution puis rendue au culte en 1801. Elle abrite  une magnifique chaire baroque, acquise par l'abbé Charles-Félix Garenne, curé de l'église de 1831 jusqu'à sa mort en 1878 et à qui l'on doit la plus grande partie du mobilier actuel. Les Blancs-Manteaux ne possèdent que peu de vitraux, tous datés de 1946. Elle fut exécutée en 1749 certainement en Bavière. Elle se compose de panneaux en marqueterie incrustés de nacre, d'ivoire et de bois précieux.


L'orgue est construit en 1841 par Louis Caillet et restauré en 1964; on remarque le tableau "La Multiplication des Pains" par Claude II Audran qui provient du couvent des Chartreux.

Claude Audran II, né à (1639-1684), peintre et graveur, est issu de la célèbre famille Audran, élève et imitateur de Lebrun.

La visite se termine rue des Blancs Manteaux, le théâtre (café-théâtre) où nous venions il y a bien longtemps est désormais fermé. Belle visite, nous allons suivre le programme de Lora Romano qui est passionnée par son sujet et qui, de plus, est auvergnate.








 


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire