dimanche 16 février 2025

NOTRE DAME DE PARIS, LA RENAISSANCE





"Son énergie, c’est l’esprit, le cœur, le désir, en un mot la puissance vitale du peuple de Paris. Lorsqu’on l’a vue s'enflammer, le 15 avril 2019, et lorsqu’on l’a vue s’effondrer, le cri du public, puis ses larmes, en ont témoigné clairement : la perte d'un élément emblématique du patrimoine nous regarde."
  

Chaque fois que l'on "monte" à Paris depuis l'incendie, nous allons voir l'avancée des travaux, on passe de longs moments, sur le parvis, à lire les immenses panneaux qui décrivent l'avancée, le calendrier des travaux et qui parlent des artisans, des ingénieurs, des architectes qui y participent. Cette photo date de début décembre, juste avant la cérémonie de réouverture du 7 décembre qui marque la résurrection de la cathédrale après cinq années de restauration. "Notre-Dame de Paris est la « cathédrale gothique » par excellence. Sa construction commença au XIIe siècle et dura plus de 170 ans. Sa célèbre façade occidentale a exercé une influence considérable dans l'Europe entière, par son équilibre et son harmonie sans équivalent."J'étais devant ma télé sur une chaîne d'information quand, le 15 avril 2019, quand l'image de l'incendie apparaît. Tout au long de la soirée, on va suivre la catastrophe jusqu'à cette image effroyable de la flèche qui s'effondre. 

 "Quand la flèche, en feu, de Notre Dame de Paris a basculé dans le vide, c'était comme si, ensemble, l'histoire, la foi et la beauté avaient renoncé devant la barbarie".

 A l'origine, la flèche de Notre-Dame de Paris est un clocher qui culmine à 83 mètres de hauteur et  abrite six petites cloches. La flèche recouverte de plomb qui surmonte la croisée du transept va être fragilisée par les intempéries au fil du temps. Elle est démontée à la fin du XVIIIe siècle. Culminant à 96 mètres, elle était agrémentée d’un étagement de seize statues en cuivre accroissant l’effet d’élancement. La flèche elle-même était composée d’une souche octogonale percée de quadrilobes, aux arêtes ornées de crochets, d’un premier étage à claire-voie, d’un second étage formé de huit baies couronnées de gables très élancés et enfin de l’aiguille elle-même surmontée par un coq. L’ensemble était orné de chimères ailées, de rapaces, de motifs floraux, de perles. L’ouvrage était intégralement en plomb, excepté les statues en cuivre.

Pour éviter les queues interminables, j'ai retenu la visite gratuite sur internet. Pas d'attente mais quand on pénètre dans le cathédrale, la foule est très dense et il est évident qu'on ne pourra pas faire la visite dont on rêve. Première  impression, la lumière.

 


 


 "Dieu dit : Que la lumière soit ! Et la lumière fut.
Dieu vit que la lumière était bonne ; et Dieu sépara la lumière d’avec les ténèbres.Dieu appela la lumière jour, et il appela les ténèbres nuit.Ainsi, il y eut un soir, et il y eut un matin : ce fut le premier jour. »

"Pendant tout le Moyen Âge, aucune réelle distinction n’existe entre le peintre en bâtiment et le peintre imagier – entre l’artisan et l’artiste. Les techniques de peinture employées au Moyen Âge sont héritées de l’Antiquité : la détrempe, l’encaustique et la peinture à fresque étaient largement utilisées. Les pigments jaunes, bruns et rouges sont obtenus à partir de pierre ocre. Le blanc provient de la céruse, mélangé à de l’huile de noix et de l’essence de térébenthine. Les liants peuvent être de la colle de peau, de l’œuf, de l’alcool."

 Pour fabriquer des vitraux d’une grande intensité de couleurs, il est nécessaire de disposer de pigments en grande quantité, rares et onéreux. Ils proviennent parfois de pays lointains comme le lapis-lazuli, extraits dans les mines d’Afghanistan, avec lequel obtenir un bleu profond.



5 entreprises ont été chargées de restaurer les vitraux, parmi lesquelles Vitrail St Georges à Lyon : "Le travail sur les vitraux a consisté à les déposer, les amener à notre atelier, puis à procéder à leur restauration et à leur repose. Après le nettoyage de ce qui était dû, non seulement à leur enfumage lors de l’incendie, mais aussi aux dépôts redevables à leur temps d’exposition aux aléas atmosphériques, nous en avons profité pour restaurer les pièces cassées, fournir les pièces manquantes et palier la fatigue des plombs anciens qu’il nous a fallu consolider."

En parlant des vitraux, un sujet suscite une violente polémique : Le remplacement des vitraux de Viollet-le-Duc.  Si le projet a suscité l’enthousiasme des instances gouvernementales et ecclésiastiques, il ne fait pas l’unanimité. En juillet 2024, la Commission nationale du patrimoine et de l’architecture s’est opposée fermement à la dépose des vitraux de Viollet-le-Duc, restaurés et classés. Une pétition lancée par Didier Rykner, fondateur du magazine La Tribune de l’Art, a déjà recueilli près de 250 000 signatures. Les opposants dénoncent le remplacement de verrières historiques, jugé injustifié et contraire au respect du patrimoine. Mais peut-on aller contre les caprices du président ?

La foule qui visite empêche de faire une visite qui suit une logique, il est difficile, sans l'avoir préparée, de  ne pas passer à coté de quelques incontournables comme la couronne d’Épines du Christ. "Emporté par la foule", je picore au hasard. Une grande toile de Louis Testelin, un peintre protestant, la Flagellation de St Paul. Ses engagements religieux ne nuisent aucunement à sa carrière. Il peint pour Anne d’Autriche et de nombreux établissements religieux parisiens. Toutefois, son œuvre variée et nombreuse a été largement amputée. Parmi les rares peintures subsistantes, se trouvent les deux Mays réalisés pour Notre-Dame en 1652.
Près du chœur, un mur richement sculpté en bois de 1300 à 1350 par Pierre de Chelle.
Ce mur sculpté au XIVe siècle illustre des scènes de la vie du Christ. Il forme une séparation entre le chœur et le déambulatoire. A l’origine, il offrait aux chanoines un écran de silence durant l’office. Au Moyen-Âge, on conçoit un déambulatoire pour circuler durant l’office. Ainsi, dans le chœur de la cathédrale, le jubé prend la fonction d’écran. Il incarne le respect de la prière et du silence des chanoines rassemblés pour l’office. Au début du XIVe siècle, les travaux de modification du chevet de Notre-Dame s’achèvent sous la direction de l’architecte Pierre de Chelles. De ce fait, sculpteurs, peintres, peintres-verriers et menuisiers travaillent à la décoration intérieure du chœur. Caudron, lors des travaux de restauration de la cathédrale au XIXe siècle, tente de préserver les couleurs d’origines, ensuite ravivées par Maillol au milieu du XXe siècle. Les deux parties du pourtour sont de style différent. Les sculptures du nord sont les plus anciennes. La composition est claire, les attitudes calmes, les vêtements amples aux larges plis perpétuent la tradition de l’art monumental du XIIIe siècle, dans la lignée de l’art roman. Au sud, la composition est plus complexe, garnie de détails pittoresques, les attitudes sont plus raides et les plis des vêtements cassants sont caractéristiques du gothique tardif. Les techniques de sculpture diffèrent aussi entre les deux murs. D’une part, les murs nord sont recouverts de hauts reliefs. D’autre part, au sud, les sculptures sont en plein relief. Des groupes de colonnettes soutiennent les dais. Le style de l’architecture de l’enceinte du mur est traité différemment sur les deux parois.


Une magnifique crèche du XVIIIe siècle, fabriquée dans la tradition napolitaine est exposée à Notre-Dame.  Ses nombreux santons à la tête modelée en terre cuite, vêtus de riches étoffes, ainsi que ses décors peints ont été peu à peu rassemblés par le critique d'art et directeur artistique italien Alberto Ravaglioli, récemment décédé. La crèche s’inscrit dans la plus pure tradition des crèches napolitaines et des ateliers de la rue San Gregorio Armeno.

En 1223, saint François d’Assise, frappé par la ressemblance entre les grottes de ce village italien et celles de Bethléem, fait naître la tradition des crèches à Greccio, petit village italien. L’habitude de créer des crèches avec des figurines se répand en Italie, à Naples, puis gagne tous les pays méditerranéens. D’abord en bois peint, les personnages des crèches sont réalisés en fil métallique recouverts de paille, les mains et les pieds en bois, et la tête en terre cuite. Au XVIIIe siècle, symbole de richesse, la crèche se voit parée de matériaux les plus précieux (or, argent, tissus raffinés…), notamment à la cour du roi d’Espagne. La crèche exposée rassemble de nombreux personnages richement habillés. 

La chapelle axiale, Notre-Dame-des-Sept-Douleurs, abrite le mausolée d’Albert de Gondi, les deux sculptures sont les Priants de Pierre de Gondi. La chapelle-Notre-Dame-des-sept-Douleurs est ainsi nommée en référence à sept évènements de l’évangile qui font souffrir Marie au long de sa vie et de la Passion de son fils Jésus. Sur le mur à droite, une fresque datant du 14e siècle montre la Vierge qui accueille l’âme de Matifas de Bucy, l’évêque qui décida de l’édification de la chapelle. Au centre se tient ” la Vierge portant la Couronne d’épines “, une statue en bois réalisée par Corbon. Derrière l’autel, le vitrail datant de 1855 représente l’histoire de la Vierge.
La chapelle axiale, derrière le chœur, est l’emplacement du nouveau reliquaire créé par Sylvain Dubuisson pour abriter la Couronne d’épines. Les soldats romains, pour se moquer de la royauté du Christ, le coiffèrent d’une couronne garnie d’épines, devenue l’un des instruments de la Passion (souffrance de Jésus lors de sa crucifixion, depuis son arrestation jusqu’à sa mise au tombeau).
Louis IX ( Saint Louis,) acheta la Couronne et 22 autres reliques, découvertes au 4e siècle par la mère de Constantin, en 1238. Louis IX fit construire la Sainte Chapelle à quelques pas de Notre Dame pour abriter ces objets uniques et si précieux. Les reliques y restèrent jusqu’à la Révolution française.
En 1791, les reliques furent transférées à l’abbaye de St Denis. Puis, en 1804, à l’occasion du sacre de Napoléon 1er, la Couronne d’épines fut confiée à la cathédrale et placée depuis 1923 sous la protection des chevaliers du Saint Sépulcre.

Statue de saint Georges dans la chapelle rayonnante saint Georges.

 


Entre 1710 et 1714, Robert de Cotte place deux rangées de stalles de chêne sculpté. Au-dessus de celles-ci sont installés 22 panneaux de chêne laissé au naturel. Ils représentent des scènes de la Vie de la Vierge.

La rose sud, dit aussi rose du midi est offerte par le roi saint Louis. Elle est édifiée en 1260 en écho à la rose nord, édifiée vers 1250.Sa conception est l’œuvre de Jean de Chelles, puis de Pierre de Montreuil. Elle mesure presque treize mètres de diamètre. Avec la claire-voie sur laquelle elle repose, la hauteur totale de vitrage atteint près de dix-neuf mètres. Dès le XVe siècle, elle souffre de problèmes de stabilité des couleurs. De 1725 à 1727, le cardinal de Noailles finance sa reconstruction et fait placer ses armoiries au centre. L’architecte Germain Boffrand dirige les travaux. Le maître verrier Guillaume Brice y incruste des éléments anciens. Lors des restaurations du XIXe siècle, Viollet-le-Duc demande au verrier Alfred Gérente de laisser ces ajouts. Il reconstitue les médaillons manquant dans l’esprit du Moyen Age, en s’inspirant des vitraux de Chartres. Elle comporte quatre-vingt-quatre panneaux répartis sur quatre cercles. Leur nombre s’articule sur les chiffres symboliques quatre, douze et vingt-quatre. Les douze apôtres sont répartis dans les deux cercles. Ils se mélangent à des saints martyrs souvent honorés en France parmi lesquels Laurent, Denis (premier évêque de Paris), Pothin (évêque de Lyon), Marguerite, Blandine, Georges, Ambroise, Eustache. Le troisième et le quatrième cercle décrivent des scènes du nouveau et de l’ancien testament, fuite en Égypte, guérison d’un paralytique, jugement de Salomon et annonciation. Neuf scènes de la vie de Saint Matthieu datent de la fin du XIIe siècle. Les deux écoinçons représentent d’un côté la descente aux enfers, entourée de Moïse et Aaron (en haut) et de la tentation d’Adam et Eve (en bas) ; de l’autre, la résurrection du Christ, avec saint Pierre et saint Paul (en bas), sainte Madeleine et saint Jean (en haut).



Nous nous asseyons un long moment sur les bancs, émerveillés. Un prêtre récite une longue litanie de prières que les fidèles reprennent. On lève la tête, on se retourne, la lumière est presque divine. Jamais nous n'avions eu conscience de la beauté de la cathédrale qui était sombre, les couleurs passées, la pierre grise.









 

 

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