Il serait inconvenant de terminer un week-end gastronomique en Ardèche en ne passant pas par Montfleury. Le samedi après midi, nous quittons nos hôtes de Lagorce après de mémorables agapes truffées et nous remontons la superbe vallée de l'Ibie jusqu'au domaine de la Manse où nous passerons la nuit.
Verte et bleue et belle : la Vallée de l'Ibie s'étend de Villeneuve-de-Berg jusqu'à Vallon-Pont d'Arc où elle rejoint les Gorges de l'Ardèche. Les eaux turquoises, la verte vallée, c'est quand il fait beau. Aujourd'hui, l'eau est brunâtre, boueuse, abondante, il pleut des grenouilles et nous n’aspirons qu'à la chaleur de la Manse. Les bonnes traditions doivent se perpétuer. Devant le feu de bois, nous assistons à la piètre prestations des bleus qui se font battre par les rosbifs malgré une domination outrageuse. Petit déjeuner superbe et longue discussion avec Marius et Véronique puis un petit tour dans le village de Villeneuve de Berg, patrie de Olivier de Serre, l'inventeur de l’agriculture moderne. Vers midi, nous effectuons les quelques kilomètres qui nous séparent de Montfleury. Nous sommes accueillis par Angèle puis par Laure, les dames de Montfleury. Nous prenons des nouvelles des petites familles avant de prendre place à la hauteur des portes vitrées qui donnent sur les cuisines où Richard officie avec sa brigade. Les amuse-bouche suivent la Mise en Appétit. C'est une tradition de la maison, l' "Éveil des Papilles" : une infusion de différentes plantes sauvages accompagnée de fines tuiles de sorgho avec un poivre de qualité. Je pense que ça doit effectivement préparer nos papilles au plaisirs qui nous attendent et que Richard Rocle a adopté un principe gastronomique japonais.
Les grignotages arrivent, remarquables, avec dans l'ordre de dégustation que conseille Laure, une tartelette pate sablée au noir crémeux de brocolis et billes croquantes de légumes, puis la pomme duchesse garnie d'une texture de champignons et enfin, je que j'ai trouvé sublime, un grevelax de maigre sauvage avec un sorbet au leche de tigre et chips de banane. Le leche de tigre n'est pas un lait de tigresse, c'est une s'agit une marinade à base de fumet de poisson, d'herbes et d'aromates que l'on retrouve dans les recettes de ceviche. Le second de Richard est sud-américain, argentin, je crois mais la cuisine péruvienne est forte intéressante. Quand, pour son travail, notre fils allait souvent au Pérou, il adorait déguster la cuisine de quelques superbes restaurants de Lima. Ensuite, avec un pain fabriqué par le pâtissier de la maison avec un vin rouge, vient le bouchon de farce à gratin de pigeon, crumble tomaté et confit de coing.
Nous dégusterons un Sancerre blanc avec nos entrées puis "Le Temps qui Reste" le chatus de Benoit Salel que personnellement j'adore. En prenant la commande des vins, Angèle nous fait part d'une grande nouvelle. Nicolas Kuhn, le sommelier des 3 dernières années, revient retrouver la chaleur de l'Ardèche et l’atmosphère professionnelle, bienveillante et détendue de Montfleury. Angéle règne sur la salle mais laisse les personnalités s'épanouir. On a vu Laure évoluer au fils des années, elle aime l'établissement qui lui a permis d’acquérir confiance et compétence, les 2 dames de Montfleury ne se font jamais d'ombre, c'est un bonheur de les voir pratiquer l'art de l'accueil. De Laure, Richard m'a dit un jour qu'elle avait"un supplément d'ame".Angèle était une femme orchestre, l'ame de la maison, la gestionnaire , la sommelière où elle excellait (les vignerons ardéchois ne sauraient trouver meilleure avocate). Elle a engagé Nicolas, lui a laissé développer sa personnalité, son humour, sa science et son expertise. C'est ce qu'il n'a pas trouvé dans la maison où il a œuvré quelque temps et où le sommelier a redouté l'ombre qu'il aurait pu lui faire. Nous apprécions la maison où il ne s'est pas épanoui, le sommelier aussi, dommage d’être passé à coté de ce garçon remarquable.
Nous avons le choix entre 3 entrées. Personnellement, je choisis le ris de veau qui est une des signatures du chef. Richard Rocle est devenu
vice-champion d'Europe de produits tripiers avec son ris de veau. Un
plat original avec une préparation à base de cacao produit par la maison Vertueux à Labégude. Aujourd'hui, le chef propose une recette différente : Ris de Veau, champignons et macaroni, balsamique, choux-fleur et scorsonère. Comme nous choisissons de prendre 2 entrées, les 3 entrées de la carte figurent à notre table. Mon second choix se porte sur la Noix de Saint Jacques et Blanc de Seiche, Céleri Rave Poire et Jalapeno Chocolat lacté de la maison Vertueux. Le Jalapeno est un piment, une variété mexicaine. J'ai eu le plaisir de constater que la maison Vertueux est revendu par la boutique l'Ardèche à Paris, rue saint Paul dans le 4ème et tenue par un montpezatien, Laurent Haond.

Sur le dessus une belle lamelle de Tuber Melanosporum. Le paradis du gastronome. Carême, le mal nommé pour un plat aussi généreux.


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