lundi 24 février 2025

ARDÈCHE, LA CARTE D' HIVER À L'AUBERGE DE MONTFLEURY

Il serait inconvenant de terminer un week-end gastronomique en Ardèche en ne passant pas par Montfleury. Le samedi après midi, nous quittons nos hôtes de Lagorce après de mémorables agapes truffées et nous remontons la superbe vallée de l'Ibie jusqu'au domaine de la Manse où nous passerons la nuit. 

Verte et bleue et belle : la Vallée de l'Ibie s'étend de Villeneuve-de-Berg jusqu'à Vallon-Pont d'Arc où elle rejoint les Gorges de l'Ardèche.  Les eaux turquoises, la verte vallée, c'est quand il fait beau. Aujourd'hui, l'eau est brunâtre, boueuse, abondante, il pleut des grenouilles et nous n’aspirons qu'à la chaleur de la Manse. Les bonnes traditions doivent se perpétuer. Devant le feu de bois, nous assistons à la piètre prestations des bleus qui se font battre par les rosbifs malgré une domination outrageuse. Petit déjeuner superbe et longue discussion avec Marius et Véronique puis un petit tour dans le village de Villeneuve de Berg, patrie de Olivier de Serre, l'inventeur de l’agriculture moderne. Vers midi, nous effectuons les quelques kilomètres qui nous séparent de Montfleury. Nous sommes accueillis par Angèle puis par Laure, les dames de Montfleury. Nous prenons des nouvelles des petites familles avant de prendre place à la hauteur des portes vitrées qui donnent sur les cuisines où Richard officie avec sa brigade. Les amuse-bouche suivent la Mise en Appétit. C'est une tradition de la maison, l' "Éveil des Papilles"  :  une infusion de différentes plantes sauvages accompagnée de fines tuiles de sorgho avec un poivre de qualité. Je pense que ça doit effectivement préparer nos papilles au plaisirs qui nous attendent et que Richard Rocle a adopté un principe gastronomique japonais. 

Les grignotages arrivent, remarquables, avec dans l'ordre de dégustation que conseille Laure, une tartelette pate sablée au noir crémeux de brocolis et billes croquantes de légumes, puis la pomme duchesse garnie d'une texture de champignons et enfin, je que j'ai trouvé sublime, un grevelax de maigre sauvage avec un sorbet au leche de tigre et chips de banane. Le leche de tigre n'est pas un lait de tigresse, c'est une s'agit une marinade à base de fumet de poisson, d'herbes et d'aromates que l'on retrouve dans les recettes de ceviche. Le second de Richard est sud-américain, argentin, je crois mais la cuisine péruvienne est forte intéressante. Quand, pour son travail, notre fils allait souvent au Pérou, il adorait déguster la cuisine de quelques superbes restaurants de Lima.  Ensuite, avec un pain fabriqué par le pâtissier de la maison avec un vin rouge, vient le bouchon de farce à gratin de pigeon, crumble tomaté et confit de coing.

Nous dégusterons un Sancerre blanc avec nos entrées puis "Le Temps qui Reste" le chatus de Benoit Salel que personnellement j'adore. En prenant la commande des vins, Angèle nous fait part d'une grande nouvelle. Nicolas Kuhn, le sommelier des 3 dernières années, revient retrouver la chaleur de l'Ardèche et l’atmosphère professionnelle, bienveillante et détendue de Montfleury. Angéle règne sur la salle mais laisse les personnalités s'épanouir. On a vu Laure évoluer au fils des années, elle aime l'établissement qui lui a permis d’acquérir confiance et compétence, les 2 dames de Montfleury ne se font jamais d'ombre, c'est un bonheur de les voir pratiquer l'art de l'accueil. De Laure, Richard m'a dit un jour qu'elle avait"un supplément d'ame".Angèle était une femme orchestre, l'ame de la maison, la gestionnaire , la sommelière où elle excellait (les vignerons ardéchois ne sauraient trouver meilleure avocate). Elle a engagé Nicolas, lui a laissé développer sa personnalité, son humour, sa science et son expertise. C'est ce qu'il n'a pas trouvé dans la maison où il a œuvré quelque temps et où le sommelier a redouté l'ombre  qu'il aurait pu lui faire. Nous apprécions la maison où il ne s'est pas épanoui, le sommelier aussi, dommage d’être passé à coté de ce garçon  remarquable. 

Nous avons le choix entre 3 entrées. Personnellement, je choisis le ris de veau qui est une des signatures du chef.  Richard Rocle est devenu vice-champion d'Europe de produits tripiers avec son ris de veau. Un plat original avec une préparation à base de cacao produit par la maison Vertueux à Labégude. Aujourd'hui, le chef propose une recette différente : Ris de Veau, champignons et macaroni, balsamique, choux-fleur et scorsonère. Comme nous choisissons de prendre 2 entrées, les 3 entrées de la carte figurent à notre table. Mon second choix se porte sur la Noix de Saint Jacques et Blanc de Seiche, Céleri Rave Poire et Jalapeno Chocolat lacté de la maison Vertueux. Le Jalapeno est un piment, une variété mexicaine. J'ai eu le plaisir de constater que la maison Vertueux est revendu par la boutique l'Ardèche à Paris, rue saint Paul dans le 4ème et tenue par un montpezatien, Laurent Haond.


La troisième entrée met à l'honneur l’huître de Tarbouriech Numéro 1, concombre sauf pour Catherine, Kombu Royal et Crépinette. Algue brune, le Kombu Royal est une algue laminaire de couleur marron avec des reflets orangés ou verts. Bien connu et utilisé dans tous les continents, le Kombu Royal est très apprécié en cuisine : d’une part pour sa texture crue croquante qui fond avec la cuisson et d’autre part pour sa saveur délicatement iodée et umami quand il est bien cuisiné. C’est une variété d’algue abondamment présente sur nos côtes finistériennes en début d’année. L'umami, la cinquième saveur, ce vers quoi la cuisine de Richard Rocle cherche toujours à tendre. Ostréiculteurs passionnés depuis plus de 3 générations la Maison Tarbouriech élève des huîtres méditerranéennes. Alors que l’étang de Thau est propice à une croissance rapide et permet d’obtenir une huître de calibre n°3 en une année après l’étape de collage, trois années sont ensuite nécessaire pour obtenir une huître Spéciale Tarbouriech élevée au rythme de la Marée Solaire. Mise au point par Florent Tarbouriech et son fils Romain, en 2006, La Marée Solaire est une innovation brevetée, autonome en énergie (solaire et éolien), pilotable à distance via un simple smartphone et qui permet de reproduire le phénomène des marées lunaires en lagune.
Il y a longtemps que j'ai envie de déguster le Lièvre à la Royale de Richard Rocle. C'est un Lièvre de Chasse, Opus 10. La recette qui nous est proposée est celle de Carême : une grosse rondelle nappée d'une sauce noire. L'animal entier est intégralement désossé (à cru), la viande roulée. On prépare une farce riche avec abats, foie gras, truffe, oignons, cuite en ballottine au bouillon pendant des heures, à feu très doux. Celle-ci sera ensuite détaillée en tranches d'environ 2 cm d'épaisseur, puis copieusement arrosée d'une sauce liée au sang.
Sur le dessus une belle lamelle de Tuber Melanosporum. Le paradis du gastronome. Carême, le mal nommé pour un plat aussi généreux.
Mes commères et compères choisissent la Chèvre en 3 services, le Gigot, l' Épaule et le Carré. Le gigot : en tartare, incarne la fraîcheur par sa texture délicate. L'épaule : fondante et cuite basse température pendant 48h.
 Le carré : cuit au moment, il délivre toutes les saveurs de cette viande goûteuse, dans la lignée de l'agneau et du gibier. C'est le fruit de la collaboration et de la réflexion du chef avec son second, argentin, qui fait partie de la brigade depuis 4 ans. 
 La chèvre provient de fermes françaises d'Ardèche, du Lot, ou de Dordogne,en particulier du chateau de Valgorge. Pour l'accompagner des pois chiches de Saint-Pons, pickles d’oignons rouges, des fruits secs, et une sauce aux épices réalisée à partir de la carcasse.
Lin vin c'est "Le Temps Qui Reste"en espérant qu'il dure avec la santé, des appétits multiples, des voyages, de belles tables. Le chatus est un cépage oublié, puissant, tannique. Celui de Salel et Renaud montre des notes de fruits noirs, pruneaux, cuir, pâte de coing, cigare. Il est conseillé de l'aérer assez longtemps avant de le servir.
Passons aux desserts. J'ai choisi le Baba au thé vert, ganache à la confiture de lait, Caramel Mangue Vin Blanc, chocolat lacté de la maison Vertueux omniprésente. Christine, la maman, doit être fière. En fin de repas, je suis distrait et peu studieux et j'oublie de photographier
Les dames optent pour les"Premières Gelées" Lait de Brebis, fruits confits, Poire, Châtaigne et Mendiant. Un déca pour les uns, un vrai café pour les autres, quelques mignardises. Richard vient nous saluer, on discute un moment avec lui, son épouse avant de prendre la route de Clermont pour la plupart en évitant le plateau et en allant prendre l'A7 pour ne pas connaître les congères de Costaros . Je vais passer la nuit à Montpezat. Belle escapade gourmande. La prochaine fois, on testera la carte de printemps, on retrouvera Nicolas, le sommelier. Ah ce Lièvre !




 





 














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