« Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer soit
verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le
fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale… » Guillaume Apollinaire.
Le surréalisme est un mouvement interdisciplinaire qui puise ses origines dans le dadaïsme : comme Dada, il naît en réaction aux horreurs de la Première Guerre mondiale et en révolte contre la rationalité du monde. Rappel, les Surréalistes au musée Peggy Gugenheim à Venise.
https://www.lemounard.com/2022/11/venise-les-surrealistes-chez-peggy.html
En 1924, André Breton en pose les bases avec la publication de son Manifeste du surréalisme. Il le définit comme un "Automatisme psychique pur" avec l'écriture automatique comme principe créateur. Les objectifs sont de libérer la pensée de tout contrôle exercé par la raison, et d'inventer des techniques visant à reproduire les mécanismes du rêve. Il s'inspire des thèses de Sigmund Freud sur l’inconscient.
D'abord un mouvement littéraire, il s'étend rapidement à la peinture, à la sculpture,à la photo et au cinéma.
L'exposition de Pompidou est conçue comme un labyrinthe organisé autour d'un "tambour"central où trône le manuscrit original du "Manifeste". On pénètre dans le labyrinthe par un portique qui figure la gueule d'un monstre.
La première salle de l'expo est "l'entrée des médiums". Le surréalisme associe la figure de l'artiste à celle du voyant.
Un tableau nous fascine : Portrait prémonitoire de Guillaume Apollinaire par Giorgio de Chirico en 1914.
Ce tableau, vraisemblablement intitulé Homme-cible lors de sa création, n’a acquis son titre définitif qu’après la blessure de Guillaume Apollinaire en 1916, que De Chirico avait, en quelque sorte, annoncée.
En effet, le portrait en ombre chinoise, qui apparaît dans une fenêtre au second plan du tableau, comporte sur la tempe un cercle blanc qui figure une cible, précisément à l’endroit où le poète sera atteint par un éclat d’obus pendant la guerre. Cette coïncidence a été interprétée comme un signe du destin par Apollinaire lui-même, ainsi que par les Surréalistes enclins à reconnaître chez De Chirico quelques facultés visionnaires. Un dessin de ce portrait a appartenu à Paul Éluard, grâce auquel l’œuvre a été diffusée au sein du groupe, tandis que le tableau, offert au poète par l’artiste, a longtemps fait partie des collections privées de ses héritiers.
Le vif intérêt qu’a suscité cette œuvre auprès des Surréalistes ne se limite cependant pas à la prémonition. De même que les images des rêves condensent des significations multiples, les éléments de la composition autorisent des lectures qui se superposent et s’enrichissent mutuellement. Le profil d’Apollinaire s’inspire d’un portrait numismatique, réalisé la même année par De Chirico, qui érige le poète au rang d’un empereur antique, cette grandeur étant nuancée par le choix d’une représentation en ombre chinoise qui évoque les lanternes magiques, ou encore les cibles qui défilent dans les jeux de tir.
La statue au premier plan superpose elle aussi plusieurs images. Peinte sur le modèle de la Vénus de Milo, elle doit être identifiée au poète Orphée, dont la figure est suggérée par ses attributs, le poisson et la conque. Elle porte des lunettes noires qui symbolisent la cécité, infirmité associée dans la mythologie grecque à la sagesse.Rappelle, l'exposition De Chirico à l'Orangerie. https://www.lemounard.com/2020/10/paris-lorangerie-georgio-de-chirico-la.html
Le cerveau de l'enfant représente un jeune homme nu aux traits masculins et féminins, debout derrière une table qui bloque notre vue sur lui sous la taille. Sur la table est un livre jaune avec un signet rouge, qui a été interprété comme une représentation allégorique des rapports entre hommes et femmes. Le bras droit de l'homme est caché de vue par une colonne grecque, reliant cette peinture à l'art des Grecs antiques, un thème commun parmi l'œuvre de de Chirico.L'interprétation commune de la peinture est que la figure représente le père de Chirico, avec le livre sur la table représentant l'amour des parents d'artistes, peut-être à un moment donné par le jeune artiste. Dans Le Cerveau de l'Enfant, l'homme représenté a sa zone pelvienne couverte par un livre. Cela peut être interprété comme l'homme confronté à la terreur de la castration qui se trouve dans le travail psychologique de Sigmund Freud. De Chirico était en phase avec les études de Freud, reflétant une fascination pour les stades psychosexuels, en particulier la scène phallique."Dans son tableau « Le Surréaliste », Victor Brauner utilisa des motifs du tarot pour son autoportrait en costume médiéval.
Le tarot avec ses cartes de prédiction de l’avenir était l’un des thèmes qui intéressaient les Surréalistes.
La carte du jongleur avait été choisie ici par Brauner pour ce tableau. Le jongleur symbolise la capacité de chacun de manipuler sa destinée à l’aide de son imagination et de son intelligence.
La puissance créatrice sans limites de l’homme est ici représentée par le symbole de l’infini dans la coiffe du jongleur.
Comme dans le tarot, le magicien-jongleur de Victor Brauner dispose de
la baguette, de la coupe, de l'épée et des pièces d'or ainsi que des
symboles corrélatifs au feu, à l’eau, à l’air et à la terre.
Tous ces éléments sont habillement contrôlés par le jongleur, à la
disposition de l'artiste surréaliste qui brandit sa baguette comme s’il
s’agissait d’un crayon magique."
Autre tableau prémonitoire, celui de Brauner. Cette œuvre fut peinte lors du second séjour à Paris de Victor Brauner, entre 1930 et 1935. Elle tient une place symbolique dans la vie et la création du peintre car elle annonce l’accident qui le priva définitivement de son œil gauche. C’est dans la nuit du 27 au 28 août 1938 que le drame se produit. En voulant s’interposer dans une rixe entre Oscar Dominguez et Esteban Frances, Victor Brauner a l’œil arraché par un verre que Dominguez a lancé. L’œil gauche. Cet accident constituera pour Brauner l’un des événements capitaux de sa vie, avec la désolation de la guerre. Le peintre raconte l’épisode comme un fait divers sans intérêt au cour d’une beuverie banale. Mais il dit: «Toute ma création est axée sur la vue et les attaques aux yeux.» Il y aurait là une plate évidence si Victor Brauner n’avait dressé le constat prémonitoire de sa mutilation dans le saisissant «Autoportrait à l’œil énucléé» en 1931.
Deuxième salle, "La trajectoire du Rêve" avec Dali.Ce tableau, Le Rêve, de 1931, donne vie au monde étrange, déroutant et souvent dérangeant que nous visitons dans nos rêves. La principale figure féminine au premier plan est la même tête de femme que l'on peut voir en arrière-plan d'un tableau de l'année précédente, La Fontaine.
Derrière la femme, on voit une imagerie plus symbolique. À gauche, un homme au pied amputé tient dans ses mains son visage ensanglanté. De son dos, une colonne émerge avec le visage d'un homme barbu. Ces figures font allusion au mythe d'Œdipe et à la suppression des fantasmes de l'homme. Derrière cet homme, on peut voir deux personnages masculins s'enlacer tandis qu'un troisième homme s'appuie contre le fond rouge, presque comme s'il essayait de passer de l'autre côté.
On peut etre surpris de découvrir Odilon Redon au milieu des surréalistes. "Dans les années 1890, Odilon Redon interprète parfois en couleur certains de ces dessins ou gravures. Peint en 1890, Les Yeux clos, qui est sans doute un portrait de son épouse Camille Falte, reprend ainsi la composition d'un dessin antérieur.
Les yeux fermés du sommeil ou de la mort évoquent le monde intérieur, le rêve, l'absence ou l'apparition, thèmes féconds chez Odilon Redon, comme il le raconte dans son journal intime publié en 1922. L'extrême dilution de la peinture la rend presque immatérielle, laissant le grain de la toile apparent. Le buste semble flotter dans un espace que l'artiste laisse indéfini.
Ce visage fait référence aux bustes de la renaissance italienne du XVe siècle, aux marbres de Francesco Laurana en particulier. Il garde aussi sans doute le souvenir de L'Esclave mourant de Michel-Ange, exposé au Louvre, qui avait bouleversé Redon et dont il avait commenté dans son journal le charme étrange des "yeux clos". Icône du symbolisme en peinture, c'est la première œuvre de Redon entrée dans les collections nationales, choisie en 1904 dans l'atelier de l'artiste par Léonce Bénédite, le directeur du musée du Luxembourg."
La Sieste de Joan Miro en 1925. « La spontanéité absolue qui sera celle de Miró à cette époque est l'accomplissement même du rêve sur la toile.» (Jacques Dupin, poète et historien de l'art)
Sur un fond bleu - « la couleur de [s]es rêves » - Joan Miró compose un paysage elliptique. Préparée par plusieurs dessins, la femme étendue au bord de la mer est ici réduite à une forme blanche arrimée au fond par des fils. Le cerf-volant et le cadran solaire se résument quant à eux à une voile bleue, au nombre 12 et à une ronde de points traversée par une délicate flèche anthropomorphe. Comme dans un poème, chaque élément peut revêtir plusieurs sens et se charger d'une portée symbolique ou énigmatique.Rêve causé par le vol d'une abeille autour d'une grenade, une seconde avant l'éveil est un tableau (huile sur bois) peint par Salvador Dalí en 1944.
Pour réaliser cette toile Dali s’inspire des théories sur le rêve de Sigmund Freud. Il traduit en peinture l’idée que lorsqu’une personne rêve, elle transforme l’environnement réel en un univers surréaliste. Le tableau est divisé en deux parties.
En bas, c'est le monde réel et au au-dessus, le rêve. Pour peindre la femme qui est au centre du tableau Dalí s’est inspiré de sa compagne Gala. Elle est endormie en lévitation sur un rocher placé au milieu de l’océan, elle rêve. En dessous, une abeille vole autour d’une grenade. Cette scène influence le sommeil de la femme, comme en témoignent les éléments en haut du tableau. La taille de la grenade est amplifiée. De ce fruit, sort un grand poisson rouge. Dans la bouche du poisson, un tigre crache un autre tigre qui lui, jette un fusil à baïonnette sur la rêveuse. Les robes des tigres sont identiques aux couleurs de l’abeille. Le fusil à baïonnette, touche le bras de la femme comme s’il souhaitait la piquer. Pourtant sereine, la femme semble alors en danger. En arrière-plan un éléphant aux jambes d’insecte se promène entre ciel et mer.
Dora Maar (Henriette Théodora Markovitch, dite)
(1907, France - 1997, France) Cavaliers.
La Durée poignardée est une peinture de René Magritte réalisée en 1938 et conservée à l'Art Institute de Chicago. "La Durée poignardée" représente une cheminée de marbre blanc du foyer de laquelle s'échappe une locomotive dont la vapeur remonte dans la cheminée. Sur sa console sont posés deux chandeliers et une horloge se reflétant dans un large miroir. Cette peinture a beaucoup inspiré les critiques d'art, qui élaborèrent des explications complexes quant à son sens, avant que René Magritte, vingt ans après l'avoir peinte, explique qu'il s'agisse simplement d'une exploration du concept d'énigme. Rappel, le musée Magritte à Bruxelles : https://www.lemounard.com/2014/12/bruxelles-dans-les-pas-de-magritte.html
Le téléphone aphrodisiaque par Dali avec le homard. Ce crustacé fait partie des symboles de Dali. Ce dernier est présent sur des sculptures de Dali mais également sur des créations de mode.
Dali s’exprimait en ces termes au sujet de ce crustacé : « Comme les homards, les jeunes filles ont l’extérieur exquis. Comme les homards, elles rougissent quand on veut les rendre comestibles ». S’il a été représenté le homard sur cette robe d’un blanc immaculé, il l’a également représenté à de nombreuses reprises accompagnées d’un téléphone.« Le téléphone homard » ou « téléphone aphrodisiaque » de 1936 a été réalisé par Dali pour Edward James. Ici, le génie associe le homard au désir érotique. Pour rappel l'exposition Elsa Schiaparelli au musée des Arts Décoratifs. https://www.lemounard.com/2022/12/paris-shocking-les-mondes-surrealistes.html "M. Giorgio de Chirico vient d’acheter un gant en caoutchouc rose", écrivait le poète français Guillaume Apollinaire en juillet 1914, notant cet achat car, disait-il, il savait que l’apparition du gant dans les tableaux de de Chirico ajouterait à la puissance étrange de ces œuvres. Impliquant une présence humaine, en tant que moule de la main, mais aussi inhumain, un fragment moite et mou, distinctement d’une couleur sans chair, le gant du Chant d’amour a une autorité troublante. Pourquoi ce vêtement chirurgical est-il épinglé sur une planche ou une toile, à côté d’une tête en plâtre copiée d’une statue classique, relique d’une noble époque disparue ? Quelle est la signification de la boule verte ? Et que fait l’ensemble dans le décor extérieur suggéré par le bâtiment et le train qui passe ? Les rencontres improbables entre objets dissemblables allaient devenir un thème fort de l’art moderne (elles constituaient un objectif explicite des surréalistes, pour lesquels l’œuvre de Chirico a eu une influence), mais Chirico cherchait plus que la surprise : dans des œuvres comme celle-ci, pour lesquelles Apollinaire utilisait le terme « métaphysique », son objectif était d’exprimer quelque chose de la réalité qu’il voyait cachée au-delà des apparences extérieures. Enveloppées d’une atmosphère d’anxiété et de mélancolie, les formes humanoïdes de Chirico, son architecture vide, ses passages ombragés et ses rues étrangement allongées évoquent l’absurdité profonde d’un univers déchiré par la Première Guerre mondiale." Un collage étrange de la fille d'André Breton, l'Elseneur. Aube Elléouët est la fille unique d'André Breton qui a amassé, durant 40 ans, une inestimable collection d'oeuvres d'art. Présentée dans !'Exposition surréaliste de
1933,cette «table pour un couloir» a fait partie du décor de la villa
moderniste de Charles et Marie-Laure de Noailles à Hyères. Sur
un plateau aux pieds disparates se rencontrent une tête de femme en
partie dissimulée par un voile pesant, la réduction d'une sculpture de
l'artiste (Cube, 1933, Mnam), un mortier d'alchimiste et une main
coupée. Sculpture ou pièce décorative, cet assemblage onirique relève
du sentiment d'« inquiétante étrangeté » emprunté par les surréalistes
au fondateur de la psychanalyse, Sigmund Freud. J'ai beaucoup aimé cette première partie. Quelques reproches à faire cependant. Quand on a retenu sa place sur internet, on doit faire la queue avant de rentrer dans le Centre, puis subir une assez longue attente avant de parvenir au portique qui marque le début de l'expo. Les cartouches sont placés très bas ce qui est une louable attention pour les personnes à mobilité réduite mais pourquoi ne pas les doubler pour les rendre lisibles aussi aux personne sans handicap...Ils sont rédigés en caractères minuscules et nous privent des explications indispensables. Comme souvent, les grands groupes sont envahissants qui s'agglutinent devant les œuvres majeures. La deuxième partie: https://www.lemounard.com/2024/12/paris-centre-pompidou-le-surrealisme_8.html | ||||||||
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