Ce jeudi 21 novembre, nous nous somme éveillés sous la neige. Serge et Cathy nous avait concocté un programme de découverte de Vincennes mais la neige, le froid nous découragent et le repas prévu chez l'Ours, au dîner, est avancé au déjeuner. C'est périlleux de marcher sur les grandes dalles glissantes. Les urbanistes, à Vincennes comme à Clermont, semblent en cheville avec les orthopédistes et n'ont pas de respect pour nos cols de fémur érodés. D'un pas mal assuré, on arrive à la tanière de Jacky Ribault, rue de l’Église. Une adresse discrète, sans façade sur rue, une vaste salle à la décoration raffinée, aussi agréable au déjeuner qu’en soirée. Les tables sont très espacées, l'insonorisation parfaite: on peut converser, entendre l’énoncé du menu. A l'entrée, un ours naturalisé nous reçoit. Accueil charmant de l’hôtesse qui nous conduit à notre table qui trône au centre d'une pièce très éclairée, très aérée qui donne sur une cours où se trouve une librairie particulièrement intéressante. Pour accéder à la salle à manger, on suit d'abord un long couloir.
"Pour réaliser tout cela, Jacky Ribault et son épouse ont travaillé avec l'architecte Caroline Tissier. Ensemble, ils ont fait le choix d'une rencontre : celles des matériaux bruts, tels que l'acier, le béton ou le cuivre qui côtoient la nature avec élégance. Des bouquets de fleurs aux plantes tombantes, la végétation est omniprésente. Quant à l'éclairage, il offre au lieu une ambiance chic et singulière, où l'élégance rencontre l'onirique. L'Ours nous rappelle par bien des aspects les contes de notre enfance. A l'image de cette pièce immense, digne d'une salle de bal, que l'on découvre après avoir traversé le long couloir." Pour moi, l'atmosphère me rappelle certains tableaux de L'Ultra Violet à Shangai où Paul Pairet change de décor, d'atmosphère musicale, visuelle et olfactive avec chacun des plats de son menu. La salle à manger a vue sur la grande cuisine ouverte, où s’élaborent les plats. Au bout du plan de travail, un très jeune apprenti met la touche finale à la décoration des plats qui nous rappelle notre Titouan, qui apprend les métiers de l’hôtellerie et de la restauration au lycée de Passug annexe de l’École hôtelière de Lausanne.Le maître d’hôtel est charmant et très discret qui nous propose différents menus où carte blanche est laissée au chef pour nous faire apprécier son talent. Nous choisissons le menu L'Aubinière en 5 temps en laissant le soin au sommelier de marier chacun des 5 plats avec un vin différent. Il faut parler du sommelier, expert et passionné, toujours disponible pour nous conseiller en assurant ainsi une parfaite harmonie entre les plats et les vins.Tout au long du repas, il va nous présenter les vins qu'il a choisi , sans étaler sa science mais en parlant surtout des hommes et des femmes qui ont élaboré ses coups de cœur.Nous commençons par un thé délicatement fumé qui va ouvrir nos pailles avant que les amuse-bouche prennent possession de la table. Il y a là une sphère et un sablé au parmesan remplacé par une cuillère de caviar pour Serge qui n'aime pas le fromage, une pomme de terre soufflée à la chataigne, une cigarette fourrée au basilic et une tartelette betterave, agrumes, fromage frais.


Pour accompagner le premier plat, le sommelier nous propose un verre de Chenin. C'est un vin blanc d'Anjou du domaine de Gaubourg en 2022 de Félix Célard. C'est un très beau chenin, issu de vieilles vignes dont 50% on été plantés en 1954 sur un terroir de Schistes assez friable. Nez fruité et gourmand, La bouche est enveloppante, dense, pulpeuse et généreuse. On retrouve au palais des saveurs de fruits mûrs presque confits quelque chose d'iodé qui sa se marier parfaitement aux Crevettes impériales, kumquat à l'absinthe, huile de persil sur lesquelles les jeunes serveuses versent généreusement l'émulsion des carapaces. Elles nous en laissent le reliquat dont nous profitons jusqu'au bout.
Les crevettes impériales sont des crevettes élevées en France, dans les marais atlantiques depuis les années 1980.
C’est une espèce qui vit dans les fonds sablo-vaseux, qui supporte des températures de 5 à 32°C et des salinités de 15 à 40°/°°. Ces conditions sont réunies dans les claires ostréicoles de la côte Atlantique et de l’île de Ré, milieu idéal pour en faire l’élevage.
Le chef est breton et voici le lieu jaune roti avec une soubise d'oignons à la fève de Tonka avec des oignons confits et en pickles. La sauce soubise est une crème béchamel retravaillée dans lequel on rajoute des oignons blancs, de la crème fraîche et du beurre. Le sommelier nous propose un vin qui à une histoire puisque le vignoble est situé sur les terres du château de Versailles, le sauvignon Grande Vue, La Bouche du roi en 2022. " Dès 1588,
une poignée de sommeliers et d'échansons sélectionnent et garantissent
la qualité des vins servis à Versailles, on les appelle la Bouche du Roi. La vigne est cultivée à Davron, Dans la plaine de Versailles. Patrimoine historique et naturel et autrefois terrain de chasse des rois
de France, la plaine de Versailles s'étend dans les Yvelines entre le
château de Versailles à l'est et la vallée de la Mauldre à l'ouest. Il semblerait que les blancs sont beaucoup plus intéressant, pour le moment, que les rouges (Merlot ou Cabernet franc). Un incident pendant que le sommelier nous parle des vignes du roi, un convive vient l'agresser verbalement, lui enjoignant de servir le vin rouge car le plat va refroidir. Le sommelier, serein, tranquille, nous prie de l'excuser. La race des vieux cons n'est pas en voie d'instinction... le sommelier, qui a aucun moment ne s'est départi de son calme, revient terminer son explication.
Le sommelier nous fait découvrir un vignoble méconnu celui de Patrimonio en Corse. C'est un vermentino de Yves Leccia, E Croce en 2020. Ce patrimonio blanc est un monocépage de vermentino, cépage corse traditionnel." Sa robe claire délivre des arômes floraux relevés par des notes de miel. Ces dernières apportent une belle longueur en bouche." Le Vermentino est un cépage blanc produit principalement en Italie, mais également en Corse et dans la vallée du Rhône. Il offre une palette aromatique riche et variée avec des arômes d'agrumes, de fleurs et de fruits exotiques qui se mêlent harmonieusement à des notes minérales et boisées. Sa couleur jaune pâle reflète la finesse et la douce acidité qui font sa réputation. On apprécie sa longueur en bouche et sa fraîcheur .
Jachy Ribault avant de diriger le Shozan 11 rue de la Tramoille, a été formé au Japon par les propriétaires japonais. Il nous propose donc Un Bouillon Dashi japonais avec de la salicorne, du chou pointu, des œufs de saumon de fontaine et une brioche feuilletée au sésame, délicieuse qui me rappelle celle de l'Apicius, à la tapenade de truffe. Le bouillon dashi est la base de la cuisine japonaise. Il est composé principalement d’un bouillon d’algue kombu et de bonite séchée. Ce bouillon est traditionnellement utilisé pour la préparation de la soupe miso, mais il sert également de base pour la préparation d’autres plats composés de nouilles (ramen, soba) ainsi que pour la cuisson des légumes, viandes et poissons. C'est une excellente façon de tutoyer l'umami. L'umami, la cinquième saveur, très présente dans la cuisine nippone, mais aussi dans les petits plats mijotés, les champignons, les poissons marinés, les aliments fermentés.Pour la viande, j'ai oublié de prendre une photo. Il s'agit d'une Poulette Jaune des Landes, cuisse confite, figues caramélisées, sauce suprême, condiment dattes Medjool. Pourquoi une poulette plutôt qu'un poulet ? je ne sais pas mais j'ai lu que Ducasse travaillait aussi la poulette. (ce n'est pas une allusion salace). Les poulets et poulettes jaune des Landes sont élevées en liberté. Dans une petite assiette à coté, des salsifis confits bardés d'une ventrèche de porc Gascon. La Medjool est la reine des dattes. C'est une variété de dattes, charnue, environ trois fois plus grosse que les autres variétés. Ainsi, un fruit pèse entre 15 et 20 grammes. Modérément sucrée et moelleuse, elle est considérée comme la plus raffinée des dattes. Son goût rappelle celui du miel ou bien encore celui de la confiture de marron. Sa peau fine est collée à la chair, tendre et parfumée. Nous buvons maintenant un vin rouge d'une belle subtilité qui vient du fort de Brégançon, cuvée Pointe du Diable en 2021, Château de Malherbe. Assemblage, Syrah (40%) et Grenache (60%) .Une belle couleur rouge grenat.Des notes florales de violette combinées à une belle palette d’épices et poivre blanc.Une bouche racée. Attaque ample suivie par des notes fruitées. C’est un vin savoureux avec beaucoup de fraîcheur et moins de puissance que le même assemblage en Cotes du Rhône.
Pour les desserts, le
sommelier va nous faire déguster le vin qui va conquérir l'ensemble de
la table. Un vouvray demi-sec "les Coudraies" du château d'Orfeuilles en
2004; Voici ce qu'en dit le Guide Hachette du Vin en 2008 : Jean-Charles Cathelineau aime faire partager ses connaissances de
vigneron à ses visiteurs. Il les emmène dans un circuit de caves qui
passe par un véritable musée de la Vigne, du Vin et de la Tonnellerie.
Il a élaboré cette année une superbe méthode traditionnelle qui embaume
la brioche. La bouche est équilibrée, d'une grande subtilité, et la
finale d'une longueur infinie, toujours sur des accents de viennoiserie.
Les desserts nous rappellent que Jacky Ribault a travaillé longtemps avec Pierre Hermet. Tout d'abord un crémeux au chocolat de Sao Tomé à 65% avec une fine tuile croustillante, gel cacao, et siphon de Mascarpone. Puis une figue de Solies Pont dans le Var, cuite au four, jus de mures, compote de figues, Gwelle et Opaline, Charbon de bambou.
Le gwell est une spécialité traditionnelle très ancienne, originaire du Finistère. Il s'agit de « gros lait », un lait fermenté de production fermière, fabriqué à partir de lait entier de vache de race Pie noir. Le gwell rappelle les yaourts bretons d'autrefois, avec un goût et une texture très spécifiques, de type « yaourt bulgare ». L'Opaline est un fromage au lait cru de vache, à pâte molle et à croûte naturelle, créé et affiné par Jean-François et Virginie Dubois dans les caves de la Citadelle d'Arras dans le département du Pas-de-Calais en région Hauts-de-France. C'est un fromage cylindrique enrichi de crème et aromatisé, en son cœur et sur sa croûte, aux algues de la côte d'Opale. Sa croûte fine est recouverte d'un beau duvet blanc uniforme orné des brins d'algues aux couleurs offrant un joli dégradé du jaune vert au brun marron.
Pour finir, quelques mignardises, un chocolat nocciola (noisettes du Piémont, je présume) et Kaki confit épicé de piment d'Espelette.Superbe endroit, belle table qui pourrait ambitionner la deuxième étoile, et un sommelier particulièrement remarquable : il a de la bouteille, c'est sur mais n'étale pas sa science, il est tranquille, câline les vins qu'il conseille, un bonheur : c'est très différent de Charlotte qui officiait à l'Atelier Yssoirien avant de prendre un nouvel envol chez Régis Marcon mais les deux savent partager leur passion et les viticulteurs qu'ils aiment. Nous reviendront souvent, enfin quand nous"monterons" à Paris.
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