vendredi 1 novembre 2024

LES TROMPE- L'OEIL, PARIS, MUSÈE MARMOTTAN;

 Le trompe-l'œil est destiné à jouer sur la confusion de la perception du spectateur qui, sachant qu'il est devant un tableau, une surface plane peinte, est malgré tout, trompé sur les moyens d'obtenir cette illusion. Le musée Marmottan Monet présente  l’exposition « Le trompe-l’œil, de 1520 à nos jours ». Cette exposition retrace l’histoire de la représentation de la réalité dans les arts et entend rendre hommage au goût de Jules et Paul Marmottan pour ce genre pictural. Le premier, De Zeuxis – qui aurait peint à l’Antiquité des raisins si réalistes que les oiseaux tentaient de les picorer – à Pistoletto, les artistes réunis ici nous rappellent que l’art est un jeu subtil entre vérité et tromperie, une danse complexe où chaque pas est calculé pour émerveiller et déstabiliser. En me rendant à l'exposition, je croise ce tableau de Pisarro, en 1879, "Le Boulevard sous la neige". 

Pissarro commence une série de tableaux consacrés aux boulevards parisiens. Ce sujet est donc inhabituel dans une œuvre de 1879 et semble être influencé par le Boulevard des Capucines de Claude Monet , daté de 1873. Bien que les deux artistes aient représenté une vue similaire, avec une allée d'arbres sur le côté gauche, l'effet de chacun est très différent. Le boulevard de Monet est élégant et stylé tandis que celui de Pissarro est gris et misérable. Pissarro a créé cet effet de plusieurs façons. La scène est assurément froide. Les quelques personnages dans la rue sont recroquevillés dans des pardessus ou sous des parapluies, se protégeant des éléments. Le petit personnage au premier plan, la tête baissée et les mains dans les poches, résume l'ambiance du tableau. Pissarro est également capable d'exagérer l'effet sombre en gardant son point de vue très proche du niveau de la rue. 
Dans les années 1890, son point de vue s'est considérablement amélioré, offrant une vue impressionnante de son sujet. Plutôt que de glorifier les rues comme l'a fait Monet , et comme il le fera lui-même plus tard, les Boulevards extérieurs de Pissarro semblent refléter ses sentiments intérieurs. 

Premier Trompe l'Oeil, Nicolas de Largillière (1656-1746) Nature morte avec Grappes de raisins (1677) Fondation Custodia- Collection Frits Lugt. 


  Deux grappes de raisins l'une rouge et l'autre blanche... mais ce ne sont  pas n'importe quelles grappes de raisins puisque dans l'esprit du peintre se réfère à a une célèbre anecdote rapportée par Pline (cf. nature mortes Pompei) à propos de l’artiste  grec Zeuxis qui peignit des raisins si convaincants que des oiseaux tentèrent de les picorer. Largillière se met ainsi  directement en compétition avec son illustre prédécesseur de l’Antiquité, ce qui lui permet d'afficher sa dextérité de peintre en trompe-l’œil. Si Largillière est aujourd’hui surtout connu pour sa brillante carrière de portraitiste, il s’illustra également dans d’autres genres tels  que la nature morte. Ces grappes de raisin  témoignent de l’ambition de Largillière, alors encore au début de sa carrière, ce tableau étant l’une de ses premières œuvres datées. 

Le terme trompe-l’œil aurait été employé pour la première fois par Louis Léopold Boilly (1761-1845) en légende d’une œuvre exposée au Salon de 1800. Le terme fut adopté trente-cinq ans plus tard par l’Académie française. Bien que le terme apparaisse au XIXe siècle, l’origine du trompe-l’œil serait liée à un récit bien plus ancien, celui de Pline l’Ancien (c.23-79 apr. J.C), qui rapporte dans son Histoire naturelle comment le peintre Zeuxis (464-398 av. J.C.), dans une compétition qui l’opposait au peintre Parrhasios, avait représenté des raisins si parfaits que des oiseaux vinrent voleter autour. Curieux, le musée Marmottan est situé rue Louis- Boilly.
 
Charles Bouillon, "Plis et objets en trompe-l'œil", 1704. Il y a aussi, dans le meme genre,
Louis Léopold Boilly (1761-1845) Trompe-l’œil aux pièces de monnaies, sur le plateau d’un guéridon, vers 1808-1815 Peinture à huile sur vélin et bois Guéridon 76 cm de hauteur, plateau 48 x 60 cm Lille, Palais des Beaux-Arts © Grand Palais Rmn (PBA, Lille) / Stéphane Maréchalle
Louis Léopold Boilly (1761-1845), Trompe-l’œil aux pièces de monnaies, sur le plateau d’un guéridon, vers 1808-1815, Lille, Palais des Beaux-Arts. Sur un guéridon en acajou de style Empire, quelqu’un semble s’être débarrassé du contenu de ses poches : pièces de monnaie, jeu de cartes, clous, canif, plume… À y regarder de plus près, il s’agit là d’un trompe-l’œil – une saisissante illusion d’optique créée par le pinceau minutieux d’un peintre virtuose, capable d’imiter à la perfection la réalité, et donc de nous berner.
Toujours dans la même veine, 
Cristoforo Munari ( 1667-1720 ) Trompe-l'œil aux instruments du peintre et aux gravures. "Ce tableau surprenant réalisé avant 1715, un trompe-l'œil dit "de chevalet", est accroché dans la toute première salle. Il attire l'œil immédiatement en raison des objets qui s'échappent du cadre, un format découpé dit chantourné. Il y a des gravures tout en haut, un bâton qui sert d'appui au peintre au milieu, scindant la toile en deux, et une palette prête à tomber tout en bas. C'est comme un vide-poches, un désordre savamment organisé. Le peintre florentin Cristoforo Munari, fait avec humour – une constante dans l'art du trompe-l'œil – un autoportrait en forme de nature morte. Tout est faux dans son tableau, à commencer par le bois. C'est avec de l'huile, sur une toile, qu'il reproduit à la perfection ce battant de placard en bois avec deux charnières à droite et une petite clé dans la serrure à gauche. L'effet de relief est renforcé par les superpositions, l'ombre de la petite clé avec son ruban, la toile colorée au centre (intéressante mise en abyme) qui est comme effilochée sur les côtés... On se retient de toucher pour vérifier que tous ces objets n'existent pas réellement. On parlerait aujourd'hui d'effet 3D. Les bésicles, ancêtres des lunettes, en haut à droite, nous invitent à y regarder de plus près... La signature du peintre est cachée quelque part. Le trompe-l'œil joue avec la perception et les sens du visiteur qui l'observe."
 
Sur le Trompe l'Oeil ci contre, curieux, le peintre a signé avec un portrait miniature.
 

Beaucoup de Trompe-l'Oeil représente des trophées de chasse comme cette
"Tête bizarre d'un cerf pris par le Roi dans la forêt de Compiègne le 10 juillet 1749" par Jean Baptiste Oudry. Peintre ordinaire de la vénerie royale, Oudry suit les chasses royales et fait de fréquentes études dans la foret de Compiègne. Il réalise des cartons pour la série de tapisserie Les Chasses royales, exécutées à partir de 1733 à la Manufacture des Gobelins, dont il devient directeur en 1736." Il s'agit d'un trophée, des ramures de cerf en l'occurrence, prodigieusement réalistes. Ces bois qui tombent et repoussent chaque année chez les mâles sont couverts d'une sorte de velours que le peintre a magnifiquement rendu. La texture soyeuse des parties sombres et denses tranche avec le blanc de l'os. Ce contraste des couleurs crée une vibration. La représentation des ombres sur le bois donne l'impression que la ramure est sur le point de glisser de son support et de basculer. Plusieurs critiques écriront qu'ils avaient l'impression de pouvoir la saisir entre leurs mains. Là encore, la tentation d'effleurer la toile est grande. On retrouve dans cette composition le faux panneau de bois, élément incontournable du trompe-l'œil à l'époque avec les clous, et l'effet de relief favorisé, en bas, par l'étagère sur laquelle il signe sa composition. Oudry agrémente sa "tête bizarre" d'un petit cartel indiquant que l'animal a été chassé le 3 juillet 1741, du côté de Compiègne."

Autre œuvres remarquables,
des Grisailles en trompe-l’œil imitant un bas-relief comme ces Vestales de Jacob de Wit (1695 - 1764)
 1749
Huile sur toile, 160 x 178 cm
Montauban, Musée Ingres
Bourdelle. "Les fouilles archéologiques sur les sites d’Herculanum débutées en 1738 puis sur celles de Pompéi à partir de 1748 contribuent à créer un véritable engouement renouvelé pour
l’Antiquité. De ce goût nouveau naît le néoclassicisme qui se diffuse dans la mode et les arts. L’art de l’illusion ne fait pas exception et trouve notamment au travers des œuvres de Jacob de Wit, d’Anne Vallayer-Coster et celles attribuées à Piat Joseph Sauvage des éléments de décors significatifs préfigurant cette nouvelle esthétique visant à s’y méprendre à l’imitation de bas-reliefs"

Napoléon est à l’honneur de tableaux acquis par Paul Marmottan. Le portrait de profil, que réalisa Joseph Sauvage (1744-1818), artiste belge originaire de Tournai et installé à Paris à partir des années 1770, imite les médailles antiques, dont l’esthétique austère et racée plaisait fort au tournant du siècle. L’œuvre fut très appréciée, puisque d’autres versions en sont conservées à la bibliothèque de l’Institut de France, au musée Carnavalet ou encore au château de Malmaison.
 
Franz Rösel von Rosenhof (1626 - 1700)
Trompe l’œil d’un singe capucin dans sa caisse
dit aussi Le singe effronté
Dernier quart du XVIIe siècle
Huile sur toile, 60,6 x 49,8 cm
Paris, collection Farida et Henri Seydou .
"Cette tête de singe dépassant de sa caisse détonne parmi les sujets représentés dans l’exposition. « Les brins de paille font référence à la fugacité du temps qui passe, raconte Aurélie Gavoille. Par ailleurs, le tableau évoque la mode de la singerie, typique du XVIIIe siècle, que l’on retrouve par exemple dans les décors du château de Chantilly. » Son message serait d’ailleurs plus profond qu’il n’y paraît, renvoyant le spectateur face à lui-même et à la « superficialité des activités humaines ».
"Le Vieux Crémone" Comme beaucoup d'œuvres de Peto, cette toile porte la fausse signature de son contemporain plus connu, William Michael Harnett. En 1886, Harnett avait peint un trompe-l'œil réussi intitulé « Le vieux violon » (National Gallery of Art, Washington, DC), qui fut reproduit en chromolithographie l'année suivante. Peto connaissait peut-être l'original ou l'estampe. Bien qu'il ait emprunté la composition de Harnett, il en a fait quelque chose de tout à fait différent. En aplatissant les formes et en négligeant le modelé, il a créé un motif décoratif avec un effet de texture qui est évocateur plutôt que purement illusionniste.
 

"Faisons un grand saut dans le temps avec cette œuvre qui fait beaucoup réagir les visiteurs de l'exposition, tentés d'enlever les scotchs pour découvrir Monna Lisa dans toute sa splendeur. Après la Seconde Guerre mondiale, le peintre Henri Cadiou fonde un mouvement baptisé Trompe-l'œil/réalité avec des artistes comme Pierre Ducorneau et Jacques Poirier, également présentés dans l'exposition. Le groupe critique l'art contemporain qui explose à l'époque avec Lucio Fontana, Pierre Soulages ou encore Yves Klein. Cadiou écrit ceci : "Notre temps a besoin d'une beauté rigoureuse, authentique, sans concession." 
Pour lui, l'art contemporain, en raison de sa facilité d'exécution, a attiré "une foule d'oisifs" et risque de conduire à une stérilité artistique. En 1981, il emballe la Joconde dans un paquet-cadeau qu'il déchire partiellement. Ce trompe-l'œil intitulé La Déchirure est en soi un morceau de bravoure puisque l'artiste emploie deux techniques : l'huile pour représenter Mona Lisa et l'aquarelle pour le papier d'emballage, le faux scotch et la carte de visite sur laquelle l'artiste, fine mouche, a laissé son adresse, 9 cité Fleurie dans le 13e arrondissement, lieu de ralliement du groupe Trompe-l'oeil/réalité." Après la Déchirure, Transcendance spatiale de Cadiou , encore.

Martin Battersby Souvenir 1914–1982, c'est un grand spécialiste du Trompe l'Oeil sujet il a écrit un livre : Trompe l'Oeil-The Eye Deceived. Ce fut  un artiste en trompe l’œil et décorateur de théâtre britannique qui devint un expert de l'Art nouveau et du style des années 1920 et 1930. Il devint un maître de la forme en trompe-l'œil et son travail reflétait souvent son obsession pour les masques de théâtre et les sphinx. Battersby produisit également des peintures de chevalet et des peintures murales à grande échelle et bénéficia du soutien d'un large groupe de mécènes dans les années 1950 et 1960.

Michelangelo Pistoletto est un artiste italien dont l’œuvre inclut peinture, sculpture, photographie, sérigraphie, sculpture, installation, performance… Affilié à l’Arte Povera, il est essentiellement connu pour son travail avec et autour des miroirs et surfaces réfléchissantes. Accentuant la réflexivité de ses fonds, le miroir devient rapidement une composante essentielle de sa peinture. Michelangelo Pistoletto se met à contrecoller des sérigraphies translucides, de lui-même ou d’amis, sur des surfaces réflexives. la Chemise de Jud Nelson. Jud Nelson, Chemise I (Cardin), série Holos 10, 1985, marbre de Carrare, New York, Louis K. Meisel Gallery
 
 
André Villain représente ici quarante artistes français mobilisés
à la section de camouflage, dans l’atelier de Nancy en
1916. Instituée le 14 août 1915, la section de camou-
flage est commandée par le peintre Victor Lucien
Guirand de Scevola (1871-1950). Elle comprend des
illustrateurs, décorateurs de théâtre, comédiens,
graveurs, écrivains ou encore des peintres, chargés
de camoufler, à la fois les hommes, par la réalisation
de tenues spécifiques, mais aussi le matériel et les
voies de communication. Grâce au travail de Cécile
Coutin, la plupart des personnages ont pu être iden-
tifiés. Ainsi, à l’extrême gauche, l’architecte Louis
Casidanus (1878-1949) porte un Té à dessin. Lucien
Lièvre (1878-1936) coiffé d’un képi, reçoit une acco-
lade du peintre Louis Abel-Truchet (1857-1918), di-
recteur de l’atelier de Paris, derrière lequel se trouve
Jean-Louis Forain, inspecteur général de la section
de camouflage, appuyé sur sa canne


 

A la suite des Trompe l'Oeil, une exposition de Carole Bensaken. "L’artiste Carole Benzaken (1964) investit le musée Marmottan Monet pour une exposition en dialogue avec plusieurs œuvres des collections. Intitulée « Morceaux choisis » l’exposition réunit, en écho aux collections du musée Marmottan Monet, une sélection de ses travaux. Des peintures et des installations historiques et actuelles opèrent des rencontres avec les enluminures de la collection Wildenstein, la collection Empire et le fonds impressionniste du musée."

Les nymphéas sont au Japon, "Impression soleil levant"à Washington. En quittant le musée, quelques beaux Monet, cependant.


L'eau trop calme et vitreuse, le soleil à peine sorti, et devant nous bien qu'à peine visible à travers l'épais brouillard, la silhouette éthérée exceptionnelle de l'église reconnaissable à sa flèche caractéristique.

"Profond avec un contraste de couleurs astucieusement défini à travers la toile, Vétheuil dans le brouillard de Claude Monet, captive une production spectaculaire dans un matin brumeux sur l'eau. Monet utilise une tonalité bleue tout au long de la peinture amplifiant et reflétant davantage le bleu de l'eau et du ciel, plus au sens, donnant impression et perspicacité; qu'à l'aube du brouillard tout se confond."

Cathédrale de Rouen, Le portail à midi. Claude Monet, février 1892. Durant les printemps 1892 et 1893, l’artiste a décidé de donner suite aux séries des Meules et des Peupliers, en consacrant une série de toiles à la cathédrale de Rouen vingt-huit toiles prenant la façade occidentale  comme modèle. Monet a tenté de saisir l’instantanéité en observant le même modèle sous l’effet d’éclairage divers et à différentes heures de la journée. Claude Monet à Rouen peint jusqu’à 14 versions à la fois, en passant d’un tableau à l’autre selon les variations de la lumière en fonction des horaires. Les premiers tableaux de la Cathédrale sont peints en février 1892 et représentent la cour de l’Albane. Ce sont les seules toiles réalisées en plein air. Les autres toiles sont peintes depuis le premier étage du bureau des Finances en particulier.I C’est de ce bâtiment, où la vue sur la dentelle de pierre de la Cathédrale est incomparable, que l’artiste a peint ses Cathédrales les plus lumineuses et colorées. Il parle lui-même de motifs rouges et dorés.

J'ai beaucoup aime cette vue du pont de Dolce Aqua avec le château des Doria pendant le séjours de Monet à Bordighera. 

cf https://www.lemounard.com/2014/06/dolce-acqua-les-alpes-ligures.html 

et une superbe dégustation de vins de Dolce Aqua à l'Apicius : 

cf https://www.lemounard.com/2022/05/clermont-ferrand-apicius-degustation.html. 

Devant le pont, Monet déclare:"Il y a là un pont qui est un bijou de légèreté!" Dolce Acqua fait partie de points de vues demeurés intacts depuis le passage de Monet en 1884. La ville de  Dolce Aqua a posé un chevalet au pied du pont.

L’allée des rosiers, Giverny
Claude Monet, entre 1920 et 1922.

"Ainsi cette Allée des rosiers, située dans le prolongement de sa maison, est à rapprocher de sa série des Ponts japonais. Comme dans ces derniers, la construction, centrée autour d’un arc élancé, est envahie par une végétation dense qui sature tout l’espace. Particulièrement sensible ici, la marque de la cataracte est visible par la prédominance des rouges et des verts, appliqués en empâtements et coups de pinceau superposés, à tel point que le spectateur, même familier des lieux, ne saurait dire où il se trouve.

Ces œuvres demeurées très confidentielles, qui n’ont jamais été exposées du vivant de l’artiste, nous montrent la part la plus intime de son œuvre, et sans doute la plus riche d’inspiration pour l’art du xxe siècle".

Il reste quelques nymphéas.

Une belle exposition , maintenant place au bistro du mois de juillet à Paris, "Bon Vivant".
 

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