On ne saurait conclure une virée gastronomique en Ardèche sans faire étape à Montfleury. Quand j'ai retenu la table, Laure m'a dit que nous serons surpris par la nouvelle déco et par la nouvelle carte. Elle m'a proposé la table du chef dont la disposition a changé mais cette fois, nous préférons manger en salle. En hiver, quand on fait halte à Montsalvy, on retient la chambre au domaine de la Manse. Il est situé au Petit Tournon sur Villeneuve de Berg sur la route de la vallée de l'Ibie. C'est rituel, on vient dormir chez Véronique et Marius Gandolfo, bel accueil dans une vaste bâtisse aux murs couverts des toiles de Véronique, chaque chambre a un thème Safari, Era, c'est charmant, les hôtes sont aussi délicieux que le petit déjeuner qu'il proposent, beau part, une piscine et quelques statues, vue sur les vignes et les monts du Coiron. Le problème, ce soir, c'est qu'après le"petit" apéritif dînatoire de Gérard Vidil et de son épouse, nous n'avons pas trop faim mais nous nous ferons violence. Angèle nous reçoit avec Laure. Une des caractéristiques de l'auberge, c'est qu'ici, la salle est au niveau de la cuisine de Richard Rocle. La doublette féminine c'est le charme, la douceur, la chaleur, Nicolas Kuhn, le sommelier a aussi une belle présence, il est primesautier, le bon mot , la répartie juste et il aime faire découvrir les vins de son Alsace tout en ayant adopté les excellents vignerons de l'Ardèche. Ce soir, nous prendrons le menu gourmand sans le plat intermédiaire et c'est dommage car j'étais très attiré par le poulpe. Nous sommes installés sur l'une des tables du fond avec vue sur la cuisine et sur le chef et sa brigade. Désormais, le repas commence par le réveil des papilles, c'est une infusion de différentes plantes sauvages accompagnée de fines tuiles de sorgho avec un poivre de qualité. Il y a là du gingembre et quelques autres plantes aromatiques mais "y a pas de la pomme.
Les grignotages arrivent avec une bouteille de champagne Salmon que Serge a commandé pour célébrer l'anniversaire de Cathy. Elle est jeune donc pour nous c'est "la merdeuse". "Le cépage pinot meunier aime le climat du Domaine Salmon. Il puise sa force dans la rigueur hivernale et ses saveurs fruitées dans l’humidité de ses printemps. Notre sol argilo-calcaire apporte la minéralité aux raisins. Au moment des vendanges, ses gros grains noirs à la chair blanche ont fière allure. Ils offrent au palais des nuances gourmandes qui donneront à son champagne sa robe dense et ses notes gustatives à la fois légères et profondes." 4 grignotages qui chaque fois m'enthousiasment : Feuille de riz soufflé condiments champignons et vermicelles marron. Ensuite ! Quenelle moelle de bœuf et son consommé. Puis feuille à feuille crêpe de maïs, beurre façon beurre d'escargots, salpicon d'escargots à la pistache; le salpicon, c'est l'escargot très finement découpé. Et enfin la tartelette avec fine pâte à l'algue nori, condiments ail noir, texture de citron brûlé et poutargue de bar maison. Cette tartelette est diabolique.
J'ai
adoré la mise en bouche, un lieu jaune traité comme un haddock avec des
petits croutons, texture de carottes et miso, pickles de bouton de
coquelicot et écume de cuisson du lieu jaune.
On remarque dans ces grignotages, l'influence japonaise sur la cuisine de Richard qui nous invite et nous prépare à un prochain voyage au Japon, algue nori, miso...
Notre repas sera très mer aussi Nicolas nous conseille un vin de Savenières, je crois mais, je suis attité par le Menetou Salon de Pellé, un viticulteur que nous connaissons, les Vignes de Ratier 2022. La cuvée Vignes de Ratier est un grand blanc, au côté sancerrois, alliant rondeur, fraîcheur et finesse aromatique. Une belle amplitude où les fruits à chair blanche surlignés de quelques notes poivrées se lient à une minéralité si particulière.Le domaine Pellé se trouve à Morogues qui est un des plus beaux climats du Ménetou. Nous dégustons un beurre au curcuma sur un pain noir au charbon actif. Pour la suite du repas, nous goûterons à la création boulangère du boulanger Rivat d'Alba la Romaine et de Richard Rocle.
Les 2 Catherine et moi meme nous choisissons l'entrée que nous conseille Angèle, un mélange terre-mer comme Richard aime à les cuisiner: l'alliance du murex et de la tete de veau. C'est une tarte Tête de Veau, Murex et champignon, condiment, un siphon de thé des bois et le serveur vient l'entourer de sauce Albufera. C'est une sauce qu'on connaît bien car Arkadiuz Zumanski de l'Apicius aime à l'utiliser. Le murex est un coquillage proche du bullot, dont les romains extrayait la couleur pourpre qui servait à teindre la toge des sénateurs. C'est un escargot de mer à la coquille épineuse avec une chair ferme et un brin d'amertume. La sauce Albufera. Par rapport à la version originelle on augmente la quantité de foie gras de canard et on diminue celle de beurre. Un tour de main pour éviter l'oxydation, maintenir la légère sucrosité et révéler le goût des autres ingrédients qui font l'identité de ce monument de gourmandise : cognac, porto blanc, madère, bouillon de volaille, crème crue. L'assiette est superbe et la texture du mélange étonnante, le mariage du coquillage et de la tete de veau est très harmonieux.
Serge se distingue qui choisit la Langoustine en Royale, Beurre spécial, Fève de Tonka, Consommé de Carcasses. Là encore l'assiette est superbe, digne d'un 2 étoiles et Serge ne regrette pas son choix, c'est de la grande cuisine mais le coté canaille, veau-murex était vraiment très séduisant.
Notre week end gastronomique trop intense nous a conduit à ne pas prendre de plat intermédiaire mais, je dois avouer, que si mes compagnons avaient voulu, je ne me serais pas trop forcé pour découvrir les Noix de Saint Jacques et Poulpe de Roche, Epinard et Sésame, choux"brûlé", Bouillon et Sarrazin torréfié.
Pour le plat principal, le choix se pose entre la viande et le poisson, l'Assiette 100% végétale et locale, il faudra que Sandrine Rousseau présidente me l'impose et peut etre que par esprit de résistance, je ne me soumettrai pas.
Je part donc sur le Veau de notre région, en 2 services avec l’Huître de Tarbouriech, la Rolls des huîtres de Méditerranée, les légumes racines d'Hervé, champignon et le jus de Veau réduit aux Étrilles qui est absolument remarquable. L'alliance de la terre et de la mer dans sa plus belle expression. Je demande donc à Nicolas de me proposer un verre de rouge, il me sert un cote du Ventoux du domaine Aymard, Grenache Noir et Cinsault en 2020.
"La dominance du Grenache à la dégustation apporte des arômes de fruits rouges et de pruneau. La matière est ample, ronde avec une palette aromatique charmeuse, sur la crème de cassis."
Mes compagnons, plus raisonnables, ont choisi le retour de pêche, il s'agit d'un lieu jaune parfaitement cuit accompagné de verdure qui constitue une assiette très esthétique. C'est étonnant comme la cuisine du chef mêle la terre à la mer, elle a un coté japonisant, le poison, les coquillages et les crustacés sont ici toujours parfaitement traités. Pour un occidental c'est difficile de parler de l'imami, c'est comme la résilience, on ne sait jamais le sens exact du mot. L'imami, c'est dans la cuisine japonaise, la cinquième saveur avec le salé, le sucré, l'acide et l'amer, je crois que 2 cuisiniers que je connais la maitrise parfaitement: Christophe Roure au Neuvième Art à Lyon et Richard Rocle. Je ne voudrais pas etre désagréable avec l'Impulsif à Chatelguyon mais il ne suffit pas de se déclarer admirateur de la cuisine japonaise pour la reproduire.
Avec le dessert, nous nous laissons tenter par un verre de Maury Tuilé de 1976 , Lgend Vintage de Gérard Bertrand. Chacun de nous goûte à
ce fabuleux nectar. L'auberge possède une des 96 dames Jeanne que Gérard Bertrand a produit en 1976, une année de chaleur extraordinaire qui a produit ce millésime exceptionnel. Actuellement, 2 millésimes sont encore à la vente 1929 et 1987. C'est un vin à la couleur ambrée caramel brun clair avec des saveurs de pain d'épices,de vanille,de cannelle,de fruits confits, de cerises à l'eau de vie, des arômes de cuir, de tabac blond. Harmonie, classe, finesse, complexité.
Le pâtissier de Montfleury invente souvent des desserts très séduisants. Nous choisissons chacun une des 3 options.
Catherine a choisi l'alliance de la Noisette du Piémont et du chocolat Bahibé 46% avec son biscuit meringué, un croustillant praliné, Ganache mousseuse et Tuile craquante. Le chocolat au lait Bahibe 46%, pure origine République Dominicaine est un un Grand Cru Valrhona au chocolat au lait et au goût cacaoté avec des notes de céréales et de fruits mûrs. Catherine est conquise.
Personnellement, j'aime les références à l'enfance, le riz au lait, le Saint Honoré, le Pain Perdu, les bugnes, aussi j'opte pour la Brioche caramélisée comme un Pain Perdu, Caramel, Crème légère, Vanille, Mangue et Fleur d'Oranger et je ne regrette pas mon choix.
Les Rocagel préfèrent le dessert plus fruité. Une Charlotte agrume et rhum, mousse vanille, crémeux et biscuit de Cannelé, sorbet Agrume et Sakura pour nous préparer aux cerisiers en fleurs du Japon où nous partons tous les 4, fin Mars.
Le sakura est une variété de cerisier ornemental japonais qui ne produit pas de fruit. En revanche, il est très apprécié pour ses fleurs qui symbolisent le printemps et l’éphémère. On retrouve le sakura en cuisine japonaise sous diverses formes pour apporter une saveur florale aux préparations aussi bien sucrées que salées.
La pâte de fleur de Sakura est utilisée pour faire des gâteaux et parfumer les plats. Quant aux feuilles de Sakura saumurées, on en enrobe le poisson ou parfume le riz avec.
Quelques mignardises pour accompagner le déca. Puis, au moment de se quitter, une longue conversation avec Richard sur la cuisine japonaise: il envisage de faire un voyage avec son poissonnier pour étudier le poison et la façon de le traiter par les chefs japonais. 5 la façon de le tuer, a une importance essentielle dans leur gastronomie). Nous sommes des fans absolus de Montfleury et, après une repas tel que celui ci, pourquoi pas la deuxième étoile. Quand on compare le repas avec celui de Cyril Attrazic à Aumont Aubrac qui a été promu l'an dernier, pour nous quatre, il n'y a pas photo. Mais peut être que l'étoile d'Aumont était destinée à faire de l'ombre à Bras à Laguiole ?
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