mercredi 7 février 2024

ARDÈCHE, LE CAVAGE DES TRUFFES AVEC GERARD VIDIL

  

Malgré le repas truffes très arrosé qui s'est terminé très tard cette nuit, nous sommes prêts pour le petit déjeuner à 8h 15; il nous faudra presque une heure de voiture pour être exact au rendez vous à 10h chez Gérard Vidil à Lagorce. Je l'ai rencontré, il y a 2 ans grace à l'intermédiaire de Richard Rocle, le chef de l'auberge de Montfleury. Gérard , c'est un homme de la terre ardéchoise, pas facile de l'aborder d'abord, et quand il sent qu'on partage les memes valeurs, le meme amour des bons produits, du terroir ardéchois et qu'on a le respect de la truffe et de celui qui la cultive et la trouve, il s'ouvre comme un vin de qualité et se révèle un homme chaleureux et généreux. Nous prenons le café, il va chercher 2 chiens, Razzia, la femelle, un berger australien et Simba, un lagotto, une boule de poils et de nerfs. Nous quittons la route pour prendre à gauche sur un chemin de terre jusqu'à la plantation de Gérard. C'est une plantation d'un hectare, à peu près, ceinte d'une cloture pour protéger le diamant noir des sangliers et des voleurs. Sur un mat, des caméras pour filmer les éventuels maraudeurs ou ceux qui gratuitement par jalousie vandalisent les plantations. Deux sortes de chênes, des chênes blancs et des chênes verts espacés de 2 mètres à peu près, pas encore taillés, le brulis autour de chaque arbre est bien marqué. Le brulis ou brulé, c'est cette zone située au pied des arbres truffiers où les plantes se font rares et dépérissent.

Les chiens sortent de la voiture, la femelle aboie, le lagotto est excité mais quête la caresse dont Cathy n'est pas avare. Simba sera en laisse , c'est un stakhanoviste qui n'aspire qu'à caver, un bosseur fou qu'il faut canaliser. La femelle est plus tranquille, libre de ses mouvements et consciente de sa qualité. Le chien d'eau romagnol (Lagotto Romagnolo) est une race canine originaire  de Romagne autour de Forli. À l'origine, le lagotto romagnolo est utilisé comme chien de chasse au gibier d'eau dans les marais de Comacchio et de Ravenne. Lors de l'assèchement progressif de ces marais, la race est convertie en chercheur de truffes. Le poil a une texture laineuse, mi-rêche en surface, avec des boucles serrées, incurvées en anneau et un sous-poil évident, relativement proche de celui du caniche. Sa couleur est blanc unicolore, blanc avec des taches marron, rouan marron, marron unicolore. Chez certains sujets on note la présence d’un masque marron.


 Des scientifiques français ont découvert pourquoi survient le phénomène du brulis.
Si elles ne meurent pas, les plantes colonisées sont affaiblies car pompées de leur azote et de leur phosphate. L’étude montre que ces végétaux  ont une croissance de 30 % inférieure et une germination 1,3 fois moins abondante. En revanche, la truffe, elle, présente un mycélium (le réseau de filaments qui constitue l’individu dans le sol, la truffe n’étant que le fruit d’une fécondation entre un individu mâle et un individu femelle) deux fois plus abondant. Le champignon tire indubitablement profit de cette relation au contraire des plantes.

Gérard Vidil a fait un repérage dans la semaine en marquant à la peinture bleue les endroits où un de ses chiens a marqué. D'entrée le lagotto file sur une des marques et gratte frénétiquement des 2 pattes avant. Il faut le maîtriser car l’arôme de la truffe le rend fou et il aimerait bien en croquer. La position de ses pattes qui labourent le sol est une indication de choix pour le caveur. Quand la truffe se dévoile, il faut en faire le tour avec précaution avec un petit piochon et la retirer avec d'infinies attentions pour ne pas la déteriorer. Gérard commence à nous faire la démonstration du cavage puis nous propose de mettre en pratique les préceptes qu'il nous a enseignés. Les 2 chiens ont chacun leur façon d'opérer, la femelle est très sobre, quand elle a senti la truffe à maturité, elle grattouille, très smart, très posh, avec modération puis pose la patte en attendant le maître. Raffinement, classe, distinction. Le lagotto est plus chien fou, dés qu'il marque la truffe, il se met à gratter frénétiquement, à creuser comme une pelle mécanique ou un bulldozer. Rapidement, il faut tirer sur la laisse avant qu'il ne gnaque la truffe. Une de ses techniques, on l'observe au bout d'un moment, c'est de la déterré avant qu'on en aperçoive, la propulser entre ses pattes arrière, et à venir la croquer pendant qu'on cherche la mélano dans la terre qu'il a retourné. Le mieux, c'est de le laisser commencer le terrassement, le stopper et lui demander d'intervenir de nouveau si notre recherche dans la terre est infructueuse.


Quand ils débusquent le diamant, ils ont droit à une croquette et parfois, quand la truffe est minuscule à un bout de mélano pour intéresser la partie.


Avec Cathy, nous nous prenons au jeu et nous sommes fascinés par la découverte, humer la terre qui entourait la truffe, précautionneusement, la retirer de sa gangue. La terre est humide, il n'a pas plu depuis quelques jours mais le sol retient l'eau, c'est un sol calcaire, très pierreux, autour de la truffières, des vignes, des champs de lavande et un paysage de garrigue et de maquis. Il semble que la mélano sauvage soit aujourd'hui très rare, le changement climatique peut être.  « Il y a 30 ou 40 ans, on trouvait beaucoup de truffes sauvages . Comme pour les champignons, les gens avaient leurs coins à truffes, et gardaient le secret. » Mais au fil du temps, elle a fait tourner les têtes. « C’est devenu une vraie ruée vers l’or : les gens venaient de 5 ou 6 départements. Ceux qui connaissaient une truffière saccageaient tout, pour que personne d’autre n’en trouve ! C’est la principale raison de la raréfaction de la truffe sauvage. Elle a presque disparu. » Même si on continue à en trouver parfois dans la nature, il semble que « c’est de plus en plus dur ». Car le milieu naturel est moins favorable. « Lorsque la forêt gagne du terrain, les truffières arrêtent de produire. Avant, avec le pastoralisme, le chauffage au bois, le milieu était entretenu, il y avait un équilibre. Maintenant, le milieu se referme. » Autre élément : la multiplication des sangliers constitue une menace permanente. Car  « les sangliers adorent les truffes.

 Chaque fois qu'on trouve une truffe, Avant de refermer le trou, Gérard balance une poignée de compote: c'est un mélange de truffes de qualité médiocre pour la vente et d'eau, passé au blinder puis mélangé dans une bétonneuse avec de la vermiculite, un isolant naturel, du terreau. Le travail du trufficulteur dure toute l'année et ne se limite pas à la récolte. En janvier, il récolte toutes les semaines et paille, éventuellement les brulis, si la température dépasse les -7°.  "Les sols riches en herbes aromatiques telles que thym, lavande, sarriette, immortelle, tombées sur le sol puis transformées (par la faune) tout en conservant une partie des huiles essentielles vont être absorbées par la truffe ce qui explique les parfums et goûts très différents des tubercules d'une truffière à l'autre, voire d'un arbre à l'autre. C'est la notion de terroir tout simplement."

En février, on ne cherche pas à récolter les toutes dernières truffes si la fin de la saison s'annonce. Elles constituent une semence ou inoculum qui améliore le potentiel de la plantation. C'est à cette période qu'on plante les chênes verts. On Vérifie l'état de la clôture e si des sangliers risquent de venir bousculer les jeunes plants. On peut commencer à tailler les arbres  dans les plantations âgées si la récolte est achevée.

Mars, C'est le moment de tailler les arbres jeunes ou âgés. On peut griffer les plantations adultes.  Il n'y a pas de période de l'année où la truffière ne demande pas de soins, il faut surveiller les parasites, les maladies des arbres, arroser modérément quand c'est nécessaire, traiter d'une manière qui respecte l'environnement. Les truffes sont parasitées par un parasite le Liodes dont Gérard Vidil essaye de se prévenir en posant des pièges à liodes soit achetés dans le commerce mais c'est très cher soit fabriqués artisanalement. Le liodes est un petit coléoptère qui se nourrit de la truffe où il y creuse des galeries, il diminue donc la valeur marchande de  la truffe noire Tuber Melanosporum. Dans certains sols, le liodes est très présent et devient un vrai problème pour les trufficulteurs qui se retrouvent avec beaucoup de truffes pleines de trous donc invendables ou à des prix moins satisfaisants. On utilise un piège à phéromones pour liodes  idéal pour lutter contre ce petit prédateur  redoutable.

Notre cavage se poursuit pendant 2 bonnes heures. Nous avons apprécié ce privilège extraordinaire à sa juste valeur. déguster la truffe, c'est toujours un moment de bonheur mais déguster une truffe qu'on a cavé... Marie Claude Vidil nous attend à la maison pour un soit-disant apéritif dînatoire... un plateau de charcuteries maison somptueux avec les cochons ardéchois que Gérard mangoune, on dit comme ça dans le Cantal, un quiche où on rape généreusement la truffe, un velouté de potimarron ...à la truffe, un colomiers truffé, échange de recettes.On est dans une bonne maison. L'Ardèche est pleine de gens de qualité, Gérard Vidil, donc et avant lui, Laurent que Richard Rocle et Claude Briuode nous avaient aussi présenté, les viticulteurs qu'on aime, Frédéric Dorthe, les soeurs Saladin, Sébastien Arsac, la famille Gallety, mes amis pecheurs Samuel, Yves et Lionel, Bruno Beusse le guide de peche qui trouve des rivière à sa taille en Patagonie chilienne, Véronique et Marius du domaine de la Manse. Tous ces gens, on les aime, pas évident de rentrer dans leur cercle, ils se méritent. On a la chance d'y etre accueillis, adoptés  et le plaisir que nous avons eu à partager, cavage et repas nous laisse un souvenir impérissable. A refaire. 

Nous quittons Gérard Vidil et son épouse pour montrer quelques beaux villages d'Ardèche, Labeaume, les défilés de Ruoms et Balazuc avant de conclure le week end par un repas à l'auberge de Montfleury. Les truffes que nous avons achetées embaument la voiture. Leur arôme va nous accompagner jusqu'au retour à Clermont. Dès qu'on arrive, nous dégustons notre première tartine. Un bon pain que l'on fait griller, on le badigeonne au pinceau d'huile de noisettes, puis on étale de belles lamelles de mélano, un peu de sel de Guérande, la bouteille de Sancerre qui attendait au frais depuis 3 jours. Le Bonheur.



Autre belle façon de les manger, le lendemain: le meme pain couvert de belles lamelles de truffe et dessus un oeuf poché, fabuleux avant de tester les œufs brouillés très crémeux avec la truffe rapée sans parcimonie.


Pour mémoire, d'autres cavages en Ardéche pour la mélano et pour l'Aestivum et le repas truffes de Claude Brioude avec les truffes de Gérard : 

 https://www.lemounard.com/2024/02/ardeche-le-repas-truffes-de-claude.html

https://www.lemounard.com/2021/08/truffes-dete-mes-vignerons-en-ardeche.html

 https://www.lemounard.com/2019/02/fevrier-2019-cavage-de-la-truffe-noire.html

 





 

 

 

 

 


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