"Le cœur dans les étoilesIl y avait mon grand-pèreIl y avait ma grand-mèreIl attendait la guerreElle attendait mon pèreIls étaient gais comme le canalEt on voudrait que j'aie le moral" J,Brel
Deuxième jour à Bruxelles, pas de programme franchement défini, tout va dépendre du temps. Nous avons décidé de visiter le Palais de Justice, une oeuvre mégalomaniaque de style éclectique conçue par l'architecte J. Poelaert en 1862. Pour cela nous prenons le métro à Schuman, changement à Art Loi mais le métro stoppe à Trône à cause d'un incident et nous devons marcher un bon moment pour rejoindre le Palais de Justice le long du boulevard Waterloo qui concentre un grand nombre de boutiques de luxe. Les bruxellois l'ont rapidement surnommé le mammouth. Le Palais de Justice a la réputation d'être le plus grand bâtiment construit au cours du 19e siècle. Il présente une longueur hors tout de186 mètres, une largeur hors tout de 177mètres et une hauteur hors tout de 116 mètres. Sa surface couverte dépasse deux hectares et demi. Pour remplir toutes les conditions prescrites par le programme du concours et tenir compte des besoins à venir, le projet de Poelaert renfermait 27 grandes salles d'audience, de bibliothèques ou de réunion et 245 salles et locaux pour l'usage des divers services. Le Palais a une superficie de 26.000 mètres carrés y compris les huit cours, avec une superficie de 6000 mètres carrés qui contribuaient à répandre partout l'air et la lumière. La superficie totale des moulures faisait 196.364 mètres carrés, le nombre de portes était 1530 et de fenêtres 1513.
Il est inauguré en 1883. Léopold II veut que cet édifice symbolise la grandeur de la Belgique et que Bruxelles rivalise avec Paris. Des sept rois que compte l’histoire de la Belgique, Léopold II est celui qui a régné le plus longtemps. Qualifié de roi bâtisseur par certains, il est surtout le roi colonisateur, celui dont l’héritage colonial au Congo a entaché l’histoire du Plat Pays. Cependant, de nombreuses lois sociales voient le jour sous son règne. Il souhaite amener son pays sur la voie du progrès et de la modernisation : les syndicats sont légaux, l'âge travail des enfants est fixé à 12 ans, le repos dominical est institué. Léopold II est le premier à vouloir une révision de la Constitution : Il instaure le suffrage universel , l'accès au Sénat est plus facile et les élections se font à la proportionnelle. Il transforme Bruxelles et Ostende.Pour construire le palais de Justice, Il faut exproprier un vaste terrain occupé par six îlots soit 1000 maisons et une partie des jardins de l'hôtel de Merode. Les travaux estimés au départ à 3 millions de francs s’élèvent finalement à 50 soit une année de travaux publics pour l'ensemble du pays.
Quand nous arrivons au Palais, nous sommes surpris par l'échafaudage géant qui couvre la façade. Entamée il y a 40 ans, la rénovation du Palais de justice de Bruxelles va bientôt accélérer. Dans un premier temps, les ouvriers vont étudier l’état des échafaudages avant d'éventuellement les renforcer là où c'est nécessaire. Une récente étude approfondie de l'état de la façade avant du Palais de Justice a révélé l'état parfois déplorable des pierres de celle-ci. D'après l'administrateur général de la Régie des Bâtiments, il va falloir remplacer 15% des pierres de cette façade. Et, par extrapolation, le patron de la Régie des Bâtiments s'attend à ce qu'il faille appliquer cette mesure à l'ensemble du bâtiment.
"Cet édifice colossal constitue sans nulle doute le sommet de l'architecture éclectique du 19e siècle. Le style est d'inspiration classique, avec des emprunts à l'architecture assyro-babylonienne et égyptienne. Le bâtiment est conçu comme un assemblage de formes et de masses, où les espaces intérieurs et extérieurs s'interpénètrent de manière surprenante.""Le coeur du Palais de Justice est occupé par la salle des pas perdus, d'une monumentalité inégalée. Sa hauteur culmine au sommet de la coupole, ce qui donne à la salle un vertigineux élan vertical. L'immense salle des pas perdus couvrant une surface de 3600 m² est dominée par la coupole élancée, visible depuis le rez-de-chaussée. La salle des pas perdus est également exceptionnelle par ses dimensions : 80 mètres de long, 50 mètres de large pour 80 mètres de haut. Le grand escalier fait 82mètres de long; il monte en ligne droite, traversant différents espaces dont la hauteur et la largeur varient de 6 à 24 mètres ; le dénivelé est de 20 mètres, soit 125 marches.
Si le 19e siècle est le « siècle de l'industrie », il est tout autant celui de l'archéologie. D'immenses chantiers de fouilles sont ouverts en Italie, en Grèce, mais aussi en Egypte, au Proche-Orient et en Mésopotamie. La publication des travaux a un immense retentissement scientifique, et influence le travail des architectes. Sept ordres ont été mis en oeuvre dans le Palais de Justice : les cinq ordres classiques -toscan, dorique, ionique, corinthien, composite- et deux ordres préclassiques : précorinthiens et « palmiforme ». Les colonnes doriques et corinthiennes sont des copies fidèles de modèles romains du siècle d'Hadrien. Les colonnes ioniques sont des copies de modèles grecs du siècle de Périclès. Les colonnes toscanes suivent un parangon universel. Les colonnes composites s'inspirent de modèles composites préhelléniques. Les colonnes précorinthiennes s'inspirent de modèles grecs (Tours des Vents d'Athènes). Quant aux piliers « palmiformes », ils n'ont pas été exécutés suivant les plans d'origine, qui prévoyait une copie de modèles précorinthiens : tels qu'exécutés, le piliers se rapprochent du modèle palmiforme égyptien.
Les entablements, les soubassements, les encadrements des ouvertures (portes et fenêtres), ainsi que les décors ornementaux s'inspirent tous prioritairement de modèles de l'Antiquité gréco-romaine."
La description qui précède est celle de l'Unesco qui en fait un compte rendu dithyrambique, notre ressenti est bien différent : On a découvert un monument colossal, monstrueux, austère, froid et sans âme. Il semble qu'Hitler, lors de sa visite à Bruxelles en 1940, n'était pas du meme avis, qui, impressionné par le Palais de Justice, le recommande comme référence architecturale à Albert Speer, son ministre chargé de la transformation de Berlin. Horta le défend aussi dans son cours d'Architecture. Nous quittons assez rapidement le bâtiment pour descendre sur Marolles par l'ascenseur. De puis esplanade , nous aurions une vue superbe sur la ville, si la brume ne l'enrobait pas dun duvet cotonneux. On aperçoit cependant au loin les boules de l'Atomium. Depuis 2002 un ascenseur relie le haut et le bas de la ville, de la place Poellart au square Breughel. Pour l'anniversaire de Magritte , il est transformé en ascenseur de l'étrange avec un décor surréaliste. Quand on parvient au square Breughel, la pluie fine et glaciale se met à tomber qui va nous empecher de flaner dans le quartier des Marolles, la rue Blaes, le marché aux puces de la place du Jeu de Balle. Nous visitons quelques boutiques de fripes à la découverte d'éventuelles pièces de marque perdues au milieu des oripeaux mais la peche n'est pas bonne.
La faim commence à nous taquiner mais la poissonnerie
Dengel est fermée. Au 148 rue Haute, nous découvrons un charmant ancien estaminet, la brasserie Ploegmans qui propose quelques bons plats belges à la carte et de nombreuses bières. Je déguste des croquettes de sanglier et de faisan, pendant que Catherine tente le vol au vent. Le vol-au-vent est un plat traditionnel belge composé
d’une croûte en pâte feuilletée creusée en son centre et garnie d’une
délicieuse préparation à base de poulet et de champignons sur laquelle
est déposée un petit chapeau en pâte feuilletée. Bien qu’il soit très
populaire dans le nord de la Belgique, ce grand classique de la cuisine flamande est historiquement une spécialité d’origine française. C'est un endroit très sympathique qui est resté dans son jus, patron bedonnant et avenant, clients qui engagent la conversation bruyante d'une table à l'autre, c'est le "temps où Bruxelles bruxelle". Heureusement qu'il subsiste encore quelques lieux typiques où l'ame de Bruxelles continue de vivre.
Le temps nous incite à visiter un intérieur. Les maisons Art Nouveau sont nombreuses mais le nombre de visiteurs et les horaires de visite sont souvent limités. Pas de place à la maison Horta, l'hotel Solvay se visite le jeudi, il n'y a que la maison Autrique qui peut se visiter aujourd'hui. Nous prenons un tram en direction de Schaerbeek. En route, on traverse un quartier qui évoque plus l'Anatolie ou Istanbul que le Plat Pays ou Ucle. La maison Autrique a été conçue par Victor Horta en 1893 . Elle est située au 266 de la chaussée de Haecht à Schaerbeek. Quand il construit cette maison pour l'ingénieur Autrique, Horta a 32 ans. Il reçoit la commande d'une maison personnelle de son ami Eugène Autrique, ingénieur chez Solvay. Horta est architecte mais aussi franc-maçon. Cet immeuble est une commande de son frère de loge, Eugène Autrique.Le programme fixé par Autrique est simple : « aucun luxe, aucune extravagance : souterrain habitable, vestibule et escalier honorables, salon et salle à manger agréablement unis, premier étage avec bain et toilette (pas encore courants à l'époque) et deuxième étage mansardé pour enfants et personnel ». "Il s'agit du premier hôtel particulier construit par Victor Horta. On y décèle déjà des éléments qui feront l'objet de recherches continuelles par l'architecte : un début de liaison avec le trottoir, des revêtements muraux d'épaisseurs diverses, la coexistence de symétries-dissymétries, sans parler de l'usage du métal et de matériaux industriels". Il semble que Horta a scrupuleusement respecté les desiderata de son client et ami car les maison est austère, pas de flamboyance, pas de fantaisie, pas d'extravagance, tout est fonctionnel mais tout est tristounet.
On descend d'abord au niveau des caves où se trouve la cuisine occupée par une impressionnante batterie de marmites, de casseroles et de poêlons. Des draps et des vêtements sont suspendus dans l'ancienne buanderie, comme s'ils achevaient de sécher.Un intérieur d'ingénieur froid et méthodique, Autrique n'était pas un poète.
Le rez de chaussée comporte un petit salon, boudoir où on peut s'asseoir pour consulter un livre ou une revue. Sur les murs, des dessins et des photographies de la Maison Autrique et de sa restauration.
Par chance, la maison Autrique accueille une exposition qui présente l'œuvre et la vie de Privat Livemont,
artiste bruxellois emblématique de l’Art nouveau. Artiste complet et
polyvalent, artisan, enseignant à l’Académie de dessin et d’industrie de
Schaerbeek... Livemont semble avoir été un travailleur infatigable. Il
est surtout reconnu pour ses affiches et les sgraffites présents sur de
nombreuses façades à Bruxelles.
La finesse de son trait, son goût
pour les éléments décoratifs végétaux et leur stylisation, son
imagination fertile et sa palette colorée font de Privat Livemont une
figure importante que la Maison Autrique choisit de mettre à l’honneur
en 2023, année de l'Art nouveau. Sur les murs quelques tableaux Art Nouveau de facture agréable.
Par contre, Autrique avait un grand sens de l'hygiène, la maison comporte de nombreux points d'eau, des éviers et une salle de bain avec une baignoire.
Au deuxième étage, on visite L’atelier d’Augustin Desombres (1869 - 1912), ancien élève de Gérôme, aurait passé les dernières années de sa vie à Schaerbeek et travaillé dans cet atelier. C'est en tout cas dans la Maison Autrique qu'un ensemble de tableaux, de dessins et de photographies a été retrouvé, ainsi qu'un petit film muet dont l'auteur reste inconnu. A noter, un gigantesque appareil photographique de la pièce voisine qui lui aurait appartenu.
La pièce voisine est une salle des cartes: " En hommage à Eugène Autrique et à sa passion pour la cartographie,
cet espace - conçu avec l'aide de l'Institut Géographique National -
permet de mieux situer la Maison Autrique dans l'environnement de la
commune de Schaerbeek et de l'agglomération bruxelloise.
Une table
d’orientation permet d’identifier les principaux édifices et de mesurer à
quel point Bruxelles est une ville secrètement mais réellement verte."
Le grenier nous fait découvrir un autre occupant de la maison, l'inventeur et rénovateur des transports Axel Wappendorf. Il semble avoir travaillé plusieurs années dans les combles de la Maison Autrique. Un ensemble significatif de dessins, maquettes et prototypes de plusieurs de ses inventions ainsi que des vestiges de sa vaste bibliothèque ont pu y être rassemblés.
Je me suis plus attardé sur les affiches de Henri Antoine Théodore Livemont, dit Privat-Livemont est né le 9 octobre 1861 à Schaerbeek. Les affiches qu'il réalise font penser à l'artiste tchèque Mucha, es allégories féminines ressemblent aux célèbres affiches de Sarah Bernhardt.
Ces affiches publicitaires se caractérisent par un style Art nouveau.
Par ses compositions épurées et raffinées, Théodore Livemont reste un des grands maîtres du sgraffite aux côtés de Paul Cauchie, Adolphe Crespin et de Gabriel Van Dievoet ainsi que de l'affiche illustrée.
En collaboration avec l'architecte Henri Jacobs, il décore de sgraffites art nouveau de nombreuses façades et écoles communales et laïques de Bruxelles. Les Sgraffites constituent une technique décorative , très utilisée pendant la Renaissance et durant la période Art nouveau, consiste en un motif ou dessin réalisé par hachures ou grattage d'un enduit blanc recouvrant un fond noir ou coloré.
Il réalise superbes panneaux en céramique dans la Grande Maison de Blanc située aux nos 32-34 de la rue du Marché aux Poulets à Bruxelles. Les panneaux ont été réalisés par la faïencerie Boch de La Louvière d’après des dessins de l'artiste en 1897.
Il se fait connaître également dans d'autres domaines comme la caricature, le dessin et l'illustration de presse ainsi que quelques dessins érotiques.
Nous retournons à l'hotel pour nous réchauffer quelques peu avant de sortir diner Au Winehouse Osteria : une tratoria, excellentes pates aux truffes noires mais accueil à la mimite de l'impolitesse. Dommage car le tiramisu est hautement recommendable et les flacons de l'Italie du Sud aussi.
Cette année , nous n'irons pas au musée Magritte, pour mémoire :
https://www.lemounard.com/2014/12/bruxelles-dans-les-pas-de-magritte.html
l
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