« Artis sola domina necessitas » : la nécessité est seule
maître de l'art. Otto Wagner
Aujourd'hui, nous découvrons Vienne et le Jugendstil avec une greeter. Qu'est qu'un ou une greeter ? Les greeters (en français : hôtes) sont des bénévoles
qui accueillent gratuitement des touristes pour une rencontre
authentique avec un habitant lors d'une balade. Ils montreront et
parleront de façon insolite, originale et personnelle de 'leur' coin,
'leur' quartier, 'leur' ville, dont ils sont fiers et passionnés.
Les touristes vont voir et participer à la vie locale du lieu visité. À
l'occasion d'une balade en ville ou dans la région, le Greeter va non
seulement souligner les lieux intéressant ou inconnus, mais il va aussi
parler de la vie de tous les jours et de ses coups de cœur.J'ai contacté l'association il y a 2 semaines et j'ai, rapidement, reçu un mail de Nicole Huet qui m'a demandé ce que nous souhaitons visiter. Elle semble avoir une grande culture et connaitre très bien "sa" ville où, française, elle habite depuis 30 ans. Nous avons convenu de découvrir un quartier, autour de la Sécession pour découvrir le Jugenstil et quelques réalisations d'Otto Wagner. Rendez -vous est fixé à 9h30 à coté de l'Opéra. A 9h30, personne mais je me rend compte que je suis du mauvais coté et je retrouve Nicole qui attend, patiemment sur la margelle d'un arrondi en pierre. Elle est plus jeune que nous, élégante, mince. Les présentations faites, elle nous parle du Ring, du Staatoper, du classicisme et de la naissance du Jugendstil.
En décembre 1857, l’empereur François Joseph écrit dans le Wiener Zeitung : « Es ist mein Wille » ( Telle est ma volonté). Comme Haussmann à Paris, il décide de changer l'urbanisation de la ville.Les faubourgs de Vienne doivent être rattachés au centre du pouvoir impérial. La Ringstraße de 5,3 km de long, va etre construite sur un période de 50 ans.
l’inauguration officielle a lieu le 1er Mai 1865 en présence de l’empereur; Une partie seulement de la Ringstraße de 57 m de large est terminée à ce moment. Le Ring devient l'endroit où il faut vivre. L'aristocratie , mais aussi à la haute bourgeoisie font construire de somptueux palais, en particulier la bourgeoisie juive avec les palais Epstein, Todesco ou Ephrussi. Le krach boursier de 1873 et la crise économique qui s’ensuit affaiblissent les positions politiques des libéraux qui semblent associés aux défenseurs du capitalisme sauvage, et perdent ainsi peu à peu le soutien des classes moyennes. La fin de l’hégémonie des libéraux est marquée par le succès du nouveau parti chrétien social mené par le populiste Karl Lueger. 7Ainsi, l’idéal humaniste sera supplanté à Vienne par de nouvelles tendances nationalistes et antisémites. Les Juifs seront les premières cibles de ces courants populistes, opposés à la modernisation économique, sociale et culturelle. Les années 1880 et 1890 sont marquées par la diffusion d’un antisémitisme politique dans toutes les sphères de la société, qui devient une sorte « de code culturel . L’optimisme libéral des années 1860 se dissipe.Ce luxe ostentatoire est, peut etre une des raisons qui vont permettre à Kark Lueger, chef d'un partie anti-sémite de devenir maire de la ville jusqu'à sa mort en 1910 et de préparer l'Anschluss et l'avénement du parti nazi. Les lois constitutionnelles de 1867 reconnaissent n aux juifs l’égalité avec les autres citoyens de l’Empire et leur ouvre la voie de l’intégration. En échange, les juifs vont se montrer parmi les plus ardents partisans de l’empereur François-Joseph. Le territoire de la monarchie devient en outre un refuge pour les juifs persécutés en Russie. Le phénomène migratoire qui entraîne les juifs de Galicie vers Vienne. "Les juifs forment une composante essentielle de la vie de l’Autriche-Hongrie, dont la signification va bien au-delà de leur pourcentage dans la population ; ils sont partie prenante de son développement économique mais également de son rayonnement culturel. Quatre éléments permettent d’étayer la thèse de leur supranationalité : leur omniprésence sur le territoire, leur mobilité, leur polyglossie et enfin leur adhésion à la social-démocratie."
Nous nous intéressons à l’architecture du Staatoper : En regardant à l'avant du bâtiment depuis la rocade, on peut voir la structure d'origine qui a été préservée depuis 1869. Les façades sont décorées dans des arches de style Renaissance, et la véranda du côté du Ring souligne le caractère public du bâtiment.
Les statues des deux cavaliers à cheval ont été placées sur la façade principale de la loggia en 1876. Ils ont été créés par Ernst Julius Hohnel, et représentent les deux chevaux ailés d'Erato qui sont dirigés par «Harmonie et la Muse de la Poésie».
Sur les arches au-dessus de la véranda se trouvent les cinq statues en bronze représentant, de gauche à droite: héros, tragédie, fantasme, comédie et amour. Sur les côtés droit et gauche de l'opéra se trouvent deux fontaines de Josef Gasser, représentant deux mondes différents: à gauche, la musique, la danse, la joie et la légèreté, et à droite, la séduction, la tristesse, l'amour et la vengeance.
Nous partons du coté de la Karlplatz pour approcher l’œuvre d'Otto Wagner. "Issu de la grande bourgeoisie viennoise, Otto Wagner a reçu une formation dans les règles de l’art classique avant d’entrer, en 1862, dans l’atelier de Ludwig von Förster, un des principaux concepteurs du Ring. Cette vaste artère qui remplace les remparts médiévaux a été voulue en 1857 par l’empereur François-Joseph comme le signe de l’adaptation à un monde nouveau, celui d’une Vienne dynamique dans le concert des nations. La monarchie aura son boulevard, dont les bâtiments monumentaux sont un amalgame éclectique d’inspirations du passé : gothique, baroque, Renaissance… Les architectes souscrivent à « l’historicisme ». Otto Wagner, qui ne cache pas son admiration pour Michel-Ange, qualifie sa propre inclination de « Renaissance libre »". Il crée ,par exemple, un immeuble sur Stadiomgasse qui prend modèle sur le palais Farnèse à Rome. "Très tôt, il prend conscience du nécessaire glissement vers une autre philosophie de la vie urbaine. Derrière une façade Renaissance, l’immeuble de la Länderbank, en 1882, est une remarquable préfiguration de la Caisse d’Épargne, son chef-d’œuvre de 1912 : plafonds et sols en carreaux de verre, distribution fonctionnelle et modulable des espaces de travail, cloisons légères." Nicole nous propose de visiter le pavillon Otto Wagner.
Wagner était le directeur artistique en chef de la Stadtbahn,
un réseau de voies ferrées urbaines conçues et construites au tournant
des 19ème et 20ème siècles. Le projet, destiné à desservir une ville en
pleine croissance et florissante, a été compromis par la Première Guerre
mondiale, l’éclatement ultérieur de l’Autriche-Hongrie et les problèmes
économiques qui ont suivi. Les itinéraires Stadtbahn trouvent
leur expression moderne dans ce qui est maintenant la ligne de métro U6,
la ligne de métro U4 et la ligne de train urbain S45.
Wagner a conçu les nouveaux bâtiments des gares dans un style Art
nouveau ainsi que certains ponts le long de la Stadtbahn.
Les deux pavillons situés Karlsplatz ont conservé leur aspect d'origine. En 1898 Otto Wagner construisit, avec son élève Joseph Maria Olbrich, deux pavillons identiques pour la station de métro qui ouvre en 1899, qui est maintenant connue sous le nom de Karlsplatz. Les pavillons verts et blancs de l’ancienne gare, aujourd’hui espace d’exposition et café l’été, ont été créés en marbre et ornés de gravures en acier doré, et sont de parfaits exemples de l’esprit ostentatoire observé dans l’architecture Art Nouveau. L'exposition, à l'intérieur, est très intéressante. On y voit, notamment la maquette du Musée municipal Kaiser-Franz-Joseph, Karlsplatz, Vienne, 1900-1909, projet de concours, non réalisé – Otto Wagner
L'exposition propose une importante documentation sur l’œuvre et la vie de Otto Wagner, des photos, des plans et des maquettes. Sur la Karlplatz, on aperçoit le dôme de l'église Saint Charles. L'architecture Jugenstil fait face à la plus belle église baroque de l'empire austro-hongrois. L’église Saint Charles de Borromée est un monument majestueux qui présente en outre des caractéristiques inspirés de l’architecture italienne du XVII ème siècle.
Nicole nous conduit ensuite devant le palais de la Sécession." C’est dans le contexte de ce nouveau mouvement
artistique, que le palais de la Sécession est construit en 1897 par
Joseph Maria Olbrich. Très rapidement le palais devient un lieu de grande
importante artistique où se tiennent les grandes expositions viennoises.Afin de penser le design du palais, Olbrich s’inspire du
travail de Gustav Klimt qui a déjà imaginé un édifice fait de lignes
épurées et précises. La structure du palais reprend celle d’un
diagramme cubique, coiffée d’un imposant dôme composé de prêt de milles
feuilles de chêne et de laurier forgées dans des branches et recouverte
d’une fine couche d’or le tout glorifié par des murs et des piliers
blancs. Au-dessus de la porte, cette devise est proclamée
« À chaque époque son l’art, à l’art sa liberté ! A noter, que le palais de la Sécession fait face à l'Académie des Beaux Arts dont les membres de la Sécession s'étaient séparés en 1897. 1898 voit l'achèvement du bâtiment. Nicole nous conduit ensuite au Naschmarkt qui est entouré, de part et d'autre par les Linke et Rechte Wienzeile. Le Naschmarkt est très cosmopolite, beaucoup d'épiceries orientales tenues par des turcs et des stands hongrois ou bulgares. Les restaurants et les bistrots ont pris la place de beaucoup de stand au point que la municipalité a limité leur nombre pour que le marché ne perde pas son originalité. Au départ de la balade, Nicole nous a dit qu'elle nous ferait une surprise mais, en l'attendant, nous descendons jusqu'à 2 immeubles d'Otto Wagner sur le Linke Wienzeile au 38 et 40.
"La Maison aux Médaillons présente, le long de la Linke Wienzeile, une haute et large façade de dix travées comportant un rez-de-chaussée consacré aux commerces et cinq étages. La façade secondaire située Köstlergasse (rue Köstler), beaucoup plus simple, comporte treize travées. La façade principale possède deux longs balcons en fer forgé qui courent sur toute la longueur, l'un au premier étage et l'autre au second. Elle est cantonnée de pilastres ornées de dorures et surmontées chacun, au niveau du toit, de la statue en bronze doré d'une Crieuse, due au talent du sculpteur Othmar Schimkowitz.
La transition entre la façade principale de la Linke Wienzeile
et la façade secondaire de la Köstlergasse est assurée par un angle
arrondi composé de trois travées dont le premier étage est occupé par
une loggia polygonale en fer et verre tandis que le dernier étage est
orné d'une belle colonnade prolongée au-dessus de la corniche par des
vases de pierre et de bronze contrastant élégamment avec un pignon
concave blanc orné de guirlandes florales dorées."
Une porte est ouverte dans la rue perpendiculaire qui permet d'accéder à la cage d'escalier de la maison aux Médaillons. Elle possède des rampes de fer
forgé représentant de larges feuilles et de splendides dorures.
Le quartier semble très agréable: une petite ville tranquille au milieu de la capitale et là, un des plus fameux cafés viennois, le café Sperl. Le Café Sperl perpétue la tradition des cafés viennois,
des lieux propices à la détente, à l’inspiration mais également à la
discussion. Une équipe de télévision y fait une interview. Journaux à disposition, tables de billard, espace aménagé
pour les enfants, un piano , une terrasse,ses tables en marbre, ses
boiseries, ses banquettes et velours et ses lustres dorés . Nous invitons nos hôtes, le risotto est réchauffé mais le dessert de Nicole semble excellent et le serveur d'une exquise courtoisie. Nicole veut nous montrer l'ambassade de France? Pour y aller, nous retraversons Karkplatzet nous nous approchons le l'église Saint Charles Boromée, baroque et kitch à souhait.
"Destinée à exalter la relation entre la France et l'empire austro-hongrois du tout début du XXème siècle et à affirmer le rayonnement et la puissance de la République française qui venait d'accueillir l'Exposition Universelle, l'ambassade a été imaginée par l'architecte Georges Chedanne, célèbre par sa réalisation des Galerie Lafayette ou de l’hôtel Elysée Palace. D'une surface totale de 6500 m², le bâtiment a été construit à partir de 1904. Chedanne s'entoura des meilleurs représentants de l'Art Nouveau : Hippolyte Lefèbvre, Binet, Dubois, Vernon, Gasq, Sicard. Les plus grandes manufactures françaises de l'époque furent aussi sollicitées pour l'aménagement intérieur : tapisseries des Gobelins, glaces de Saint-Gobain, mobilier de Tony Selmersheim, cristaux de Gagneau et Daum, escalier de Majorelle."
Nicole et Pierre nous conduisent au Belvédère dont nous visiterons les collections demain. Nicole nous raconte, en buvant un café, la fabuleuse histoire du prince Eugène de Savoie (1663 - 1736), brillant général et grand amateur d’art, qui commanda à Johann Lukas von Hildebrandt le palais-jardin du Belvédère pour en faire sa résidence d’été, aux portes de la ville.
Cette œuvre d’art totale de l’époque baroque est constituée de deux châteaux (Belvédère supérieur et Belvédère inférieur) et abrite aujourd’hui de nombreux témoignages de l'art autrichien, du Moyen Age à l’époque actuelle.
"Le prince Eugène se range parmi les plus grands chefs de guerre de
l'Histoire. Né Français, il ne rêve que de combats mais le roi Louis XIV
lui refuse un commandement. Qu'à cela ne tienne. Eugène s'enfuit de
Paris et se met au service de l’archiduc d’Autriche Léopold 1er, en
guerre contre les Turcs.
Eugène reçoit un régiment à 20 ans.
Bientôt à la tête de l'armée autrichienne, il défait en Hongrie l’armée
turque. Son étoile monte au zénith avec le traité de Karlowitz, en 1699,
par lequel l'Autriche s'étend en Hongrie et en Transylvanie. Il combat
ensuite avec un certain bonheur les armées de… Louis XIV."
Le moment est venu de se séparer de nos charmants greeters que nous espérons revoir à Clermont. L'expérience de découvrir une ville avec des habitants qui nous font partager leurs bonnes adresses, leurs connaissances et leur coups de cœur hors des sentiers battus a été extraordinaire. Merci Nicole et Pierre.
Nous retournons nous reposer à l’hôtel. Ce soir repas chez Amador.
https://www.lemounard.com/2023/09/vienne-autriche-un-repas-chez-amador.html
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