mercredi 11 octobre 2023

VIENNE, AUTRICHE, DÈCOUVERTE DU JUGENDSTIL AVEC UNE GREETER

  

  « Artis sola domina necessitas » : la nécessité est seule
maître de l'art.    Otto Wagner

Aujourd'hui, nous découvrons Vienne et le Jugendstil avec une greeter. Qu'est qu'un ou une greeter ? Les greeters (en français : hôtes) sont des bénévoles qui accueillent gratuitement des touristes pour une rencontre authentique avec un habitant lors d'une balade. Ils montreront et parleront de façon insolite, originale et personnelle de 'leur' coin, 'leur' quartier, 'leur' ville, dont ils sont fiers et passionnés.  Les touristes vont voir et participer à la vie locale du lieu visité. À l'occasion d'une balade en ville ou dans la région, le Greeter va non seulement souligner les lieux intéressant ou inconnus, mais il va aussi parler de la vie de tous les jours et de ses coups de cœur.J'ai contacté l'association il y a 2 semaines et j'ai, rapidement, reçu un mail de Nicole Huet qui m'a demandé ce que nous souhaitons visiter. Elle semble avoir une grande culture et connaitre très bien "sa" ville où, française, elle habite depuis 30 ans. Nous avons convenu de découvrir un quartier, autour de la Sécession pour découvrir le Jugenstil et quelques réalisations d'Otto Wagner. Rendez -vous est fixé à 9h30 à coté de l'Opéra. A 9h30, personne mais je me rend compte que je suis du mauvais coté et je retrouve Nicole qui attend, patiemment sur  la margelle d'un arrondi en pierre. Elle est plus jeune que nous, élégante, mince. Les présentations faites, elle nous parle du Ring, du Staatoper, du classicisme et de la naissance du Jugendstil.

En décembre 1857,  l’empereur François Joseph écrit dans le Wiener Zeitung : « Es ist mein Wille » ( Telle est ma volonté).  Comme Haussmann à Paris, il décide de changer l'urbanisation de la ville.Les faubourgs de Vienne doivent être rattachés au centre du pouvoir impérial. La Ringstraße de 5,3 km de long, va etre construite sur un période de 50 ans.

l’inauguration officielle a lieu le 1er Mai 1865 en présence de l’empereur;  Une partie seulement de la Ringstraße de 57 m de large est terminée à ce moment. Le Ring devient l'endroit où il faut vivre. L'aristocratie , mais aussi à la haute bourgeoisie font construire de somptueux palais, en particulier la bourgeoisie juive avec les palais Epstein, Todesco ou Ephrussi. Le krach boursier de 1873 et la crise économique qui s’ensuit affaiblissent les positions politiques des libéraux qui semblent associés aux défenseurs du capitalisme sauvage, et perdent ainsi peu à peu le soutien des classes moyennes. La fin de l’hégémonie des libéraux est marquée par le succès du nouveau parti chrétien social mené par le populiste Karl Lueger. 7Ainsi, l’idéal humaniste sera supplanté à Vienne par de nouvelles tendances nationalistes et antisémites. Les Juifs seront les premières cibles de ces courants populistes, opposés à la modernisation économique, sociale et culturelle. Les années 1880 et 1890 sont marquées par la diffusion d’un antisémitisme politique dans toutes les sphères de la société, qui devient une sorte « de code culturel . L’optimisme libéral des années 1860 se dissipe.Ce luxe ostentatoire est, peut etre une des raisons qui vont permettre à Kark Lueger, chef d'un partie anti-sémite de devenir maire de la ville jusqu'à sa mort en 1910 et de préparer l'Anschluss et l'avénement du parti nazi. Les lois constitutionnelles de 1867 reconnaissent n aux juifs l’égalité avec les autres citoyens de l’Empire et leur ouvre la voie de l’intégration. En échange, les juifs vont se montrer parmi les plus ardents partisans de l’empereur  François-Joseph. Le territoire de la monarchie devient en outre un refuge pour les juifs persécutés en Russie. Le phénomène migratoire qui entraîne les juifs de Galicie vers Vienne. "Les juifs forment une composante essentielle de la vie de l’Autriche-Hongrie, dont la signification va bien au-delà de leur pourcentage dans la population ; ils sont partie prenante de son développement économique mais également de son rayonnement culturel. Quatre éléments permettent d’étayer la thèse de leur supranationalité : leur omniprésence sur le territoire, leur mobilité, leur polyglossie et enfin leur adhésion à la social-démocratie."


Nous nous intéressons à l’architecture du Staatoper : En regardant à l'avant du bâtiment depuis la rocade, on peut voir la structure d'origine qui a été préservée depuis 1869. Les façades sont décorées dans des arches de style Renaissance, et la véranda du côté du Ring  souligne le caractère public du bâtiment.

Les statues des deux cavaliers à cheval ont été placées sur la façade principale de la loggia en 1876. Ils ont été créés par Ernst Julius Hohnel, et représentent les deux chevaux ailés d'Erato qui sont dirigés par «Harmonie et la Muse de la Poésie».

Sur les arches au-dessus de la véranda se trouvent les cinq statues en bronze représentant, de gauche à droite: héros, tragédie, fantasme, comédie et amour. Sur les côtés droit et gauche de l'opéra se trouvent deux fontaines de Josef Gasser, représentant deux mondes différents: à gauche, la musique, la danse, la joie et la légèreté, et à droite, la séduction, la tristesse, l'amour et la vengeance.

Nous partons du coté de la Karlplatz pour approcher l’œuvre d'Otto Wagner. "Issu de la grande bourgeoisie viennoise, Otto Wagner a reçu une formation dans les règles de l’art classique avant d’entrer, en 1862, dans l’atelier de Ludwig von Förster, un des principaux concepteurs du Ring. Cette vaste artère qui remplace les remparts médiévaux a été voulue en 1857 par l’empereur François-Joseph comme le signe de l’adaptation à un monde nouveau, celui d’une Vienne dynamique dans le concert des nations. La monarchie aura son boulevard, dont les bâtiments monumentaux  sont un amalgame éclectique d’inspirations du passé : gothique, baroque, Renaissance… Les architectes souscrivent à « l’historicisme ». Otto Wagner, qui ne cache pas son admiration pour Michel-Ange, qualifie sa propre inclination de « Renaissance libre »". Il crée ,par exemple, un immeuble sur Stadiomgasse qui prend modèle sur le palais Farnèse à Rome. "Très tôt, il prend conscience du nécessaire glissement vers une autre philosophie de la vie urbaine. Derrière une façade Renaissance, l’immeuble de la Länderbank, en 1882, est une remarquable préfiguration de la Caisse d’Épargne, son chef-d’œuvre de 1912 : plafonds et sols en carreaux de verre, distribution fonctionnelle et modulable des espaces de travail, cloisons légères." Nicole nous propose de visiter le pavillon Otto Wagner.


Wagner était le directeur artistique en chef de la Stadtbahn, un réseau de voies ferrées urbaines conçues et construites au tournant des 19ème et 20ème siècles. Le projet, destiné à desservir une ville en pleine croissance et florissante, a été compromis par la Première Guerre mondiale, l’éclatement ultérieur de l’Autriche-Hongrie et les problèmes économiques qui ont suivi. Les itinéraires Stadtbahn trouvent leur expression moderne dans ce qui est maintenant la ligne de métro U6, la ligne de métro U4 et la ligne de train urbain S45.
Wagner a conçu les nouveaux bâtiments des gares dans un style Art nouveau ainsi que certains ponts le long de la Stadtbahn.

Les deux pavillons situés Karlsplatz ont conservé leur aspect d'origine. En 1898 Otto Wagner construisit, avec son élève Joseph Maria Olbrich, deux pavillons identiques pour la station de métro qui ouvre en 1899,  qui est maintenant connue sous le nom de Karlsplatz. Les pavillons verts et blancs de l’ancienne gare, aujourd’hui espace d’exposition et café l’été, ont été créés en marbre et ornés de gravures en acier doré, et sont de parfaits exemples de l’esprit ostentatoire observé dans l’architecture Art Nouveau. L'exposition, à l'intérieur, est très intéressante. On y voit, notamment la  maquette du Musée municipal Kaiser-Franz-Joseph, Karlsplatz, Vienne, 1900-1909, projet de concours, non réalisé – Otto Wagner


L'exposition propose une importante documentation sur l’œuvre et la vie de Otto Wagner, des photos, des plans et des maquettes. Sur la Karlplatz, on aperçoit le dôme de l'église Saint Charles. L'architecture Jugenstil fait face à la
plus belle église baroque de l'empire austro-hongrois. L’église Saint Charles de Borromée est un monument majestueux qui présente en outre des caractéristiques inspirés de l’architecture italienne du XVII ème siècle. 

Nicole nous conduit ensuite devant le palais de la Sécession." C’est dans le contexte de ce nouveau mouvement artistique, que le palais de la Sécession est construit en 1897 par Joseph Maria Olbrich. Très rapidement le palais devient un lieu de grande importante artistique où se tiennent les grandes expositions viennoises.Afin de penser le design du palais, Olbrich s’inspire du travail de Gustav Klimt qui a déjà imaginé un édifice fait de lignes épurées et précises. La structure du palais reprend celle d’un diagramme cubique, coiffée d’un imposant dôme composé de prêt de milles feuilles de chêne et de laurier forgées dans des branches et recouverte d’une fine couche d’or le tout glorifié par des murs et des piliers blancs.  Au-dessus de la porte, cette devise est proclamée


« À chaque époque son l’art, à l’art sa liberté ! A noter, que le palais de la Sécession fait face à l'Académie des Beaux Arts dont les membres de la Sécession s'étaient séparés en 1897.
1898 voit l'achèvement du bâtiment. Nicole nous conduit ensuite au Naschmarkt qui est entouré, de part et d'autre par les Linke et Rechte Wienzeile. Le Naschmarkt est très cosmopolite, beaucoup d'épiceries orientales tenues par des turcs et des stands hongrois ou bulgares. Les restaurants et les bistrots ont pris la place de beaucoup de stand au point que la municipalité a limité leur nombre pour que le marché ne perde pas son originalité. Au départ de la balade, Nicole nous a dit qu'elle nous ferait une surprise mais, en l'attendant, nous descendons jusqu'à 2 immeubles d'Otto Wagner sur le Linke Wienzeile au 38 et 40.
Otto Wagner  était le propriétaire de ces 2 maisons Linke Wienzeile 38 et 40;, Elles montrent avec éclat son abandon définitif de l'historisme influencé sans doute par  ses jeunes collaborateurs et élèves Joseph Maria Olbrich, Josef Plečnik et Hubert Gessner. La Maison des Médaillons est celle qui m'impressionne le plus. Les médaillons de muses et autres ornements dorés de la façade sont l'œuvre du peintre et décorateur Koloman Moser.

"La Maison aux Médaillons présente, le long de la Linke Wienzeile, une haute et large façade de dix travées comportant un rez-de-chaussée consacré aux commerces et cinq étages. La façade secondaire située Köstlergasse (rue Köstler), beaucoup plus simple, comporte treize travées. La façade principale possède deux longs balcons en fer forgé qui courent sur toute la longueur, l'un au premier étage et l'autre au second. Elle est cantonnée de pilastres ornées de dorures et surmontées chacun, au niveau du toit, de la statue en bronze doré d'une Crieuse, due au talent du sculpteur Othmar Schimkowitz.

La transition entre la façade principale de la Linke Wienzeile et la façade secondaire de la Köstlergasse est assurée par un angle arrondi composé de trois travées dont le premier étage est occupé par une loggia polygonale en fer et verre tandis que le dernier étage est orné d'une belle colonnade prolongée au-dessus de la corniche par des vases de pierre et de bronze contrastant élégamment avec un pignon concave blanc orné de guirlandes florales dorées."

La maison des Majoliques est aussi de Otto Wagner. Elle est mitoyenne de la maison des Médaillons. La Maison des majoliques (Majolikahaus) est un immeuble de style Art nouveau caractéristique de la Sécession viennoise.  La maison doit son nom aux carreaux de faïence qui ornent sa façade, appelés majoliques. Des carreaux de céramique résistants aux intempéries, peints en motifs floraux, comme dans la poterie en majolique. Les décorations florales de la maison aux majoliques sont de Alois Ludwig, un élève de Wagner.C'est à ce moment que la "surprise" de Nicole téléphone. Cinq minutes plus tard, un monsieur s'approche de nous et nous tend la main: " Pierre Avedikian". Le nom ne m'est pas inconnu puisque j'ai travaillé avec Jean Avedikian chirurgien orthopédique et joueur de pétanque de très haut niveau. Pierre est le frère de Jean, originaire de Chanonat, à 20 km de Clermont, le village où Giscard possédait une gentilhommière. Une photo qu'on envoie à Jean pour voir s'il me reconnaît. 

Une porte est ouverte dans la rue perpendiculaire qui permet d'accéder à la cage d'escalier de la maison aux Médaillons. Elle possède des rampes de fer forgé représentant de larges feuilles et de splendides dorures.


Le quartier semble très agréable: une petite ville tranquille au milieu de la capitale et là, un des plus fameux cafés viennois, le café Sperl. Le Café Sperl perpétue la tradition des cafés viennois, des lieux propices à la détente, à l’inspiration mais également à la discussion. Une équipe de télévision y fait une interview. Journaux à disposition, tables de billard, espace aménagé pour les enfants, un piano , une terrasse,ses tables en marbre, ses boiseries, ses banquettes et velours et ses lustres dorés . Nous invitons nos hôtes, le risotto est réchauffé mais le dessert de Nicole semble excellent et le serveur d'une exquise courtoisie.  Nicole veut nous montrer l'ambassade de France? Pour y aller, nous retraversons Karkplatzet nous nous approchons le l'église Saint Charles Boromée, baroque et kitch à souhait.

"Destinée à exalter la relation entre la France et l'empire austro-hongrois du tout début du XXème siècle et à affirmer le rayonnement et la puissance de la République française qui venait d'accueillir l'Exposition Universelle, l'ambassade a été imaginée par l'architecte Georges Chedanne, célèbre par sa réalisation des Galerie Lafayette ou de l’hôtel Elysée Palace. D'une surface totale de 6500 m², le bâtiment a été construit à partir de 1904. Chedanne s'entoura des meilleurs représentants de l'Art Nouveau : Hippolyte Lefèbvre, Binet, Dubois, Vernon, Gasq, Sicard. Les plus grandes manufactures françaises de l'époque furent aussi sollicitées pour l'aménagement intérieur : tapisseries des Gobelins, glaces de Saint-Gobain, mobilier de Tony Selmersheim, cristaux de Gagneau et Daum, escalier de Majorelle."



Nous arrivons au  monument commémoratif à la gloire des soldats de l'Armée Rouge morts lors de la libération de Vienne en 1945. Le socle porte la citation à l'ordre de l'armée rédigée par Staline. C'est le deuxième mémorial Soviétique au monde par sa taille, après la statue de la Mère Patrie à Stalingrad. Un clin d'oeil de l'histoire, un long bandeau aux couleurs de l'Ukraine à l’arrière du mémorial très stalinien.
Nos hôtes nous quitterons au Belvédère mais auparavant nous passons devant un bel immeuble Art Nouveau, le palais Hoyos d'Otto Wagner qui est occupé par l'ambassade de Croatie. Gustave Mahler habitait la maison voisine.  

 

 



Nicole et Pierre nous conduisent au Belvédère dont nous visiterons les collections demain. Nicole nous raconte, en buvant un café, la fabuleuse histoire du prince Eugène de Savoie (1663 - 1736), brillant général et grand amateur d’art, qui commanda à Johann Lukas von Hildebrandt le palais-jardin du Belvédère pour en faire sa résidence d’été, aux portes de la ville.
Cette œuvre d’art totale de l’époque baroque est constituée de deux châteaux (Belvédère supérieur et Belvédère inférieur) et abrite aujourd’hui de nombreux témoignages de l'art autrichien, du Moyen Age à l’époque actuelle.

 "Le prince Eugène se range parmi les plus grands chefs de guerre de l'Histoire. Né Français, il ne rêve que de combats mais le roi Louis XIV lui refuse un commandement. Qu'à cela ne tienne. Eugène s'enfuit de Paris et se met au service de l’archiduc d’Autriche Léopold 1er, en guerre contre les Turcs.

Eugène reçoit un régiment à 20 ans. Bientôt à la tête de l'armée autrichienne, il défait en Hongrie l’armée turque. Son étoile monte au zénith avec le traité de Karlowitz, en 1699, par lequel l'Autriche s'étend en Hongrie et en Transylvanie. Il combat ensuite avec un certain bonheur les armées de… Louis XIV."

Le moment est venu de se séparer de nos charmants greeters que nous espérons revoir à Clermont. L'expérience  de découvrir une ville avec des habitants qui nous font partager leurs bonnes adresses, leurs connaissances et leur coups de cœur hors des sentiers battus a été extraordinaire. Merci Nicole et Pierre.

Nous retournons nous reposer à l’hôtel. Ce soir repas chez Amador.

https://www.lemounard.com/2023/09/vienne-autriche-un-repas-chez-amador.html













 

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