lundi 9 octobre 2023

LE VOYAGE EN AUTOMNE 2023 CHEZ RÈGIS MARCON ET SES FILS

  « Le champignon va presque avec tout, les poissons, les viandes, les gibiers »Jacques Marcon

A notre age, il ne faudrait jamais attendre 11 ans pour reprendre la route de Saint Bonnet le Froid. Nos 2 dernières expériences avaient été fabuleuses : en 2012: https://www.lemounard.com/2012/09/entre-velay-et-vivarais-retour-chez.html

 En 2011 : https://www.lemounard.com/2011/10/voyage-en-automne-regis-et-jacques.html

Depuis longtemps, nos amis parisiens voulaient qu'on les accompagnent déguster la cuisine des Marcon. Lors de nos 2 passages précédents, Jacques avait rejoint son père et aujourd'hui, après la victoire de Paul au Bocuse D'Or France, une triplette Marcon a pris les rênes du Clos des cimes à St Bonnet le Froid. Lors de nos 2 Voyages En Automne, nous avions séjourné au Fort du Pré, un hôtel très bien équipé, à l'entrée du village au milieu des sapins. Aujourd'hui, l'établissement a été repris par la marque Evi Hob. Evi Hob i souhaite redonner vie aux petits hôtels, principalement en zone rurale, en France en les transformant en Hobs. La marque a démarré au sortir de la crise du Covid et le concept semble recueillir un accueil très favorable des touristes. En 2011 et 2012, l’hôtel était très agréable, tout prés du Clos des Cimes de Régis Marcon mais nous trouvions la propriétaire un peu sèche. Elle dirigeait remarquablement l'établissement mais le sourire n'était pas son meilleur atout. Aujourd'hui, l’hôtel est géré par Mélanie, et dès que nous arrivons, le contraste est évident, sourire, disponibilité, elle passe du temps avec tous les clients, les accueille, un véritable bonheur. Le personnel est à l'unisson, en particulier, la dame qui s'occupe des petits déjeuners est qui est absolument charmante et pleine d'humour en plus. L'hotel organise des stages de découverte des champignons autrefois avec Gilles Liège, aujourd'hui avec un autre mycologue.

https://www.lemounard.com/2011/10/stage-de-mycologie-avec-gilles-liege-st.html

Vers midi, nous nous dirigeons vers le Clos des Cimes, lui aussi situé hors du village.  On peut être surpris par le garage couvert qui permet de comprendre que ce plateau haut-ligérien est le domaine de la burle et des congères, les portes se déplient quand la voiture s'avance et se replient dès qu'elle est entrée pour éviter que le vent ne pousse des paquets de neige à l'intérieur. Quand on pénètre dans le restaurant, on est reçu par des gens charmants, on suit une allée de belles planches, puis un jeune femme nous conduit à notre table, d'immenses baies vitrées qui s'ouvrent sur le Vivarais qui commence là où le Velay s'achève, des sucs et des vallées, des forets de hêtres ou de sapins, la roche volcanique, le mont Mézenc au loin...  Tout ici évoque ce terroir entre Ardèche et Haute Loire, les murs en châtaigniers,  la pierre, les luminaires de Véronique Ognard, les meubles de Jacques Mansuy, ébéniste à Vorey sur Arzon, en particulier les tables et les superbes fauteuils à très longs dossiers. Quand on s'installe dans la salle, on remarque l'omniprésence des Marcon père et fils, aujourd'hui Régis et Jacques passent de table en table, un mot gentil, une explication, Jacques sert parfois avec quelques membres du staff. Ils parlent des champignons. Le maître d’hôtel qui s'occupe de nous est charmant et très fin. Beaucoup plus que moi qui, bêtement, lorsqu'il nous demande si nous avons des allergies ou des choses qui nous rebutent, lui dit "les champignons". Avec beaucoup de tact, il me répond que c'est "la première fois de la semaine qu'on lui fait". Une façon très élégante de me renvoyer dans mes 22 mais je ne l'ai pas volé. La sommelière ensuite, nous apporte un superbe livre de cave où le terroir ardéchois est assez bien représenté. Que la fête commence par une balade en foret. Un verre d'un breuvage qui ouvre l'appétit avec un mélange de décoctions végétales du plateau puis l’arbre apéritif, une branche de sapin, rois des forets vellaves, un champignon qu'on cueille et dont on déguste le chapeau et la pomme de pin à saisir. Le chapeau dégage une très forte odeur de sous-bois et c'est le cèpe et  ses congénères qui explosent en bouche. Sur le chapeau quelques fragments de trompettes de la mort. L'ensemble de la table choisit le menu entre Velay et Vivarais, une façon logique de répondre au paysage qui s'ouvre devant nos yeux. On nous propose ensuite 3 dégustations autour de la lentille verte du Puy. La première verrine est remarquable avec de la lentille verte comme un caviar surmonté d'un velouté de champignons, face à la lentille, le vrai caviar.

                                                                 Ensuite, ce sont les cuillères gourmandes. De gauche à droite, la truite arc en ciel au fenouil des Alpes, puis le sarasson truffole, la queue de bœuf marjolaine et un bonbon betterave sureau qu'on gobe en totalité.

    Le sarrasson, onctueux et légèrement acidulé,  cousin éloigné du fromage blanc est un régal. Les truffolles c'est le nom ardéchois de la pomme de terre de St Alban d'Ay. Petit village ardéchois, Saint-Alban d'Ay est l'endroit de France où aurait été cultivée pour la première fois en Europe la plante produisant les tubercules de pomme de terre aujourd'hui encore appelés les truffoles.

Dernier amuse-bouche, un velouté de champignons agrémenté de fleurs de champs et de petits champignons délicieux, les pholiotes de peuplier.

Son chapeau fait entre 5 et 15 cm de diamètre. Sa couleur est jaunâtre à brun sombre, plus sombre au centre du chapeau., il devient plus pâle et crevassé en vieillissant. Il est de forme globuleuse, puis convexe à hémisphérique, en enfin plat à maturité.Le pied est de couleur blanche, orné d’un anneau membraneux, persistant bien développé. Lorsque les spores sont matures, elles peuvent tomber sur le pied et le colorer de brun.Les lames sont blanches ( parfois grise chez des souches cultivés) puis deviennent marron chocolat avec la maturation des spores. Elles sont adnées ( liées au pied) et décurrentes par une dent ( descendes le long du pied). La chair est ferme, compacte et de couleur blanche. Elle a une odeur douce et fruitée. La pholiote du peuplier ou agrocybe cylindracea est un bon champignon comestible. Notre repas sera accompagné par un Pouilly Fumé de Tabordet, les Petites Aubues en 2021. "Ce Sauvignon sur sol calcaire dévoile un nez intense sur une large palette aromatique de notes florales, d'agrumes, de poire et poivre frais. En bouche l'attaque suit une trame droite, aux accents citronnés, puis un milieu de bouche à la structure crayeuse se terminant sur une petite amertume."

Le jeune boulanger passe qui nous propose 3 pains qui se succéderont au cours du repas, un pain complet, un pain aux céréales et un pain de campagne qui sont produits par la boulangerie Marcon, dans le village. Nous goûtons le premier avec un superbe beurre de cèpes.

 

 

 

 

Notre repas suit une logique mycologique, à chaque plat est associé un champignon: Nous commençons par la Russule Belette, Russule Mustelina. Elle accompagne un chaud et froid de grosse langoustine, graines de quinoa et tomates du jardin, eau de fleur de cistre.La cistre est une herbe qui pousse sur le plateau d'Ardèche et de Haute Loire et qui constitue le repas de choix des bœufs Fins Gras du Mézenc. Le cistre, appelé aussi cerfeuil des Alpes, fenouil de montagne ou fenouil des Alpes ( nom botanique : Meum athamanticum) est une espèce de plante herbacée vivace de la famille des Apiacées. Elle est cultivée comme plante ornementale ou comme plante condimentaire pour ses feuilles aromatiques.
Les feuilles, au goût légèrement anisé, servent à aromatiser différents plats : crudités, salades, poissons, soupe de poissons.
Cette russule se caractérise par sa stature robuste, son chapeau toujours brun à brun-jaune, ses lames crème, élastiques au début, son pied compact, presque dur, la fermeté de sa chair et sa saveur douce.
À maturité, son pied creux à cortex rigide est typique. Quand on cherche des cèpes, elle est souvent à l'origine d'une fausse joie, on croit débusquer un cèpe et quand on retourne le champignon, on aperçoit des lamelles et pas des pores.
J'ai apprécié, dans ce plat où elle est servie crue, sa chair très dure, presque croquante (comme la courge crue). La langoustine, de taille respectable est juste cuite comme j'aime.

Le cèpe, rois de nos forets, arrive ensuite avec sa reine, l'oronge, amanite des Césars. Le cèpe de Bordeaux, Edulis est servi, très épais, un découpage qui surprend: il est juste snacké: en bas de l'assiette, un cèpe de feuillus, en haut, un edulis cueilli dans les résineux. Jacques Marcon nous demande de remarquer la différence. Le champignon prend les saveurs de la racine avec laquelle il pousse en symbiose, un peu comme le vin possède les saveurs de son terroir. Madame Brioude, à Neyrac, la mère de Claude dit qu'elle sait reconnaître un cèpe de châtaigniers, d'un cèpe de sapin et qu'elle refuse tous cèpes qui ont poussé dans les résineux. Nos cèpes sont servis avec une fine lamelle d'oronge crue. Les courgettes du jardin sont accompagnées d'agastache et d'un sabayon au  goût grillé. En théorie le cèpe d'épicéa est plus ferme, celui de feuillus plus onctueux. Pour ceux que je déguste, j'éprouve plutôt la sensation inverse. Ils sont juste snackés, un délice pour qui aime les manger en carpaccio. Les oronges proviennent de la Drome car elles ne poussent pas sur ce sol volcanique bien que 'en trouve sur Montpezat et Neyrac au pied des volcans. voir:

 https://www.lemounard.com/2018/08/amanita-caesarea-les-oronges-de.html

Gambonnet c'est   le lieu-dit  qui, par son exposition et son climat, était idéal pour créer le jardin potager de Régis Marcon. L’agastache  est une plante vivace herbacée originaire d’Amérique du Nord dont le feuillage ressemble à s’y méprendre à celui de l’ortie, mais il ne pique pas. Elle est assez rustique (-10 à -12°C) et porte différents noms tels qu’agastache fenouil ou hysope anisée. Avec son port buissonnant, l’agastache se remarque surtout par ses épis terminaux dressés de fleurs tubulaires de couleur mauve, bleue voire blanche, dégageant une forte odeur anisée avec une note de réglisse, du fait de l’estragole, le composé aromatique qu’elle contient. D’ailleurs, les insectes pollinisateurs la courtisent et les abeilles donnent ainsi au miel un petit goût d’anis. 

L'atmosphère de la salle est très agréable, un service pas guindé, mais très professionnel. Les serveurs sont détendus, souriants et plaisantent entre eux. Un maître d’hôtel semble plus rigoureux, le genre de personne indispensable qui sait d'un seul regard remettre les choses en ordre. J'observe un coup d’œil autoritaire qu'il lance à une jeune serveuse qui n'a pas disposé mon assiette comme il sied. Régis et Jacques Marcon sont  partout, toujours sereins et bienveillants. Leur autorité c'est leur talent, ils ont l’œil sur tout.

Autre plante utilisée par le clan Marcon, le géranium odorant. Le champignon est le Pied de Mouton (Hydnum Repandum) servi avec un ragoût de moules de bouchots du Mont Saint Michel et des carottes fondantes dans une infusion de Géranium odorant. Le géranium a un parfum de  mélange provençale avec un fond de cyprès très prononcé.

C'est le moment choisi pour nous présenter le plateau de champignons. On t retrouve des girolles, des chanterelles grises, le sparasis crépu improprement appelé la morille d'été, le gomphide glutineux qu'on doit éplucher, le cèpe de Bordeaux, la nonnette voilée, l'amanite vaginée, la russule belette, la trompette de la mort, la golmotte...

Puis nous sommes invités à passer en cuisine: impressionnant, une brigade de 24 cuisiniers et pâtissiers, la plonge, le garde-manger. C'est un orchestre symphonique et chaque musicien suit s partition. Au premier plan, 4 cuisiniers qui s'occupent de la présentation de chaque plat, selon un dessin que le chef a produit. Puis nous passons dans la cave. Au milieu une table immense avec en incrustation la vallée du Rhône et les cotes du Rhône. Jacques Marcon vient nous dire que le plat suivant va être servi. C'est le Sparasis crépu qui est en vedette. Le Sparasis ou chou-fleur est un champignon volumineux qui pèse de 500g à 20 kilos. Le problème principal est de bien le laver car les aiguilles de pins, les insectes, le sable ou la terre s'incrustent dans ses circonvolutions multiples.  Il est servi avec un omble chevalier étuvé à la feuille de verveine (du Velay) et couvert de graines de courge torréfiées, les premières courge,avec un jus aigre doux.

Ensuite, pour digérer vient le thé aux champignons avec la tanaisie. La tanaisie commune (Tanacetum vulgare) est une plante aromatique que l’on retrouve à l’état sauvage. C'est aussi la plante dont les voisins de Rosemary font des infusions qu'ils donnent à la future maman pour engendrer un monstre dans le film de Polanski. Le Thé de champignons à la feuille de tanaisie,  réunit en une seule recette les deux passions du chef, les champignons et les herbes. C’est un consommé concentré de saveurs forestières unique, relevé du parfum camphré de cette herbe amère proche de l’absinthe. C'est un classique de la maison. Autrefois, les champignons utilisés étaient des craterelles, aujourd'hui, je ne sais pas.

Pour la suite, viande et fromages, je choisis un grenache pur des sœurs Saladin à St Marcel d'Ardèche en 2020.  "Cette cuvée parcellaire provient du lieu-dit "Haut Brissan" qui est le plus haut plateau du village de Saint Marcel d'Ardèche. Il s'agit de vieilles vignes de grenache sur un sol de galets roulés dont le rendement est faible. Un jus gourmand et intense émane de ce vin de velours qui tapisse le palais avec finesse et équilibre."On a un vin rouge avec du fruit, de la finesse, des notes de réglisse, beaucoup de rondeur, d’équilibre et de longueur en bouche.

La plat suivant s'intitule Retour de Cueillette car, je suppose que la volaille est accompagné par les champignons trouvés au hasard des pousses. Il s'agit d'un suprême de pintade des frères Raymond, fumé aux baies de genévrier et brocolis avec une rissole de cuisses confites. 4 champignons constituent la cueillette du jour: girolles, golmotte (amanite rougissante), coulemelle et chanterelles grises













3 propositions pour les fromages d'Auvergne et d'Ardèche affinés par la maison Marcon.

Le maître d’hôtel conseille le fromage travaillé par le chef, ce que choisit Martine: un fromage de brebis d'Auvergne . Catherine opte pour la faisselle avec différents coulis et le reste de la table choisit le plateau de fromage. Le Saint Nectaire est remarquable, le Salers plus qu'honorable, bonne tome de Valcivière.

Ensuite, un délicieux pré-dessert, des figues avec un sorbet avant un festival de mignardises avec tartelette de saison, un chou à la myrtille, le mont Anis parfumé à la verveine et pas à l'anis (le mont Anis est un des promontoires du Puy), sucette glacée, pâtes de fruit, caramel beurre salé,baba orange amère, fruits de saison,macaron aux cèpes.



Les desserts pour conclure. Nous sommes 4 à rester dans le champignon avec Pomme et morille: La pomme "Initiale rôtie au caramel de morille avec une crème glacée à la vanille. la pomme Initial est une variété Aromatique : croquante, juteuse, légèrement acidulée.

 Pierre choisit la poire William préparée en plusieurs textures, infusion et praliné de noix de Saint Jean. Noix de la St Jean est un apéritif à base de vin rouge, d’alcool, d’infusion de noix vertes concassées et de brou de noix séchées, d'épices (cannelle, girofle, poivres, noix de muscade), de sucre et de distillats. Les noix vertes du Dauphiné cueillies à la St Jean et broyées à la main, la muscade et la cannelle donnent à cet apéritif ses arômes épicés et fruités.








Nous passons prendre le café au salon, chocolat aux cèpes et cerises à l'eau de vie. Chaque passage dans cette maison est une symphonie, la qualité est toujours au top, l'ambiance de la salle est toujours sereine, c'est un endroit où nous avons toujours le même plaisir à déguster. On peut déplorer, comme partout en France, hélas, le manque de tenue d'une partie de la clientèle qui vient ici en tenue de travail ou en habits de randonneur. C'est une sorte d'irrespect pour les gens qui prennent soin de nous avec une élégance sans fausse note. Les gens désacralisent tout, venir dans cette belle maison, c'est une sorte de rituel, de cérémonial auquel on devrait consacrer un minimum de tenue.

 Ce qui frappe dans cette maison extraordinaire, c'est la transmission: beaucoup de grands chefs ont fait leurs classes ici, Jacques Décoret, Christophe Roure et beaucoup d'autres, Serge Vieira , décédé cette année auquel Jacques Marcon a succédé, aujourd'hui Paul Marcon et toujours le meme plaisir de passer 4 heures à table face à ce paysage grandiose.

 Retour au Fort du Pré, petit tour dans le bois au dessus, quelques golmottes, un cèpe, des chanterelles grises, quelques bolets bais. Le petit déjeuner au Fort du pré est un moment de félicité, la dame de la Réunion qui s'occupe de nous, est adorable, son sourire, celui de Mélanie. Retour vers l'Ardèche par le Mézenc et le Gerbier. Ce plateau est superbe et nous donne envie de revenir sous la neige, quand il fait beau et que la burle nous épargne.

 

 

 

 

 

 

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