vendredi 1 septembre 2023

VIETNAM, NINH BINH, LE SANCTUAIRE DE BAI DINH, MÈGALOMANIE ET DÈMESURE D'UN OLIGARQUE




 Avant notre retour sur Hanoï pour prendre le train de nuit en direction de Lao Cai pour aller visiter les ethnies du Nord-Vietnam, nous consacrons l'après-midi à la visite du gigantesque sanctuaire bouddhiste de Bai Dinh. Hier soir, sur la route, nous sommes passés devant un château, le Lâu Đài Thành Thắng  construit par un entrepreneur, cimentier, dans les faubourgs de Ninh Dinh, une entreprise titanesque et mégalomaniaque d'un businessman richissime. C'est le même homme, Hoang Manh Truong, qui s'est lancé dans le chantier pharaonique du sanctuaire de Bai Dinh.

La province de Ninh Binh, ancienne capitale impériale du Vietnam au 10e siècle, est dotée par la nature d'une ressource abondante de matériaux de construction tels que chaux, argile... Conscient des potentiels, Hoang Manh Truong , originaire de cette province, a décidé de construire une cimenterie sur sa terre natale.

Le premier forage d’exploration a été fait le 25 octobre 2005 dans la commune de Gian Khau, district de Gia Vien. Un événement remarquable pour les quelque 2000 employés du groupe Hoang Phat - Vissai. Peu de temps après cet événement, la première chaîne de production de la cimenterie Vinakansai (aujourd'hui cimenterie The vissai Ninh Binh) a vu jour, avec des technologies japonaises. Une usine d’une capacité de 0,9 million de tonnes par an. En mai 2007, après deux ans de construction, les premiers sacs de ciment de marque Vissai sont apparus sur le marché. 

Au Vietnam, l'entreprise occupe une position quasi-monopolistique raflant tous les marchés et faisant de son propriétaire l'homme le plus riche et peut être le plus influent du pays.  Le ciment Vissai a été utilisé dans des projets stratégiques tels que la centrale hydro-électrique de Son La, le Centre national des conférences de My Dinh, la tour Keangnam Hanoi, le projet de digue côtière de Binh Minh (province de Ninh Binh) et le Plaza Ninh Binh (18 étages). Fin 2010, un partenaire de Hong Kong, Peakward Enterprises Holding, a signé un contrat d’achat de 300.000 tonnes de clinker, d’une valeur d’un milliard de dôngs. Récemment, un partenaire du Bangladesh a signé un contrat d'achat de 1,2 million de tonnes de ciment Vissai pour la construction d'un bâtiment de 80 étages. Cette situation suscite certainement des jalousies, des haines,  Il n'y a pas loin du Capitole à la Roche tarpéïenne ? Il est très difficile de trouver trace de l'homme d'affaire sur internet, ses rapports avec le parti, ses amitiés et ses soutiens politiques, ses liens avec les dirigeants qui ont été destitués ces derniers temps. Il semble que l'homme est discret en affaire bien que son château et le sanctuaire soient légèrement clinquants. Il préside aux destinées du club de foot de Ninh Binh. Selon l’indice de perception de la corruption déterminé par Transparency International, en 2020, le pays se retrouvait avec 36 points sur 100, ce qui le situe à la 104e place sur 180 mais impossible de trouver sur le net une quelconque exposition de ce monsieur dans les affaires de corruption qui ont conduit au changement du président et de 2 vice-premier ministres. Quand on arrive sur le parking du sanctuaire, nous sommes surpris par la faible affluence. On doit emprunter un système de navettes pour accéder au site. La porte Tam Quan de la pagode Bai Dinh est imposante, majestueuse avec deux grandes statues en bronze des gardiens du bon et du mal du Dharma. Elle porte un souffle extrêmement majestueux de l’ancienne culture.

La pagode Bai Dinh est  l’une des plus grandes pagodes du pays et l’un des centres religieux les plus importants du bouddhisme au Vietnam. Le complexe de la pagode Bai Dinh s’étend sur une superficie de plus de 500 hectares, ce qui en fait l’un des plus vastes complexes religieux d’Asie du Sud-Est. Il est divisé en deux zones principales : la zone ancienne et la zone nouvelle. La zone ancienne de la pagode Bai Dinh abrite plusieurs temples et sanctuaires datant de la dynastie des Le antérieurs, qui régnaient sur le Vietnam entre 980 et 1009. Cette zone est considérée comme un site historique important du Vietnam et a été restaurée à plusieurs reprises. La zone nouvelle de la pagode Bai Dinh est plus récente et a été construite en 2003. Elle comprend de nombreux bâtiments modernes, dont la pagode principale de la pagode Bai Dinh, qui est considérée comme la plus grande pagode d’Asie du Sud-Est. Cette pagode est impressionnante avec ses toits dorés et ses colonnes imposantes, elle mesure 22 mètres de haut et a une circonférence de 100 mètres. Les descriptions de ce sanctuaire sont superlatives et me rappelle la mosquée du sultan Qaboos à Mascate. Ici comme là-bas, tout est plus grand et le sultan comme le tycoon du ciment aspirent avant tout à figurer au Guiness. C’est tout simplement la pagode de tous les records ! Elle a été désignée comme la plus grande pagode du Vietnam et de l’Asie du sud-est. En plus de posséder ce titre, elle détient 12 records nationaux : la plus grande cloche en cuivre, la statue de Sakyamuni le plus haute et massive, les trois plus gros Bouddha en cuivre (du passé, du présent et de l’avenir), le plus long couloir d’arhats…


De l’ancienne pagode à la nouvelle, il faut emprunter une piste d’un kilomètre. Construite en 2003, la pagode trône sur le versant de la colline Ba Rau, face au lac Dâm Thi et à la rivière Hoàng Long, une position idéale selon les règles géomantiques. Cinq cents statues d’arhats sont installées le long des deux couloirs menant les visiteurs depuis le portail principal jusqu’au sanctuaire des Bouddhas du passé, du présent et du futur. Ces deux couloirs, qui se rencontrent devant l’entrée du sanctuaire, mesurent chacun 1.700 m, symbolisant le chemin vers l’illumination des arhats. Il s’agit du plus long chemin d’arhats de toute l’Asie. Dans le bouddhisme, un arhat est un être qui s'est libéré par ses mérites du cycle des existences conditionnées (samsara), mais sans avoir atteint l'état de bouddha.  Le couloir est construit avec 500 statues monolithiques d'Arhat en pierre verte fabriquée par les artisans talentueux de Ninh Binh. Chaque Arhat a une apparence différente, représentant clairement toutes les émotions des hommes : la joie, la colère, la satisfaction, la frustration…La nouvelle pagode de Bai Dinh comprend plusieurs temples bouddhistes repartis en niveaux et pavillons, la tour de la cloche et un stupa bouddha monumental qui veille sur les mortels de sa colline.

L’édifice central a un sanctuaire principal  précédé du Hall des cérémonies , sorte de péristyle où l’on officie. Le sanctuaire principal comporte des gradins sur lesquels  sont placées des statues. Près de la toiture siègent à la première rangée les Trois statues  représentant le Passé, le Présent et le Future, ou les Trois Corps de Bouddha. Au deuxième rang figure Amitabha (A Di Ðà), Bouddha de la Terre Pure (Tinh Đô) du Paradis de l’Ouest, dont la statue est même plus grande que celle de Çakyamuni, le Bouddha historique. Amitabha est flanqué de deux "aspirants-bouddha" ou bodhisattvas (Bô Tát).

À partir du troisième rang, la disposition des statues varie souvent selon les pagodes. Mais on peut identifier les principales qui sont : Le Bouddha historique ou Çakyamuni (Thích Ca Mâu Ni), qui vécut dans l’Inde au VIe siècle avant J.-C. Çakyamuni peut être représenté en même temps sous d’autres formes et placé sur des gradins différents : nouveau-né entouré de neuf dragons, moine ascétique assis n’ayant que la peau sur les os (au Mont Tuyêt Son ou Himalaya), moine couché sur le flanc gauche avec la tête reposant sur le bras gauche replié (entrée au Nirvana).

 

 

 


Le Bodhisattva Di Lac (Maîtreya) de l’Avenir, futur successeur de Çakyamuni. Il est représenté comme un homme gros au large sourire, à la poitrine nue, l’air satisfait parce qu’il est délivré des soucis humains.


Bodhisattva féminin Quan Âm ou Quan Thê Âm (Avalokitesvara), déesse de la compassion universelle. Elle est debout à côté d’Amitabha, et à part, sous forme d’une divinité dotée de "mille bras et de mille yeux", ou d’une femme tenant un enfant dans ses bras (Quan Âm Thi Kính, martyre essentielle vietnamienne).

Les Génies gardiens du sol et de la pagode qui peuvent être placés aussi dans le Hall des cérémonies.

Trois Génies taoïstes égarés dans la pagode : Ngoc Hoàng (Empereur du Ciel), Nam Tào (qui préside à la naissance) et Bac Đâu (qui préside à la mort).

Huit Bodhisattvas Kim Cuong (Diamant), terreur des esprits malfaisants.

Dans le Hall des cérémonies , on trouve : Deux Génies géants  gardiens de la Loi bouddhique, nommés "Monsieur le Bien" (qui encourage le bien) et "Monsieur le Mal" (qui punit les méchants).





Swastika, la Croix Bouddhiste avant d'être "la Croix Gammée des nazis. Tout comme les hindous, les bouddhistes ont également utilisé la croix gammée pour marquer le début des textes bouddhistes car ils la considèrent comme un symbole d'harmonie universelle, de prospérité, de pluralité, de bonne chance, d'abondance, de dharma, de fertilité, de longue vie, d'éternité. Dans différentes parties du monde, le bouddhiste donne une signification différente à la croix gammée. Par exemple, au Tibet, la croix gammée était une représentation graphique de l'éternité. Il y a 65 symboles prometteurs sur l'empreinte du Bouddha et la croix gammée est considérée comme la première. Vous pouvez également trouver le symbole de croix gammée imprimé sur le corps, les paumes, la poitrine ou les pieds du Bouddha. Il est utilisé pour marquer le début des textes sacrés ou comme décoration vestimentaire. Les bouddhistes en Inde, considèrent la croix gammée comme "Le Sceau sur le Cœur de Bouddha".



La tortue

C’est un animal sacré omniprésent dans la mémoire des hommes et des civilisations. Elle a toujours été un symbole de longévité et de sagesse. Cela tient bien sûr à sa très longue durée de vie et à sa nonchalance, mais aussi à sa discrétion face aux événements qui rythment le monde. Sa carapace symbolise la voûte céleste et ses quatre pattes sont les quatre piliers du monde. La tortue est considérée comme un véritable fil reliant le Ciel et la Terre. Elle apparaît souvent sous la dynastie des Nguyên.



 



Statue de Bouddha, la plus grande et la plus lourde des statue en bronze au Vietnam.



En quittant le sanctuaire de Bai Dinh, on suit une allée avec des statues de mandarins et leurs chevaux. Elles évoquent celle de la cité impériale de Hué, ou celle de la Voie des Esprits dans les tombeaux Ming près de Pékin. De près l'expression des visages rappellent ceux de l'Armée Enterrée à Xian. Le Stupa de Xa Loi émerge à peine de la brume.Ce stupa est l'endroit de conservation des reliques du Bouddha rapportées d'Inde et de Birmanie. Avec 13 étages d’une hauteur de 100 m, un ascenseur et 72 marches, il est considéré comme le plus haut stupa d'Asie du Sud-Est.

Sur la route de Hanoï, on fait un rapide arret devant le palais de  Lâu Đài Thành Thắng  construit par  Hoang Manh Truong. Il est le symbole de la mégalomanie du personnage. Il est à l'image de Bai Dinh, pharaonique, gigantesque comme une attraction de Las Vegas ou un Dysneyland asiatique.


Je ne serais pas surpris d'apprendre un jour la chute de l'oligarque avec la destitution des personnages importants du régime et du parti. C'est un exemple étonnant d'une réussite capitaliste dans un régime communiste et du phénomène religieux dans une société matérialiste.









 






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