Deuxième étape gastronomique à Vienne, Steirereck. J'ai choisi cette table en lisant sa description dans "Les grandes tables du monde": "Lové
dans le plus beau parc de Vienne, le Steirereck est une maison comme on
les rêve, élégante et racée, lumineuse et chatoyante, vouée au culte du
goût sous toutes ses formes. Pour s’assurer la meilleure qualité de
produits, le chef s’approvisionne dans sa propre ferme. Il a également
ouvert un bar à lait design situé au sous-sol du restaurant. Une
harmonieuse modernité fondée sur des ingrédients d’une extraordinaire
fraîcheur." Cette définition, après l'expérience que nous avons vécu, me semble d'une partialité douteuse qui confine à la malhonnêteté. Nous arrivons par le tram qui nous dépose directement de l’hôtel au Stadtpark. Le Stadtpark est un parc charmant, de style anglais, d' une superficie de 65 000 mètres carrés. La rivière Wien traverse le parc et de petits ponts la franchissent. Une statue en bronze dorée, Johann Strauss fils, compositeur des célèbres valses viennoises est la star du Stadtpark.
"Pour qui est sensible à l’architecture et au design contemporain, Steirereck s’avère offrir l’un des plus beaux cadres de restaurant urbain au monde. En 2014, le studio d’architecture PPAG a ouvert le lieu en direction de l’extérieur. Le parc se reflète dans les façades extérieures en métal et en verre, permettant au à l'édifice de se confondre dans son environnement extérieur. À l’intérieur, le minimalisme apparent dévoile un lieu baigné de lumière naturelle où les arts de la table sont sublimés avec sobriété. Tout ceci est extrêmement bien fait, permettant de profiter de conditions de dégustation optimales."
Nous sommes reçus, plus qu'accueillis par un maître d’hôtel qui nous conduit à la table. Le lieu est superbe mais manque de chaleur, et le service ne fait pas monter la température. On nous propose de suite une coupe de Brundlmeyer extra brut. "Des notes d'amande et de noisette, de chèvrefeuille et de pomme en guirlande d'héliotrope et de coing éclairent le nez ainsi qu'un vin subtilement crémeux, soyeux et clair."
En toute honnêteté, je n'ai pas bien distingué la guirlande d’Héliotrope. Par contre, rien pour accompagner. Au bout d'un moment,coupe vide, on nous apporte beurre et terrine mais pas le pain qui vient beaucoup plus tard. L'homme chargé du pain est le seul bavard de l'équipe de salle. Il pousse un énorme charriot couvert de miches noires ou blanches, du seigle, du sésame, du lin et sa description est une logorhée sans fin. On choisit 2 pains, au hasard. Les amuse-bouche viennent plus tard. Leur présentation est ésotérique et, en fait, on ne sait pas vraiment ce qu'on mange.Les 3 amuse-bouche proposés évoquent l'Exposition Universelle de Vienne en 1873.Les chefs du Steirereck se sont inspirés des lieux les plus importants associés à l’Exposition universelle de Vienne et ont créé des petites bouchées et des petits-fours. Les bouchées sont servies en entrée avant le repas, tandis que les petits-fours sucrés apparaissent en fin de menu. Un apéritif utilise le Musée autrichien de la vie populaire et des arts populaires (Volkskundemuseum) comme thème et s'inspire largement de la cuisine japonaise et du soja. Pourquoi donc? Le Japon s'est présenté au monde pour la première fois à grande échelle lors de l'Exposition universelle de Vienne en 1873. Parmi les produits présentés pour la première fois au monde figurait le soja. Le second glorifie Jarosinski et Vaugoin, orfèvres viennois qui ont été exposés à cette occasion en 1873.C est l’un des derniers orfèvres au monde
à produire à la main des couverts, de la vaisselle, des décorations,
des vases, des articles de poche, des cadres et des bijoux. Le macaron rouge honore la Rotonde qui était la structure centrale de l'exposition et qui a été détruite par un incendie en 1937. A sa place s'élève aujourd'hui le campus de l'Université d’Économie et des Affaires construit par Zaha Hadid. Beaucoup de baratin pour des bouchées qui ne nous ont pas spécialement éblouis.
Le menu dégustation laisse le choix entre 2 options pour chaque plat. La seule chose que j'ai remarqué favorablement dans le service, c'est que le maître d’hôtel a enregistré nos choix, différents souvent sans prendre de note. Les petites cartes descriptives accompagnant chaque plats décrivent ce que nous allons manger mais suppriment toute relation avec la personne qui nous sert. Ce parti pris permettrait d'éviter que le service et la présentation des plats rompent la conversation des convives. En fait, cette idée, que d'aucuns trouvent séduisante, détruit la relation qui se crée entre le service et les clients. hier soir, par exemple, nous avons beaucoup échangé chez Amador avec les gens qui nous prenaient en charge et qui nous expliquait la subtilité de chaque plat malgré la barrière de la langue.
Le sommelier intervient ensuite. Le genre de mec qui n'a pas la notion de plaisir. Pale, triste comme s'il venait de célébrer des funérailles au cimetière central. Un sommelier c'est joyeux, jovial, sensuel(c'est pour ça que j'aime mieux les sommelières.)Il me propose un Riesling Mayer am Pfarrplatz en 2016. Je lui dis aussi de repasser me voir au moment du pigeon pour que je choisisse un verre de rouge.
"De tendres notes d'écorce d'orange rendent ce vin évocateur. En bouche, des notes piquantes de citron soulignent son caractère vif. Il est élancé, rafraîchissant et mur mais sec. La longue finale est surchargée en citron. C'est un vin charmant.
Le repas débute par les coques. A noter que, malgré la lourdeur de l'addition, a aucun moment le repas ne va comporter un produit noble. Les coques sont accompagnées de pastèque, shiso et de pâtisson jaune. les coques sont braisés avec du vermouth et de l'anis, la pastèque est conservée et séchée avec le shiso. Le shiso se situe entre la menthe et le basilic, autant pour son goût (avec des notes de cumin, gingembre et cannelle) que pour sa forme. Le bouillon est une émulsion coques-pastèque où on a ajouté une huile de shiso (ou pérille). C'est bon mais , à mon humble avis, indigne de la dizième table du monde au classement des 50 meilleurs restaurants du monde. Le chef déclare: "j’ai revu entièrement l’approvisionnement pour me concentrer uniquement sur des produits locaux. Des poissons de lacs autrichiens plutôt que du turbot importé, de la viande d'éleveurs locaux pour remplacer fournisseurs des quatre coins de l'Europe."
Les locavores militants des ayatollahs, finissent par nous pourrir la vie. On ne vient par dîner ici chez Sandrine Rousseau. " les locavores". Les membres de cette tribu ont fait vœu de ne manger que des produits locaux. Adieu café, riz, chocolat et huile d'olive :tout ce qui n'a pas été produit, préparé et emballé dans un rayon de 160 km est interdit de séjour dans les assiettes. Après les délocalisations, voilà la re-localisation ; le retour au potager, dans l'espoir de limiter les émissions de gaz toxiques. La réinvention de la roue, diront certains. Un nouveau signe, quoi qu'il en soit, du grand trouble existentiel qui a saisi les champions de la mondialisation."
Dans le domaine du manger local, on va atteindre le summum avec le Tournesol. J'adore le Tournesol quand c'est Van Gogh ou Klimt qui l'exécute comme celui du Belvédère. Quand c'est HEINZ REITBAUER qui le propose,
la colère monte sourdement en moi. Au 17ème siècle, on utilisait les grains de tournesol comme substitut du café ou du chocolat avant que l'usage de l'huile se développe au 19ème.
Le réceptacle de la fleur est frit de façon à croustiller. Dans la coupe, il y a des patates douces confites et grillées dans un beurre brun, des champignons des près (marasmes? rosés?),des carottes, du fenouil et des tomates avec des tiges de tournesol. Sur les pétales, un yoghourt au curry. Il y a aussi du souci, des feuilles de curry, de l'huile de curcuma, de l'hysope, une sauce aux haricots jaune. Forcé
ment, il y a beaucoup de technique, un travail de dingue pour un résultat gustatif contestable. Mais tout est local puisque le chef cultive son jardin. Ce qui fait rire (jaune) a posteriori c'est qu'il y a dans cette assiette marasme et souci. Un façon cynique pour le chef de me prendre pour ce que j'espère je ne suis pas.
Catherine choisi l'aubergine Rosa Bianca. Cette variété produit des fruits ronds; L’épiderme est rose-lavande marbrée de blanc et la chair ferme offre une saveur appréciée. L'aubergine qui a mariné dans un sel de fraise et de citron, est grillée. Rentrent aussi dans la recette, des navets de mai, de l'orache rouge et du vert de moutarde. Autour des aubergines, une émulsion de poivre n de l'huile de café, un jus de fraises Mieze Schindler mélangé à un jus de tomate. Ces fraises présentent la particularité de n'avoir que des fleurs femelles qui nécessitent pour être fécondés de se trouver près d'une autre variété de fraises qui transmettra son pollen. Après 2 plats, notre sentiment est plus que mitigé et nous nous interrogeons par quel mirage ou aveuglement, ce chef a pu être classé 10ème dans les listes des World Best 50? Rien de ce qu'on nous a servi n'a déclenché la moindre réaction d'enthousiasme ou d'étonnement.
Maintenant, voici le brochet du lac de Constence avec ses fleurs de courgette, physalis, sarriette- citron. Pour moi, le brochet est correctement grillé, sa peau est croustillante mais Catherine trouve un excès de cuisson. Les fleurs de courgette sont fourrées de lentilles jaunes, de très jeunes courgettes lilliputiennes sont marinées puis rôties, les pistils des fleurs ont été prélevés et des courgettes ont été grillées dans une sauce au beurre parfumée d'une huile sarriette-citron., La sarriette-citron est une variété hivernale dont l’arôme se rapproche du thym-citron, elle peut etre utilisé comme substitut du poivre.Catherine choisit le jeune artichaut avec bergamote,velouté de poulet et ortie. Les jeunes artichauts sont rôtis au Madère et huile de chardon. Entrent dans la recette, les orties, un tartare d'aubergines rôties avec des poivrons, de jeunes artichauts conservés dans un mélange d'earl grey et bergamote, des amandes vertes, des feuilles de câpre, des chips d'ortie, de l'oseille romaine, du thym bergamote et un velouté de poulet parfumé à la bergamote. On est étonné par le nombre d'ingrédients et de composants entrant dans la recette qui ne donne, pourtant, rien de transcendant.Pour ma part, je me suis laissé tenter par le plat suivant qui comporte des cèpes. Si Régis Marcon devait donner son avis sur cette utilisation du cèpe, nul doute qu'il serait sévère. Le cèpe a ici la portion congrue, quelques dés et basta. le plat se présente sous la forme d'oignon blancs marinés dans l'abricot et l'huile de chardon, encore. L'oignon est farci d'un mélange cèpe, abricot, poireau avec du concombre et des agrumes de l'Orangerie de Schonbrunn, ravioli à la vapeur, herbes des près et beurre blanc au foin fermenté et aux herbes.Pour le pigeon, théoriquement, le sommelier devrait venir me demander quel verre de vin rouge me ferait plaisir ... Visiblement, il a oublié et je n'ai pas envie de lui rappeler, je m'en passe. On nous apporte une poitrine de pigeon a peine saisie, plus rosée tu meurs. Il a été rôti (très brièvement) avec une confiture de limequat (un hybride citron-kumquat) de Schoenbrunn. Il est présenté avec du fenouil braisé dans son jus, des graines de fenouil caramélisées, une sauce à partir des abats du pigeon, une herbe le bronce fenouil, des jeunes pois, de jeunes fenouils braisés, de jeunes radis, les herbes du jardin de Steirereck, des groseilles séchées et un jus fermenté de groseilles. Pour Catherine, ça revient pratiquement a manger de la viande crue... Steirereck fait très fort.
La complexité de chaque recette me confond. pourquoi faire si compliqué pour rendre le client à ce point mécontent ?Le clou de la soirée arrive avec le dessert qu'on propose à Catherine pour remplacer le dessert du menue. On lui apporte des crêpes au chocolat. On lui servirait un yaourt ce serait déplacé mais ça aurait le mérite de signifier vous m’emmerdez. Là c'est pire, puisqu'on lui propose le dessert de la crêperie bretonne du coin, chez qui c'est parfaitement louable. Là, les crêpes sont au prix du caviar. Si ce n'est pas du foutage de gueule caractérisé, que faire de pire.
Pour moi, le vrai dessert, les fraises avec lait de chèvres, amandes vertes et sarriette, nèfles. C'est pas trop mal. le lait de chèvre est mélangé à un caillé de noyaux d'abricots. Les fraises sont infusées dans un verjus de monarde (la bergamote, je crois).
Un sorbet au yaourt de lait de chèvre couronne le tout.Les mignardises sont réduites à leur plus simple expression. Elles ont aussi un rapport avecle 150ème anniversaire de l'Exposition Universelle. Le sommelier qui ne se marre jamais, apporte l'addition et suggère de rajouter un TIP à l'addition que je trouve d'autant plus prohibitive que j'ai trouvé cette table nullissime. Pour le pourboire, je ne moufte pas, le sommelier semble encore plus sombre que d'habitude. C'est le seul moment de la soirée qui nous a provoqué un rire et un bonheur franc et massif. Leur faire comprendre qu'on n'a pas apprécié ce moment.
Difficile de comprendre les 2 étoiles Michelin autrement par un phénomène de mode, de politiquement correct, le chef est locavore donc il est bon. Je comprend encore moins que Steirereck figure dans les 50 world Best. Nous en connaissons quelques uns: Azurmendi à Bilbao, Paul Pairet à Shangai, Calogreco à Menton, La Place du Dôme à Alba...Ce sont des chefs qu'on a adoré, je pense que Steirereck est une incroyable imposture. Cette cuisine ne procure aucun plaisir, elle me fait penser à la musique de Schoenberg, ou au théatre de Brecht. On s'emmerde et on le paye très cher. Pour mémoire, la vraie grande table de Vienne: Amador.
https://www.lemounard.com/2023/09/vienne-autriche-un-repas-chez-amador.html
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