jeudi 24 août 2023

VIETNAM, HANOI, MUSÈE ETHNOGRAPHIQUE


 Avant de prendre la route pour la baie d'Halong terrestre, nous faisons une sorte de voyage dans le voyage pour visiter le musée ethnographique de Hanoi rue Nguyen Van Huyen, arrondissement Cau Giay. Un peu éloigné du centre de la ville, ce site est le fruit de la coopération franco-vietnamienne. Ce monument fut construit en 1987 et inauguré en 1997 lors du Sommet de la Francophonie en présence du Président  Jacques Chirac. La collaboration entre deux architectes vietnamien et français a produit un musée original et remarquable où, cependant, le pouvoir vietnamien essaye de se montrer sous un jour bienveillant vis à vis des 53 minorités ethniques qui cohabitent avec les viets dominants. Le guide est toujours aussi brillant qui nous conseille de lire les cartouches pour avoir les explications et qui nous attend dans un coin pour visiter ensuite la partie extérieure qui occupe l'immense parc. Le musée est d'une inépuisable richesse et le temps qui nous est imparti ne suffit pas à tout voir. J'essaye de me focaliser sur les ethnies que nous allons rencontrer au nord, à la frontière chinoise.




Dans la première partie, je tombe en arret devant  ce
tout petit vélo chargé de pas moins de 800 nasses, ces paniers coniques dotés d’une entrée en goulot et se terminant en pointe dans lequel le poisson, une fois entré, ne peut plus sortir. Le vélo provient de la commune de Thu Sy. Ce vélo a été utilisé entre 1982 et 1997 pour vendre des nasses dans les villages situés dans le delta du fleuve Rouge.
Le chapeau conique est un symbole du pays. On a reproduit ici un atelier de fabrication de "non la".

Le nón lá est également mentionné dans les légendes, si nombreuses au Vietnam. L'une d'elles évoque l'action héroïque du dieu Gióng qui se serait mis brusquement à grandir à l'âge de trois ans, jusqu'à devenir un géant. Enfourchant un cheval de fer et crachant du feu, il se serait alors lancé contre l'ennemi, équipé d'une armure métallique, et coiffé d'un chapeau conique.

Le chapeau vietnamien se retrouve dans le culte très populaire de la déesse mère Tho Mai. Cette dévotion ancestrale se pratique dans de nombreux lieux de culte dans lesquels les autels sont coiffés de chapeaux coniques multicolores faisant office d'ex-voto remerciant pour un vœu exaucé.Fabriquer un chapeau conique n'est pas très difficile, mais tout doit être réalisé entièrement à la main.

 Il est habituellement constitué de feuilles de latanier (palmier) mais certains chapeaux peuvent être faits en feuilles très lisses d'ananas. Il y a 2 étapes principales dans le processus de production :

  • Il faut choisir des feuilles de latanier assez jeunes, les faire sécher et blanchir au soleil ou au feu, puis les repasser ;
  • Les feuilles coupées sont fixées sur les baguettes de bambou et les nervures transversales d'une armature cynique initiale. Le montage de cette armature est lui-même réalisé sur une structure conique modèle en bois plein. Les feuilles sont cousues au moyen de fils de bambou, plus solides que des crins de cheval.
  • Dans la vie morale spirituelle des Vietnamiens, la croyance joue un rôle extrêmement important et représente vivement la culture vietnamienne. La religion contribue non seulement à atténuer la douleur, les pertes mais aussi à encourager les êtres humains à s’orienter vers le Bien et à surmonter des difficultés de la vie. Parmi les cultes pratiqués au Vietnam, le Culte des Quatre Palais reste un culte propre aux Vietnamiens qui, après bien des vicissitudes, est toujours vivace et pratiqué par une large communauté. Il est aujourd’hui un symbole de la culture vietnamienne.

 Le tissage traditionnel chez les H'Mong. La communauté H’mông vivant dans les montagnes du Nord a conservé jusqu'à nos jours un trésor d'arts populaires, notamment des métiers artisanaux de haute qualité, dont le tissage du lin. "Depuis plusieurs siècles, le tissage du lin symbolise l’assiduité, l’endurance et l’habileté des femmes H’mông qui vivent sur le plateau calcaire de Dông Van, à Hà Giang. Leurs costumes de couleurs éclatantes embellissent la vie quotidienne des montagnards locaux. Les H’mông confectionnent leurs vêtements traditionnels à partir de fibres de lin, un travail méticuleux qui fait leur fierté vestimentaire et qui les distingue des autres ethnies minoritaires.À Dông Van, la plupart des femmes savent filer, tisser le lin et confectionner elles-mêmes des vêtements pour toute leur famille. Les petites filles H’mông apprennent d’ailleurs à tisser dès leur plus jeune âge. Un dicton populaire H’mông exprime ainsi les qualités d'une jeune fille : "Belle fille qui ne sait pas filer n'est point belle."

Pendant la guerre d'Indochine, on retrouve des Hmong du côté des forces coloniales françaises, mais aussi du Viêt Minh. Il en est de même lorsque les Américains investissent la région. Les H'Mongs furent les harkis de l'Indochine, aussi mal traités et suspectspour ceux qui restent, aux yeux des pouvoirs vietnamiens et laotiens. Au Vietnam, les Hmongs vivent en marge de la société, dans la plus grande pauvreté. Au Vietnam, en 2021, déscolarisation, isolement, manque de terres arables, barrière de la langue, sont autant de difficultés auxquelles doivent faire face de nombreux H’mong.


Chacun visite le musée à son rythme. Le guide nous a donné rendez-vous dans le hall avant de nous inviter à circuler dans le parc parmi d'extraordinaire constructions. nous admirons d'abord une longue pirogue khmère.
Des courses de pirogues sont organisées chaque année à l'occasion de la fête de la lune. Cette pirogue actionnée par 52 rameurs, a participé à 18 courses et  a gagné 14 fois. Pour les Khmères ces pirogues sont des objets sacrés.
 
Au milieu d'un petit étang, on a construit un théâtre de marionnettes sur l'eau.  Selon la tradition, la scène peut être fixe ou démontable pour les troupes itinérantes. Les marionnettistes, plongés dans l’eau jusqu’au torse, sont cachés derrière un rideau de lamelles de bambou. À travers les interstices, ils peuvent observer le public. Ce rideau de bambou est décoré de tissus avec des motifs représentant des animaux fabuleux, dragon et phénix.

 
C’est dans l’édification des maisons communales (dinh) dédiées aux génies protégeant le village, que s’exprime pleinement l’art vietnamien, surtout du XVII è au XIX è siècle. La maison commune des Bahnar, eux qui vivent dans les hauts plateaux du centre du pays, est certes la plus impressionnante du musée ethnographique d’Hanoï. La maison est construite sur de hauts pilotis à 3 mètres du sol et elle atteint 19 mètres de hauteur.La langue Bahnar appartient au groupe linguistique mon-khmer (famille des langues d’Asie du Sud). Également appelés Boh Nam, Roh ou Ala Kong, les Bahnar ont pris pied sur les hauts plateaux du Centre (Tây Nguyên) depuis plusieurs siècles.Aujourd’hui, ils sont divisés en plusieurs sous-groupes: Ro Ngao, Ro Long, To Lo ou Go Lar Krem…

.Il pleut abondamment. Cette maison est une maison rhade Les Rhade, en vietnamien Người Ê Đê, sont un des nombreux groupes habitant les hauts-plateaux du Laos et du Vietnam, la province du Dac Lac, juste au sud du 17ème parallèle. En 1999, leur population était estimée à 270 348 personnes. La langue rhade, apparentée au cham, fait partie du groupe malayo-polynésien des langues austronésiennes. Les Rhadé ont un système familial matrilinéaire, c’est-à-dire que le lignage passe par la mère et non le père. Les hommes gagnent le pain de la famille, mais les femmes possèdent les biens, le bétail, la nourriture, la maison. Le droit à l’héritage est réservé aux filles et en priorité à la cadette. Les hommes mariés vivent dans la famille de leur femme et n’ont que peu de prise sur les affaires familiales.

Une maison funéraire typique des Jarai

Les Jarai croient que la mort ne s’ouvre qu’à une autre vie de l’au-delà. D’où toute une procédure des obsèques dont la plus importante et coûteuse est la cérémonie d’abandon de la tombe (marquant le départ définitif du défunt). Ce qui se traduit par leur soin particulier apporté à la décoration de la maison funéraire qui abrite normalement une trentaine de morts. À l’intérieur d’une maison funéraire, on met à disposition des défunts les meubles pour leur vie de l’au-delà. À l’extérieur, les sculptures typiques reflètent les coutumes de la vie quotidienne. C’est compréhensible de constater qu’avec la maison communale, la maison funéraire présente effectivement les sculptures caractérisant les coutumes ancestrales du peuple des Jarai. Les statues rituelles Jaraï, sont pour la plupart funéraires et conservées dans des enclos. Elles sont sculptées dans des bois très durs sous le nom de Taeng dans des pays comme la Malaisie. Ce bois est aussi dur que l’acajou. Il est jaune ou assez rouge, mais en vieillissant il devient gris. La pluie viendra éroder le bois progressivement. Les statues les plus érodées enrichissent souvent les musées ethniques. Autrefois, on sculptait des scènes sexuelles, il s’agissait d’une référence à la fertilité, le cycle de la vie. maison funéraire.

Elle est la culture traditionnelle des Jarai inhérente au rite d'abandon de la tombe. On enterre tous les membres de la famille dans le même tombeau, capable de recueillir au total vingt membres. Le peuple Jrai ne conçoit pas que les défunts n'existent plus. Ils continuent de vivre dans un autre monde nommé "le village des morts", le village des ancêtres. Pour les personnes du même sang et de la même parenté, quand elles sont mortes, elles continuent à s'entraider comme si elles étaient vivantes. Alors quand ces gens meurent, ils doivent être enterrés ensemble, sinon ils vont devenir "de mauvais fantômes", être seuls sans familles dans le village des morts.
Traditionnellement, quand le dernier défunt enterré remonte à un ou deux ans, la maison funéraire est construite. En particulier, les vivants érigent la clôture et sculptent des statues autour de la tombe afin d’exprimer leur pensées et sentiments pour les morts : des statues qui sont en train de faire l'amour montrent le culte de la fécondité. Les quatre coins de la tombe sont des statues assises avec les mains qui touchent le visage. Elles montrent la tristesse des vivants.

 
Tombeau d'une famille riche
Ce tombeau est construit lors des secondes funérailles. On exhume la momie pour la déposer définitivement dans le nouveau cercueil soigneusement sculpté.
Nous visitons l'intérieur d'une maison Tay, une ethnie de la région de Lao Cai que nous allons visiter. Elle sont construites avec un bois solide appelé lim (bois de fer), ces maisons sur pilotis sont naturellement climatisées puisqu’elles permettent l’évacuation de la chaleur pendant l’été. Le plus souvent entourés de balcons, les bâtiments sont ouverts des quatre côtés pour permettre une meilleure ventilation.

Les maisons sont entourées de larges palmiers dont les feuilles sont utilisées pour couvrir les toits. La confection du toit d’une maison de taille moyenne (8m x 12m) nécessite des milliers de palmes. Les voisins fournissent donc les feuilles de leurs palmiers en échange de nourriture et d’alcool. À l’intérieur, la maison est divisée en plusieurs espaces, sans pour autant qu’il y ait de cloison. Le plus important d’entre eux est la cuisine, habituellement située dans le centre de la maison et où se réunit la famille en fin de journée. On trouve également au centre de la maison l’autel des ancêtres. En effet, plus qu’un lieu pour manger et dormir, la maison sur pilotis est également un lieu d’adoration des ancêtres et de travail comme le tissage ou la broderie.

Ici , dans le périmètre de la maison des H'Mongs, ce sont des abris avec des tuyaux en bambou utilisés pour arroser les champs.
Maison des Hani :

La maison est construite sur le modèle d’une maison du village de Lao Chai, commune de Y Ty dans le district de Bat Xat, Lao Cai (Nord du Vietnam). 80 m2 de surface, 56 jours de construction par 20 villageois, 45 cm d’épaisseur et 4 mètres de hauteur pour les murs. 150 mètres cube d’argile et 14 mètres cubes de pierres. Les murs sont un mélange d’argile et de pierres. Des moules en bois servent de coffrage. Des pilons permettent de tasser les pierres, le bambou et la terre. Le toit en herbe à paillote est épais de 45 cm. Les grosses gerbes sont disposées sur le toit, les tiges vers le bas. Environ 10 tonnes d’herbes (1500 gerbes) furent utilisés pour cette maison. L’ethnie Hani est une communauté fascinante et riche en traditions, occupe une place singulière dans le paysage culturel vietnamien. Les Hani sont un groupe ethnique qui a établi ses racines dans les régions montagneuses du nord du Vietnam depuis des siècles, formant ainsi un lien profond avec la terre et son histoire.

Nous visitons d'autres maisons , celle des H'mongs , des yao.

 C'est un musée fabuleux, remarquablement bien fait mais le politiquement correct des explications ne recouvre pas la triste réalités de la vie des ethnies dans la République Démocratique du Vietnam.

Dans les années 1950, l’anthropologue français Georges Condominas estimait que l’Asie du Sud-Est présentait la plus grande diversité ethnique au monde. Il remarquait que l’antagonisme entre les montagnards et les habitants des plaines, commun à toute la région, était plus marqué au Vietnam. En 2006, de retour d’un voyage sur les hauts plateaux du Centre qui avaient formé son terrain d’étude soixante ans auparavant, il se lamentait de n’avoir rien reconnu : l’arrivée massive de colons vietnamiens avait modifié les équilibres ethniques ; les écosystèmes étaient détruits ; les cultures traditionnelles des minorités montagnardes avaient presque disparu. Longtemps demeuré confiné dans les plaines côtières, l’État avait étendu sa souveraineté dans les hautes terres : les montagnes du Nord, limitrophes de la Chine, et les hauts plateaux du Centre, frontaliers du Laos et du Cambodge. 

Le discours officiel est beaucoup plus lénifiant.  "Les intellectuels vietnamiens doivent concilier l’idée de l’égalité de droits et de traitement entre les différents groupes ethniques – égalité qu’implique l’adhésion à la pensée de Marx, Lénine et Staline – et la réalité d’une domination việt qu’il leur faut justifier. Pour sortir de ce dilemme, la constitution expose le concept d’une « nation socialiste multiculturelle », au sein de laquelle les minorités ethniques ont une place bien définie, et le concept de pays multinational élaboré en URSS dans les années 1920, où égalité et droit à la différence se conjuguent."

Alors que la communauté viet compose 80% de la population totale, 53 autres ethnies minoritaires font partie intégrante de la nation vietnamienne . Le contraste entre ces deux parties est saisissant, les Vietnamiens sont principalement établis sur le littoral, dans les grandes métropoles développées, tandis que les minorités ethniques préfèrent les régions rurales des montagnes. Or, si ces minorités sont particulièrement attachées à leurs traditions et leur mode de vie, elles sont désormais confrontées directement à la mondialisation et à l’enjeu du développement du territoire.

L’identité collective du Vietnam est institutionnellement assimilée à l’identité de la majorité. Ainsi, lorsque les groupes ethniques se rencontrent, les minorités ethniques sont dominées par cette identité collective, qui réduit leurs cultures et leurs traditions au bénéfice d’un certain intérêt national. Les minorités ethniques sont stigmatisées par l’étiquette d’une culture arriérée et d’un mode de vie obsolète, alors que l’agenda politique de l’État depuis l’indépendance du Vietnam, est au développement.

D’après Friederich et Neef (2010), l’État vietnamien est partiellement responsable d’une hiérarchisation entre les ethnies, les minorités se retrouvant alors au bas de l’échelle. En effet, l’État vietnamien post colonial, désormais centralisé, a par exemple forcé une migration des populations à majorité ethnique des plaines, vers les territoires des montagnes des minorités ethniques. Cela, afin d’obtenir un équilibre de densité de la population et maitriser le territoire, face à la surpopulation des plaines et à la sous-population des régions montagneuses. Néanmoins, grâce à cette politique, l’État vietnamien a également tenu à imposer une production collectivisée. Les minorités ethniques se sont alors vues contraintes d’abandonner leurs méthodes de cultures traditionnelles, pour adopter les méthodes modernes des basses terres capables d’assurer les niveaux de subsistances nationaux (Friederichs et Neef, 2010). Cette politique marque symboliquement la domination de la culture de la majorité.

Toutes ces constatations établies par des intellectuels incontestables contredisent le discours bisounours des autorités vietnamiennes qui disent "on est tous frères" mais certains plus que d'autres.

Le programme de la journée est encore chargé, la faim devient criante et nous avons décidé d'aller là où on a envie plutôt que de laisser le guide faire son choix de restaurant.

Une étoile Michelin. C'est une ancienne maison de thé, vintage.

L’endroit se distingue aussi par son apparence rustique dont le propriétaire prend soin avec raffinement au moindre détail, bol, baguette, table, chaise, vieux gramophone, téléphones anciens…tout évoque l’ambiance des maisons d’antan.

Chez le Tam vi, la formule change constamment car l’on sert les mets typiques selon la saison, c'est un des restaurants les plus raffinés de la cuisine du Tonkin.

Adresse : 4B rue Yen The

Superbe endroit.!


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