dimanche 26 mars 2023

KIRKENES, NORVÈGE, L' HOTEL DES NEIGES

Après Honningsvag et le Cap Nord, le Nordnorge poursuit sa route vers la fin du voyage aller: quelques passagers descendront à Kirkenes, à la frontière russe puis reprendrons leur avion pour Paris avec escale à Stockholm puis Oslo et Amsterdam. La nuit est tombé très vite ponctuée d'arret dans de petirs ports,Kjellefjprd,Mehamm, Berlevag, Batsfjord, Vardo où on s'arretera demain puis Vadso au moment du petit déjeuner et arrivée à Kirkenes à 9h. Le trajet est assez morn, les paysages sont moins remarquables, les montagnes moins élevées, les rives moins attirantes. Le plafond est bas, il a neigé cette nuit, le pont est glissant.



Kirkenes se trouve à l’extrême nord-est de la Norvège, au bord du Bøkfjord, une branche du Varangerfjord, à proximité de la frontière russe. La ville est située à environ 400 kilomètres au nord du cercle arctique, et aussi à l’est que Saint-Pétersbourg. Les habitants, au nombre de 7 000 environ, sont en majorité d’origine norvégienne, même si l’on compte également un petit nombre de Samis, des Finlandais et 500 personnes récemment arrivées de Russie.

 À Kirkenes, les liens solides avec la Russie et les influences culturelles russes sont bien visibles. Le monument russe, établi en souvenir de la libération de Sør-Varanger par l’Armée rouge à l’automne 1944, en est un bon exemple. Un marché russe se tient à Kirkenes une fois par mois. Les panneaux de signalisation sont écrits en norvégien et en russe. On peut se rendre à la frontière russe en autobus, en bateau fluvial ou en véhicule tout-terrain/quad. Donc Kirkenes entretient des rapport étroits avec l'Ours russe, alors que la Norvège est un des pays fondateurs de l'OTAN en 1949. A Kirkenes, une partie de la flotte qui pêche le crabe royal est russe, les magasins d'électro-ménagers vendent aux russes les biens qu'ils ne trouvent pas chez eux, la main d’œuvre russe est employée car moins exigeante en salaire que les salariés norvégiens mais, des moyens de contrôles, des radars, des dispositifs électroniques sont massés ici pour contrôler les visées expansionnistes de Poutine dont les sous-marins doivent croiser dans les fjords pendant que notre bateau avance vers la frontière ultime du monde libre. Ici, c'est une sorte de désert des tartares, le danger, l'envahisseur viendra de l'Est et l'Otan a certainement placé le meilleur de ses troupes, des batteries de missiles peut être pour contrecarrer le grand Satan russe. Kirkenes est donc une sorte de cité schizophrène ami avec le grand voisin et paradoxalement terriblement méfiante. C'est une chose que je ressent au plus haut point. Contrairement à beaucoup d'étudiants qui, comme moi, avaient 20 ans en 1968, ce n'est pas les barricades de mai que je retiens de cette année mais l'invasion de la Tchécoslovaquie en Septembre. "Depuis la chute de l’URSS, Kirkenes, petite ville norvégienne des bords de la mer de Barents et frontalière de la Russie, se destinait à devenir le centre géopolitique de l’Arctique. Tourné vers la Russie et ses énormes richesses naturelles, se profilant comme le port européen le plus proche de la Chine par la route maritime du Nord, passerelle naturelle vers l’est, tout semblait lui sourire. « Il n’a fallu que quelques jours pour balayer toute la confiance transfrontalière bâtie ces trente dernières années. Depuis l’invasion de l’Ukraine, le 24 février, le rideau de fer est retombé, constate Thomas Nilsen, rédacteur en chef du média en ligne The Barents Observer. Kirkenes, aujourd’hui, c’est la fin de la route. »

Nos amis ont choisi d'autres excursions que nous: nous visiterons l’hôtel de neige, Les Dominique vont pécher le crabe royal, les bretons vont faire du moto-neige, et Jeanine et Marie du traîneau à chiens. Le groupe qui visite le Snow Hotel embarque dans un bus avec une jeune guide anglophone. Premier arrêt au dessus de la ville pour contempler le port.


Nous roulons ensuite sur 8 ou 9 km. L’hôtel de Neige est construit au bord d'un lac et comporte aussi un grand élevage de chiens de traîneau, un parc important de moto-neige et un enclos avec quelques rennes. L’hôtel est un immense igloo relié à un restaurant avec un sauna, 'une connexion Wi-Fi gratuite et d'un parking sur place. Le bar à glace est également disponible 365 jours par an. Le Bøkfjord se trouve à 500 mètres. Au dessus du Snow Hotel, des cottages plus traditionnels  en bois, climatisés et décorés dans un style architectural inspiré des cabanes de chasse et de pêche traditionnelles des Samis. Ils disposent de grandes fenêtres avec vue sur la montagne, de chaises longues recouvertes de peaux de moutons ou de rennes, et d'une salle de bains privative. De là, on peut contempler les aurores boréales en sirotant un cocktail au coin d'un vrai feu de bois.



A l’entrée du restaurant, à l'extérieur, il y a un espace de détente avec des banquettes couvertes de peau de rennes, un feu où on fait griller des saucisses, de renne je présume.


Entre le restaurant et l’hôtel de neige, il y a une sorte d'antichambre où sèchent  les sacs de couchage spéciaux grand froid où contrairement à ce qu'on peut penser, il est conseillé de dormir avec un minimum, un caleçon ou un tee-shirt mais pas plus car c'est la chaleur de notre corps qui se communique au duvet. En fait, si on dort en doudoune ou en tenue de ski , on crève de froid. Décorées sur le thème de l'Arctique, les suites enneigées comprennent des sculptures de neige complexes, des couvre-lits thermiques. Depuis peu, en été, le Snow Hotel est recouvert d'une sorte de sarcophage isolant qui évite de reconstruire l’hôtel chaque année et ce qui économise 100000euros, chaque fois. Pour les sculptures de glace, on emploie des sculpteurs russes, non parce qu'ils ont plus de talents que les norvégiens mais parce qu'ils font ça très vite et qu'ils ne sont pas gourmands au niveau du salaire.

 

Les grandes briques de glace translucide reconstituent un bar sculpté, avec un renne géant . Ce qui impressionne c'est la qualité de la reproduction. Le centre accueille le bar, de glace où on nous sert un verre à liqueur de myrtilles, je crois. Il semble régner une température correcte  -4ºc, en l'absence de vent, on  enlève  gants et bonnet que l'on portait à l'extérieur. Au sol, des fauteuils de glace recouverts de peaux de renne permettent de déguster tranquillement.

Un long couloir permet alors de rejoindre les chambres disposées naturellement de part et d'autre. Pas de porte ici, un simple rideau, à l'issue d'un mini vestibule en arche de neige. Chaque chambre est différente, résultat du travail d'un artiste qui en a sculpté les murs et le plafond en voûte, avec pour seule différence sa taille et la taille du lit central pouvant accueillir entre 2 et 5 couchages. Le décor fait autant appel à la tradition scandinave, entre étoile et éléments nautiques, qu'au dessins animés ou encore aux contes et légendes de Grimm. Le tout est délicatement éclairé par des leds derrière et sous le lit, de lumières allant du rose au bleu. De l'étoile au cœur, du couple à Marylin Monroe, de l'ange aux chiens de traîneaux, 25 chambres s'alignent ainsi ici. Ce n'est pas toujours de bon goût, c'est très kitsch.


La chambre nuptiale, prévu pour de torrides lunes de miel, mérite le détour. La lumière est rose, naturellement. Les asiatiques sont très friands de ces nuits de braise et utilisent souvent des artifices animaux pour améliorer leurs performances. Pour se montrer digne dans un tel lieu, combien de cornes de rhinocéros, de venin de cobra, de tartares de rennes ont du être consommés ? Emmanuel, qui a travaillé 6 mois au Snow Hotel, nous a expliqué que, très consciencieux, il a voulu passer une nuit dans une des chambres. Au début, tout se passe bien. C'est quand survient l'envie pressante que ça se gâte. Il faut traverser tout le bâtiment, le long couloir pour accéder aux toilettes. De fait, les toilettes et 
les salles de bains communes sont situées dans un bâtiment de service voisin. Il était courant que des touristes finissent la nuit dans les sanitaires chauffés. Il semble aussi que certain utilise la vodka comme chauffage d'appoint.








 

"Les lits de glace sont tout d'abord isolés par des matelas. Mais la magie repose sur la préparation. Avant d'aller se coucher, chaque convive prend le sac de couchage qui lui est donné... ainsi qu'un drap, des grosses chaussettes et surtout une cagoule ! Pour le sac, l'important est de le prendre à la bonne taille, ni trop grand ni trop petit, afin que l'on constitue juste une couche de chaleur autour du corps. L'essentiel ensuite est de se déshabiller pour ne plus garde qu'une couche de vêtement et ensuite de se glisser dans le drap (style sac de viande) et enfin dans la sac de couchage. La fermeture éclair remonte ne laissant qu'une tout petite ouverture en haut pour respirer alors que le haut du sac protège également la tête. On est ici très loin du sac de couchage de camping tradition et de fait, au bout de quelques secondes uniquement, il y fait bon. Seul le bout du nez, froid, fait bien sentir que l'on ne va pas se lever plusieurs fois et encore moins sortir de ce cocon de chaleur. On en oublie même les faibles lumières extérieures qui ne sont plus qu'un léger halo diffus autour de soi. Il n'y a plus alors aucun bruit. Même dans la nature, à l'extérieur, il y a toujours des bruits, des craquements, un peu de vie. Ici, la neige isolé comme dans un caisson étanche de tout bruit extérieur plongeant l'invité dans un nouveau monde du silence. Tout semble feutre, amoindri, avec une impression de silence bien plus basse qu'avec même des bouchons d'oreille dans un environnement calme. Et l'on plonge ainsi particulièrement vite dans les bras de Morphée.

Au petit matin, des grelots vous réveillent... si vous n'aviez pas mis votre propre réveil. Il est 7h30. Sortir du cocon de chaleur demande un effort, même si l'effet cocooning s'est un peu estompé depuis le soir et si on a davantage une impression de fraîcheur matinale. Il ne reste plus qu'à se ruer vers les douches attenantes à l'hôtel de glace proprement dit. Et enchaîner par le sauna qui jouxte les douches. Autant le soir, il faut absolument éviter à la fois toute douche ou tout sauna (afin de ne pas ouvrir les pores de la peau), le matin, les différences de températures en font un vrai régal.On peut alors monter les quelques marchés intérieurs qui séparent du restaurant pour profiter d'un buffet gargantuesque pour le petit-déjeuner (poisson compris) face aux montagnes et au soleil qui se lève tout juste." 

Nous passons par le restaurant où on nous sert une crêpe avec une saucisse grillée. Puis nous visitons l'élevage des chiens de traîneau où, sans cesse des équipages arrivent et repartent. Les chiens qui sont choisis sont très excités à l'idée de partir en promenade.




Je constate que ces chiens ne sont pas de purs huskies ou de purs malamutes, ils sont tous bâtards et issus de différents croisements. Un équipage est constitué comme une équipe de rugby, chaque chien a son rôle et son caractère, ses qualités qui sont adaptées à sa position dans l'équipage. Les chiens de tête ne sont pas du tout forcément chef de meute. Ce sont deux choses totalement différentes.Ici, le leader doit savoir exécuter rapidement et intelligemment les fondamentaux : etre capable de prendre un virage serré ou en épingle, tourner à gauche ou à droite, ralentir ou accélérer, ne pas se laisser distraire par un autre traîneau ou par un animal sauvage et savoir se comporter face à l'obstacle. Les leaders doivent garder la ligne centrale bien tendue pour éviter de faire des nœuds. Derrière les leaders, il y a les swing dogs.  Ils sont là pour seconder les leaders. Plus ils auront les qualités d’un bon leader, plus ils pourront épauler et redonner la force aux leaders dans les moments de doute ou de fatigue. Les team dogs sont le gros de l’équipe dans un attelage de 8, 10, 12 chiens et plus car on en aura respectivement 2, 4, 6 ou plus selon le nombre total de l’équipe. Ensuite viennent les wheel dogs.Ce sont les chiens les plus près du traîneau. Les wheel dogs sont les plus puissants et les plus costauds de la meute. Ce sont eux qui vont porter le plus lourd du traîneau et permettre à celui-ci de démarrer.  Il est intéressant de mettre un jeune chien aux côtés d’un plus ancien qui a de l’expérience car celui-ci lui apprendra les ficelles du métier. Un chien de 3, 4, 5 pourra ainsi jouer le rôle d’éducateur auprès du jeune chien d’un an.Aussi, certains chiens s’entendent vraiment bien, voir même sont fou amoureux. Les mettre côte à côte les motivera à avancer super vite. A l’inverse, on ne peut mettre deux pire ennemis en binôme. Ils ne feraient que se battre.



Nous retournons voir les rennes et nous leur donneront aussi un peu de lichen dont ils sont friands.
Le renne est le seul cervidé dont les deux sexes portent des bois (plus courts chez la femelle). Contrairement aux cornes qui sont pérennes, les bois sont caducs et tombent chaque année en automne. Ils repoussent au printemps suivant pour atteindre leur plein développement durant la période de rut. Le poil creux lui permet de conserver la chaleur. Le renne est végétarien et se nourrit d'herbes, de buissons, d'écorces, de feuilles de bouleaux et de saules, et de lichens.




Il
est l'heure de rentrer au bateau, nos amis, les Dominique ,  sont allés à la pêche au crabe royal et surtout à la dégustation car en fait, la pêche est une parodie. Le bateau a accosté à Kirkenes avec un quart d’heure de retard: les casiers sont déjà retirés et, surprise, le nombre de crabes capturés correspond pile poil au nombre de convives: ils seraient introduits d'avance dans les casiers que ça ne m'étonnerait qu'à moitié. Cette excursion est proposé à un prix stratosphériques mais nos amis ont beaucoup aimé la chair du crabe royal. Par contre, leur chauffeur a fermé le mini-bus en laissant les clefs à l'intérieur. En attendant le dépannage, il leur chante des chant samis à l'intérieur au chaud.

Retour au bateau, en chemin on avise une immense hôpital flambant neuf construit par les allemands avec l'argent de l'Europe et qui assure les soins sur cette immense région.

La complaisance des habitants de Kirkenes pour le voisin russe s'explique aussi par le fait que c'est l’armée rouge qui a délivré la région des nazis en 1945. Le propriétaire de l’hôtel de Neige est aussi propriétaire de l'abri que la population fit construire pendant la guerre pour se protéger des bombardements. L'armée allemande avait regroupé ici un fort contingent de soldats car Kirkenes était sur le front. Une sage femme avait mène créé une maternité dans l'abri pour accoucher les femmes de la région.

Fin 1944,
l'armée rouge perce  les positions allemandes, progresse vers Kirkenes avec un débarquement amphibie de  l'infanterie navale soviétique.

 

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