mercredi 11 janvier 2023

CHATEAUX DE LA LOIRE, AZAY LE RIDEAU


 Noël au pays des châteaux, cinquième étape, Azay le Rideau. Le château d'Azay-le-Rideau est bâti sur une île au milieu de l'Indre sous le règne de François Ier. Subtile alliance de traditions françaises et de décors innovants venus d'Italie, il est une icône du nouvel art de bâtir du Val-de-Loire au XVIème siècle. Chef d’œuvre de la Renaissance française au coeur du Val de Loire, le château d’Azay-le-Rideau est un monument emblématique du XVIe siècle dont le commanditaire est Gilles Berthelot, trésorier de François Ier. Dans un raffinement rarement égalé et confirmé au fil des siècles, cet homme influent et son épouse, Philippe Lesbahy, font bâtir un édifice d’une grande modernité pour l’époque sur les bases d’une vieille construction médiévale.


Le plan en L du château d'Azay a de quoi surprendre le visiteur par sa dissymétrie. Il est fort probable que Gilles Berthelot avait projeté une aile supplémentaire de façon à former un plan en U, symétrique et régulier, conformément aux conceptions italiennes. Mais Gilles Berthelot n'a guère le temps de profiter de sa demeure. Comme d'autres financiers, il s'est beaucoup enrichi par ses activités, peut-être au détriment de la couronne. Une enquête générale est ordonnée par François Ier : elle révèle des malversations. L'un des financiers, Jacques de Beaune Semblaçay, est exécuté. Gilles Berthelot, qui craint de subir le même sort, prend la fuite, abandonnant son épouse et son château. Il meurt deux ans plus tard à Cambrai. Tout comme l'architecture, le décor sculpté mêle traditions ornementales françaises et italiennes. On y distingue de nombreux éléments inspirés par l'antiquité : pilastres, rinceaux végétaux, putti, coquilles, médailles. 




Saisi par le roi François Ier, c’est un château inachevé qui est remis à Antoine Raffin, Capitaine des
Archers du roi et compagnon d’armes à la bataille de Pavie.
Le décor et l’ornementation sont principalement composés de motifs italianisants inspirés de l’Antiquité :
- L’entrée de l’escalier rappelle les arcs de triomphe antiques avec ses arcs en plein cintre et de part et d’autre des pilastres cannelés à chapiteaux.
- les multiples pilastres cannelés ou non, les médaillons, les plafonds à caissons, les frises de rinceaux, les chutes d’ornement, les coquilles, les candélabres des sommets de lucarnes, les putti, les frontons, les poissons enroulés, les feuillages sont des éléments très à la mode « d’outre-mont ».
Certains éléments artistiques typiquement français issus du style gothique   perdurent sur cette façade : c’est le cas des niches à dais, des micro-architectures, des clefs pendantes, des personnages truculents et fantastiques...
Gilles Berthelot et sa femme Philippe Lesbahy n’ont pas hésité à marquer le château de leurs initiales G et P au-dessus des pilastres des entrées de logis. Comme le veut la coutume, ils ont également placé leur château sous le patronage des souverains de l’époque, François 1er et Claude de France en les représentant par leurs initiales
F et C et leurs emblèmes respectifs, la salamandre et l’hermine (Claude est fille de
Louis XII et d’Anne de Bretagne).


L'escalier à rampe droite, au centre du corps de logis, est l'élément le plus novateur du château d'Azay et témoigne de l'importance prises par les influences italiennes. . L'escalier rampe sur rampe, traversant tout le corps de logis apparaît au début du XVIe siècle : celui d'Azay est l'un des plus anciens conservés. On retrouve ici encore dans l’architecture et le décor, l’association entre le style français et l’influence italienne. Le plafond de l’escalier est orné de caissons à médaillons dont le décor évolue au fil des volées : d’abord des éléments végétaux, puis les portraits de rois et reines de France, de Louis XI à Henri IV (ajout du XIX e siècle), et enfin des personnages à l’antique (décor du XVI e siècle).

 

La charpente d’origine en chêne (forêt de Chinon), est toujours dans un état de conservation exceptionnel, reflet du savoir-faire des charpentier du XVIème siècle. Des travaux de restauration de la charpente ont été opérés : brossage de la charpente, vérification des assemblages, remplacement des chevilles défectueuses, purge et traitement curatif des bois de charpente conservés, traitement des fers de confortation existants, pose d’étriers métalliques pour consolider les bois de charpente.

Pour la charpente neuve, 40 m3 de chêne ont été taillés avec des techniques traditionnelles : enture par assemblage à mi-bois, sifflet dés-abouté, trait de Jupiter à clé ou boulonné, enture sur entrait avec élégi et chanfrein.

"Au fil des salles, sapins et décorations plongent les visiteurs dans une atmosphère délicate et chaleureuse où les collections de mobilier et d’objets d’art sont mises en valeur. Cette année, la gourmandise et les arts de la table restent les thèmes de la mise en ambiance du monument. Corinne Bernizet, sous la marque Baucis et Philémon, s’inspire de l’art de vivre au Second Empire pour créer de merveilleux objets réalisés à partir de précieux tissus et d’objets anciens chinés avec passion.  Ses créations uniques et intemporelles trouvent naturellement leur place dans les décors raffinés du château. Elle a imaginé, en résonance avec le lieu, des créations gourmandes : gâteaux en soieries et passementeries Napoléon III, œufs-coque en papier et perles de jais anciennes ou encore dôme glacé de dentelle et de soie."

"La Chambre Renaissance était probablement la chambre de Philippe Lesbahy, l’épouse de Gilles Berthelot. Elle se compose d’un lit néo Renaissance (xix e siècle).
Un travail important de reconstitution des textiles du lit a été réalisé dans le style de l’époque. Le lit est ici comme dans les autres pièces sur une estrade : cela permettait de s’isoler quelque peu du froid.
 Des nattes de jonc tressé ont été posées sur les murs de la chambre afin de rendre à cette pièce le véritable
aspect d’une chambre Renaissance. Face au lit, le tableau intitulé « Andromaque
s’évanouissant en apprenant la mort d’Hector » est une copie attribué au peintre flamand Cornelis Van Haarlem d’une oeuvre perdue du Primatice, un des artistes fondateurs de l’école maniériste de Fontainebleau. Dans la tour, vous pouvez admirer le bargueño, meuble d’origine espagnol en noyer, feuille d’or et os, qui servait à contenir les choses précieuses, compromettantes, les secrets... Il est appelé plus tard le secrétaire.
"La chambre de Psyché :
Située juste avant la grande salle, cette pièce était une chambre à la Renaissance. Elle doit aujourd’hui son nom aux exceptionnelles
tapisseries tissées en laine et en soie qui

recouvrent les murs. Elles se déploient sous

forme de narration et relatent l’histoire de Psyché,

thème mythologique très en vogue à la

Renaissance. Cinq scènes y sont dépeintes, dont

un triptyque central. De droite à gauche on peut

admirer :
Le repas de Psyché dans le palais de
Cupidon,
le triptyque Psyché visitée par ses
sœurs, Psyché découvre l’Amour endormi, La fuite

de l’Amour,
et enfin Psyché et Cerbère aux enfers.
La tapisserie centrale illustre un moment clé de

l’histoire de Psyché : poussée par ses sœurs, la
jeune fille cherche à connaître l’identité de Cupidon et découvre son visage à la lumière d’une lampe à huile. Une goutte d’huile brûlante tombe sur le dieu, qui s’enfuit aussitôt, l’abandonnant."

"Au temps de Gilles Berthelot et de son épouse Philippe Lesbahy, la grande salle, aux proportions majestueuses, accueillait festins et bals. La cheminée monumentale, les tapisseries ornant les murs, les divers meubles de bois, offraient un décor sobre mais raffiné et chaleureux. Les coffres à bas-relief et à panneaux sculptés sont
les témoins très représentatifs d’une grande salle
de la Renaissance. Transportant régulièrement les effets de leurs propriétaires, ils permettaient en effet de répondre à l’itinérance de la cour tout en exprimant sa magnificence."
La fonction de l’antichambre est de laisser patienter les personnes que le seigneur souhaite recevoir dans ses appartements privés et plus encore celles qu’il ne souhaite pas recevoir...Sur les murs sont accrochés des portraits de rois,de la Renaissance aux XVI et XVII siècles qui témoignent de la riche collection des propriétaires du XIXxe siècle. À gauche de la cheminée, on peut reconnaître Louis XII, puis, en partant vers la droite, une série de portraits du XVIe siècle représentant François Ier, Henri II et Henri III. Représentés en pied, face à la cheminée, les portraits du XVIIe siècle de Henri IV, de Louis XIII et de Louis XIV.



 
 



 

 
 



 

 

"La Chambre du Roi : C’est dans cette chambre que Louis XIII passa deux nuits en 1619. Le petit cabinet à gauche de la cheminée est réalisé en poirier noirci imitant la teinte de l’ébène. Ses tiroirs sont décorés de plaques d’ivoire et d’os. Leurs motifs représentent
des épisodes macabres de la guerre de Trente Ans
qui dévasta l’Europe durant le règne de Louis XIII.
Cette gravité contraste avec la scène galante
gravée sur la porte de la niche centrale, qui reprend une gravure de La Suite des Quatre Âges de l’Homme d’Abraham Bosse, graveur né à Tours en 1602.
Aux murs, de remarquables tapisseries du XVII
e siècle tissées d’après des cartons de Simon Vouet illustrent deux épisodes de La Jérusalem délivrée, épopée de Le Tasse, célèbre poète
italien de la Renaissance".


Nous sommes descendus au rez de chaussée et nous découvrons le salon Biencourt. "Le salon des marquis de Biencourt démontre  démontre leur goût prononcé pour l’éclectisme. Pièce d’apparat, elle est pourvue de mobiliers de grande qualité invitant les hôtes de marque au délassement. Son ambiance feutrée est rehaussée par des textiles raffinés. Son aménagement est digne des plus belles demeures aristocratiques du xixe siècle. Une statue équestre de Louis XII en bronze doré, des plats en porcelaine fine de la Compagnie des Indes révèlent le goût des marquis pour les arts. Ils constituèrent une collection inestimable d’environ 300 peintures des XVIe et XVIIe siècles, surtout des portraits de grands personnages de l’histoire de France. Ces tableaux contribuèrent à la renommée du château auprès des artistes et des amateurs d’art dès le milieu du XIXe siècle.Les portraits qui encadrent la cheminée sont une évocation de cette très riche collection."


La cheminée construite en 1856 par Edmond Lechevallier-Chevignard dans le goût néo-renaissant, elle illustre les travaux engagés par Armand François Marie de Biencourt puis par son fils Armand, pour conférer au château une unité stylistique. Le manteau de cheminée porte un décor sculpté de motifs de cuirs découpés. Au centre apparaît le symbole de François Ier, la Salamandre, que l'on retrouve par ailleurs dans le décor du château. Au XIXe siècle, la cheminée était peinte : elle a depuis perdu ses couleurs.

Un tableau remarquable raconte la réception d'Henri III à Venise à son retour de Pologne. L'évènement a tellement marqué la Cité qu'on en peint encore des représentations une génération plus tard. Palma le jeune livre ainsi vers 1595 un tableau représentant le roi arriver au palais Foscari, qui est la demeure vénitienne où il séjourna. Le tableau semble s'inspirer de l'oeuvre de Vicentino, mais ici, le peintre met davantage en valeur les personnages ; à droite du doge sont notamment représentés deux personnalités importantes de l'entourage du roi (représentés en habit noir). Il s'agit au premier plan d'Alphonse d'Este, duc de Ferrare, le cousin italien du roi et au second plan, de Louis de Gonzague, duc de Nevers qui est son principal conseiller politique et le frère du duc de Mantoue.

On remarque, le superbe tableau Gabrielle d'Estrée au Bain école de Fontainebleau au XVIème siècle. Au xixe siècle, le salon et la salle de billard formaient un espace unitaire consacré à la détente entre amis. Reflétant l’art de vivre de la grande bourgeoisie, la table de billard s’impose comme un meuble essentiel. Des portraits desXVIe et XVIIe siècles ayant appartenu aux Biencourt ornent la pièce : Erasme de Rotterdam, le poète tourangeau Racan, Cinq-Mars, favori de Louis XIII... Ils manifestent la volonté des marquis de convoquer au château l’histoire politique, littéraire et artistique à travers une collection
unique.
Face à la cheminée, une œuvre remarquable du XVIe siècle de l’artiste flamand Jan Massys,
représente Psyché apportant à Vénus le vase
de Proserpine.



 






 

J'ai reproduit ce portrait de Cinq Mars, héros romantique qui berça mon enfance par les récits et les lectures de ma Grand Mère. Cinq-Mars, publié par Alfred de Vigny en 1826, est considéré comme le premier grand roman historique français, bientôt en vogue dans toute l’Europe. L’action se situe au début du XVIIe siècle, à la cour du roi Louis XIII.

Le marquis de Cinq-Mars, homme de bravoure et de fermeté, gagne l’estime du roi en organisant un mouvement d’opposition au très puissant cardinal de Richelieu. Mais manipulations, complots et trahisons diverses obligent finalement le monarque à abandonner son défenseur et permettent à Richelieu de triompher. Conduit au supplice avec son ami De Thou, Cinq-Mars incarne superbement la figure du romantisme légitimiste en personnage rebelle et ténébreux.

"La cuisine est couverte d’une voûte d’ogive restaurée au début du XX e siècle qui servait à supporter la grande salle située juste au-dessus. Sur les culots sculptés à la retombée de la voûte d’ogive : un putto aux cuillers rappelle la fonction de la pièce. Elle a conservé sa cheminée de la Renaissance sur laquelle les blasons de Gilles Berthelot et de son épouse Philippe Lesbahy sont encore visibles. Le puits et l’évier font le lien entre la cuisine et la dépense, petite pièce réservée au stockage de la nourriture, du linge et de divers objets domestiques.

Aménagée au XIX e siècle à la place d’une ancienne chambre, la salle à manger reproduit ici les codes de l’art de la table à cette époque : disposition des verres,
des assiettes et des couverts, plis des serviettes...Les buffets sont de style néo-Renaissance et les sièges de Napoléon III . À noter dans les vitrines les pièces de
vaisselles sont marquées aux armes de la famille des Biencourt."


Les Biencourt conservaient dans cette bibliothèque un grand nombre d’ouvrages. Bien que cette pièce soit dotée d’une belle cheminée décorée des armoiries de la famille, les marquis avaient fait installer le chauffage central dans le château : on peut remarquer les grilles dans le plancher qui permettait de diffuser l’air chaud.Nous sortons du château et nous en faisons le tour en longeant le plan d'eau pour admirer en particulier la façade Sud.
La façade sud du château d’Azay-le-Rideau est un parfait exemple du style architectural de la « Première Renaissance ». Elle mélange aspects français et italianisants. "Les éléments français sont dans un premier temps des éléments défensifs. Sur la façade sud, juste au départ du toit, on note la présence de mâchicoulis couverts sur consoles. Les créneaux ont été remplacés par des ouvertures rectangulaires servant de fenêtres et dont certaines sont murées. Entre chaque ouverture se trouve une archère-canonnière. Ce chemin de ronde est ici purement symbolique : il a été construit à une époque où l’artillerie avait déjà évolué. Il ne sert donc qu’à rappeler le côté guerrier de la noblesse médiévale. Il en est de même des canonnières visibles dans les parties basses de la façade. Le style gothique français traditionnel reste encore très présent au château d’Azay-le-Rideau : le toit élevé et les hautes cheminées élancent cette façade, les lucarnes ponctuent la façade, des tourelles d’angle délimitent le château et les fenêtres ont toujours leurs travées verticales."

 Cependant, une réelle influence italienne est à noter dans l’ordonnance des façades qui ne doit plus rien au style gothique : la symétrie et le quadrillage de la façade viennent tout droit de l’Italie. La façade a pour axe de symétrie la partie centrale composée de la grande lucarne à trois baies et des fenêtres également à triple baie. De chaque côté de cet axe, les croisées et les lucarnes sont régulièrement espacées deux à deux.
Des pilastres soulignent les fenêtres. Pour finir, deux tourelles encadrent cette façade. Les baies sont encadrées par des pilastres liés entre eux par des bandeaux plats. Des corps de moulures, ornement d’origine italienne, soulignent horizontalement les étages croisant ainsi les lignes continues des pilastres. Cette combinaison dessine un quadrilatère, système décoratif caractéristique de la Renaissance française.

Lors qu'il achète le château en 1791, Charles de Biencourt, passionné de botanique, souhaite transformer le jardin régulier en parc paysager. Les jardins dits « à l'anglaise », avec leurs tracés irréguliers, les formes libres des végétaux et les mouvements de terrain créés, reflètent une conception naturelle et non maîtrisé de la nature. La topographie du site d'Azay et la présence abondante de l'eau se prêtent parfaitement  à un tel projet.

"Le miroir d'eau, si célèbre, est en partie une invention du XXe siècle. Au siècle précédent, une terrasse longeait l'aile sud. Ce n'est qu'en 1950 que le bras de la rivière a été élargi de façon à ce que l'eau borde les fondations du château : ces travaux ont eu pour conséquence de ralentir le courant : depuis, le château se reflète dans un miroir d'eau."

"le château d’Azay diamant taillé à facettes serti par l’Indre monté sur des pilotis masqués de fleurs."

Honoré de Balzac, Le Lys dans la vallée



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