En quittant le musée Jacquemart-André et la fabuleuse exposition Fussli, nous nous faisions une joie de découvrir la Bourse de commerce et la collection Pinault.
Elle a ouvert ses portes au
public le 22 mai 2021. Situé tout contre le forum des Halles, on peut notamment par la ligne 1 du métro en
quelques stations passer de Pinault à Vuitton. "Grand amateur d’art, François Pinault a acquis au fil des ans plus
de 10 000 œuvres, construisant une collection parmi les plus cotées au
monde. Peintures, sculptures, vidéos, photographies, œuvres sonores,
installations… Les artistes dont François Pinault collectionne les
œuvres sont issus de tous les pays et représentent toutes les
générations, avec une prédilection pour les courant émergents."Quand nous entrons dans le bâtiment, nous sommes hélé par un jeune homme, très style ministère de la Culture Français, catogan, démarche ondulante de gazelle, voix de Farinelli, genre à peine déterminé qui nous propose de faire l'historique du bâtiment.
L’histoire remonte au Moyen Age. C'est un hotel particulier que Saint Louis, Louis IX reçoit en héritage. Les Capétiens s'y succèdent puis, au XVIème siècle, Catherine de Médicis achète l’hôtel D’Albret voisin et entreprend de grands travaux qui englobent le fameux hôtel particulier.Quand la reine meurt, Charles de Bourbon, conte de Soissons rachète l’hôtel.
L’hôtel de Soissons échoit ensuite à la famille de Savoie-Carignan. Le prince Victor-Amédée y établit même la Bourse de Paris, mais il est frappé par la faillite lors de la banqueroute de Law et se voit dans l’obligation de vendre l’hôtel de Soissons en 1740.
Les bâtiments sont détruits par la Ville de Paris, qui rachète cependant la colonne Médicis et conserve les terrains.
Une vingtaine d’années plus tard, en 1763, la prévôté de Paris décide de construire une Halle aux blés, projet auquel elle tenait depuis le début du XVIIIe siècle. Les terrains situés non loin de la Seine, mais un peu en retrait des quais, conviennent parfaitement à l’acheminement du grain.
La construction est supervisée par l’architecte Nicolas Le Camus de Mézières, qui conçoit un bâtiment circulaire structuré par des galeries. Un grenier très fonctionnel occupe tout le premier étage, on y accède par un majestueux escalier à double révolution.
Devant cette réussite, on décide d’améliorer encore l’édifice et le recouvrir d'une coupole à charpente de bois.
Détruite par un incendie, la coupole est reconstruite en 1813 par l’architecte François-Joseph Bélanger : l’architecte innove en élevant le premier châssis en fer de fonte de grande portée jamais érigé. Très endommagée en 1854 et tombée en désuétude, la Halle au blé ferme ses portes en 1873. En 1885, le bâtiment hors d’usage est confié à l’architecte Henri Blondel dans le but de le transformer en Bourse de Commerce pour l’Exposition universelle de 1889.
Henri Blondel ne conserve de l’ancienne Halle au blé que le mur circulaire intérieur, l’espace de la cour et l’impressionnante coupole de métal qui la coiffe. Sur les quelques photographies prises à l’époque, on découvre un bâtiment mis à nu, carcasse de pierre et de métal. Inauguré le 24 septembre 1889, profondément transformé, le nouvel édifice est doté d’une enveloppe extérieure remplaçant l’ancienne, d’un entresol, d’un étage supplémentaire et d’un vaste panorama peint, installé dans la partie basse de la coupole de métal dont le tiers est alors maçonné en briques. Inauguré lors de l’Exposition universelle de 1889, l’édifice est alors décoré d’un immense portique encadré par quatre colonnes corinthiennes cannelées. Celles-ci sont surmontées de trois sculptures néo-Renaissance conçues par Aristide Croisy, représentant l’Abondance et le Commerce. L’intérieur est quant à lui orné d’une fresque monumentale dans la partie inférieure de la coupole. Réalisée par cinq peintres entre 1886 et 1889, cette œuvre de 140 mètres de long fait l’apologie du commerce international entre les cinq continents. Dans un style réaliste, typique de l’académisme de la IIIe République, cette fresque dérange aujourd’hui par sa mise en valeur de la colonisation.
"C'est à l'immense architecte japonais Tadao Ando, génie du minimalisme, lauréat du prix Pritzker (le "prix Nobel" d’architecture), qu'a été confiée la mission de concevoir la conversion du monument historique en musée d’art contemporain. Idée force de l’entreprise : un dialogue "serein" entre le projet architectural et le patrimoine. C'est donc un immense cylindre de béton (le matériau "fétiche" d'Ando) qui s’imbrique désormais dans le cœur du bâtiment. Cette forme circulaire qui fait écho à la monumentale coupole, et entend soustraire visiteurs et visiteuses à leurs repères, pour leur faire vivre une expérience de visite faite de promenades libres et infinies. Le cylindre réussit ainsi l'exploit d'à la fois circonscrire et d'ouvrir l'espace, sans que le rédacteur de ces lignes sachent vraiment comme il y parvient". Nous avons patiemment écouté le baratin du jeune homme qui connaissait mal son texte, troublé souvent par le vacarme d'une musique dissonante censée accompagner les images qui défilent sur le mur de béton. Pour tout dire, ce tubulaire faisant aujourd’hui se pâmer les aficionados de la modernité («un geste architectural puissant», naturellement) perturbe plus la vue qu’autre chose.Heureusement...il reste la coupole et le verrière lumineuse.
Cinq peintres se sont répartis les motifs. Alexis-Joseph Mazerolle (1826-1889) se charge, peu avant de mourir, des allégories en grisaille des points cardinaux qui séparent les quatre quarts de cercle. Evariste-Vital Luminais (1821-1896) a pour région les Amériques, Désiré-François Laugée (1823-1896) l’Empire russe et les pays du Nord, Marie-Félix Hippolyte-Lucas (1854-1925) le reste de l’Europe et Georges Clairin (1843-1919) l’Afrique et l’Asie.
Cette « fresque », qui sur 1 400 m2 évoque le commerce et l'industrie
dans les quatre continents (l'Europe, la Russie, l'Asie et l'Amérique)
est en fait une peinture sur toile exécutée en atelier, sous la
direction du peintre Georges Clairin et achevée en 1889. Elle a ensuite
été marouflée sur un enduit de plâtre de faible épaisseur,
lui-même appliqué sur une maçonnerie en briques montée à l'intérieur du
réseau de poutres métalliques de la coupole.
Nous montons à l'étage pour voir le choix d’œuvres que propose François Pinault. Dominique Gonzales Forster d'abord. Nous entrons dans une grande salle plongée dans le noir, sur un des murs une projection holographique de Dominique Gonzales Foerster dans la peau de Maria Callas. Les enregistrements d’arias de Medea de Luigi Cherubini, de La Traviata de Giuseppe Verdi et de La Gioconda
d’Amilcare Ponchielli, sont ceux de la jeune cantatrices au sommet de
son art, alors que son emblématique robe rouge signe les dernières
représentations de la diva, dix années avant sa mort.
"Ainsi, à partir de cette grotte où surgit un hologramme, sommes-nous
voués à vivre parmi les ombres et les illusions comme dans la Caverne de
Platon? Où y a-t-il une remontée possible vers la lumière, la vérité,
et le monde intelligible? L’œuvre de Dominique Gonzalez-Foerster
a-t-elle donc une véritable consistance? Une teneur, une épaisseur, un
caractère propre? N’est-ce pas étrange de sans arrêt s’incarner dans les
autres? N’est-ce pas un geste adolescent, que l’on exécute justement
dans nos chambres, secrètement, dans notre intimité, en rêvant de
ressembler à nos idoles, dont les images et les posters envahissent nos
murs? Où est son «moi», s’il ne s’exprime et ne prend forme qu’à travers
les œuvres, les images, les looks, les citations, les écrits et les
films des autres? A moins que l’on ne s’en sorte par une énième
pirouette rimbaldienne: «Je est un autre.»" François Salmeron
Nous montons à l'étage supérieur ce qui nous permet d'apprécier la coupole de verre et la fresque de plus pres. On y voit , en particulier, les inventions technologiques qui ont marquées le Second Empire, le train et les premiers aéronefs.
Place maintenant aux collections. "Ensuite, beaucoup d’œuvres posent la question de la limite entre l'effacement de l'artiste, la décomposition du monde... et la pure et simple imposture artistique. Une bâche de plastique déchirée, une robe de mariée qui pendouille... Sérieusement? Une belle coquille vide ou presque...de qui se moque t-on ?"
" Le béton n’avait pas sa place ici tout ceci n’est que snobisme pseudo intellectuel."Nous passons devant des œuvres qui, a défaut de nous scandaliser ou de nous offusquer, nous laissent froids.
Les cartouches laissent parfois rêveurs, pantois, la robe de marié vide. Elle ne couvrirait pas les charmes d'une belle promise, car à l'époque, avant 2000, ou l'"artiste a réalisé cette"sculpture", le mariage homosexuel n'était pas permis !!!ce serait un rêve impossible à concrétiser dans cette époque ou "ne promesse non tenue, une
déception, un acte de désespoir ou de rage".
« Repeating the Obvious », (2019) une œuvre signée Carrie Mae Weems
montre 39 tirages d’archives numériques encadrés en toutes sortes de
tailles. Chaque photo est identique, représentant un homme en sweat à
capuche et casquette, mais l’image bleutée est assez floue pour ne pas
distinguer le visage de l’individu. C'est en liaison avec le mouvement"Black live matter".
Ancrée dans l'histoire afro-américaine, Carrie Mae Weems réalise des photographies et des vidéos tour à tour brûlantes et tendres qui explorent la race, la famille, la classe et l'identité de genre. L'artiste, qui a également travaillé le vers et la performance, embrasse l'activisme tout au long de son travail - en particulier, elle se tourne vers l'histoire pour mieux comprendre le présent.
Le tableau de Miriam Cahn : « Mare Nostrum » (2008), est une expression latine désignant la mer Méditerranée. Il montre deux migrants affolés tombés dans l’eau avec les mains en l’air. Les protagonistes se dissolvent et paraissent sombrer dans les abysses d’un fond marin. Ces migrants ressemblent à des fantômes, ils sont oubliés du reste du monde, comme si personne ne les entendait crier ni ne pouvait les voir. L’œuvre semble intemporelle où ce genre de scène aurait pu se produire hier, tout comme aujourd’hui ou demain. Souvent perçue comme un loisir, la mer devient ici un espace politique et symbolique, théâtre de nombreuses vies perdues.Pour se laver l'esprit, un coup d’œil sur l'automne indien qui rougit les feuilles du square et sur le forum, puis on pénètre dans un aquarium.
My Room is a Fish Bowl de Philippe Pareno. On rentre dans une immense pièces, au milieu , un Steinway et de partout des poissons gonflés à l'hélium qui flottent, on peut les toucher mais, comme on est timide, on ose à peine. Il y a là une gardienne qui nous montre comment donner une belle impulsion au poisson pour qu'il évolue dans la pièce comme dans un bocal. La presse et les intello en tirent ensuite des leçons et des phrases ésotériques qu'apprécieraient les pédalo de l’Éducation Nationale époque Lang.
"Philippe Parreno crée des espaces qui nous permettent de spéculer sur des mondes et des états d'être alternatifs. My Room Is A Fish Bowl est une installation immersive qui explore comment les objets et les facteurs environnementaux laissés au hasard façonnent activement le comportement humain et la perception du passage du temps.
L'œuvre
consiste en des formes de poisson remplies d'hélium qui ont été
délicatement lestées pour flotter à différentes hauteurs. En
circulant autour de ces objets flottants, les visiteurs vivent une
expérience qui peut s'apparenter ou s'opposer à celle des poissons se
déplaçant sans but dans la galerie. Dans l'art et les mots, Parreno a souvent proposé l'exposition comme un film sans caméra. Ici, il pousse les visiteurs du musée à se déplacer dans un espace de galerie soigneusement mis en scène. Les
poissons se déplacent avec les courants d'air de la galerie, les
visiteurs entrent et sortent, et la lumière naturelle des fenêtres
adjacentes change continuellement en fonction du temps et de l'heure de
la journée. Aucune
expérience individuelle de l'espace ne sera identique, et la
configuration d'installation en constante évolution ne se répétera pas
non plus. Les formes dérivantes et les visiteurs du musée agissent les uns sur les autres et se définissent".
Untitled, 2001 – Installation de Rudolf Stingel
Ouverte et malléable, l’œuvre de Rudolf Stingel ne procède à aucune mise à distance entre elle et son public, qui est invité à intervenir directement sur sa surface.
"Les traces qui en résultent rappellent les graffitis de l'espace urbain forment un palimpseste de signes hétéroclites marquant à la fois la présence et l’absence des corps dont elles sont les empreintes.
À la fois situation et image, l’installation de Rudolf Stingel s’inscrit en faux de l’idéal moderniste, qui conçoit l’art en tant que sphère autonome. En unifiant l’action et la représentation, elle fait oeuvre de la relation intrinsèque entre la création et la vie qui l’entoure.
Cette œuvre a été présentée pour la première fois lors de l’ exposition "Where are we Going"au palazzo Gritti à Venise, puis pour « Une seconde d’éternité » (2022) à la Bourse de Commerce, à Paris." Je reproduit fidèlement un article en jardon artisto-bobo.
Je crois qu'on en a vu assez, retour sous la coupole avec quelques autres vues.
Au niveau de la presse et des critiques d'art, on a l'impression d'une pensée et une vision unique très laudative. Au niveau des visiteurs, c'est moins unanime, sur les réseaux sociaux, beaucoup disent qu'ils ont visité une coquille vide et que le droit d'entrée est très excessif.
Cependant, une voix dissonante correspond assez bien avec l'impression que nous laisse cette visite
"Le tout avec un gros brassage d’idées voulues généreuses, plurielles, inclusives, paritaires et tout et tout. Avant tout que la collection se retrouve prisonnière de l’architecture. Derrière l’immense hall, il n’y a que des espaces peu attrayants, à l’accès problématique. Je ne suis d’ailleurs pas sûr d’avoir tout contemplé, alors qu’il y a finalement peu à voir. Je me suis laissé dire par la presse lissant le poil de François Pinault, que les œuvres seraient «sombres» et «difficiles». Il s’agirait donc de choix audacieux. Disons que cela ne m’a pas sauté aux yeux. Le politiquement correct m’est en revanche paru comme une évidence désagréable. Il suit les courants «woke» en vogue. Avec un gros bémol. Comment peut-on oser attaquer le colonialisme des fresques du plafond alors qu’à la Fondation Pinault les visiteurs sont (presque) tous Blancs alors que le personnel reste uniformément Noir?"
Une étude très documentée mériterai qu'on s'y arrete: La Bourse-Pinault : Généalogie d’un Scandale stratosphérique sur le blog de Léon Mychkine. Un extrait: édifiant:
« Pour couper court à toute polémique, le groupe Pinault se vante de ne pas toucher un sou d’argent public pour la réalisation des travaux de transformation du bâtiment en 7 000 m2 d’exposition artistique, pour un coût de 160 millions, à la différence du groupe LVMH qui avait “consommé” 580 millions d’euros pour construire la Fondation Louis Vuitton dans le bois de Boulogne. Il n’empêche que François Pinault, pour assouvir son rêve d’exposition en France, a obtenu bien des soutiens politiques, rapportés par M Le Magazine du Monde : François Hollande, Bertrand Delanoë, Anne Hidalgo, Audrey Azoulay, Emmanuel Macron (alors Ministre de l’Économie) avaient fait assaut d’amabilités en faveur du collectionneur déjà installé à Venise, au Palazzo Grassi et le [sic] Dogana. » (Alternatives Économiques)
Tout cela est tellement aimable qu’Anne Hidalgo a fait racheter à hauteur de 86 Millions l’ancienne Bourse de Paris, « un juste prix, d’après le journal Le Figaro » (), dont le journal le Canard Enchaîné précise que « la facture de 86 millions d’euros a été remboursée par la cession pour 86 millions d’euros de deux immeubles municipaux à la CCI ». Ouf ! Les parisiens contribuables ont eu chaud ! Une fois acquise, la Bourse n’a pas été rachetée par M. Pinault. Non, voyons, quelle idée ! La Mairie l’a généreusement offerte en cadeau au sieur Pinault, certes, moyennant des conditions drastiques, au termes desquelles « François Pinault devient donc locataire d’un bail de cinquante ans, en échange d’une redevance de 15 millions d’euros en deux ans, puis d’une redevance annuelle de 5 % au-delà de 3 millions d’euros de chiffre d’affaires. Le loyer lui-même est symbolique : 60 000 euros par an. On peut en conclure que le contribuable parisien pourra éventuellement participer aux bénéfices, mais qu’il sera aussi exposé aux risques de l’opération…» (Alternatives Économiques). Tentons de débrouiller cet aimable montage.
On voit que le très chiraquien François Pinault fait ami-ami avec les très socialistes Hollande, Delanoé, Hidalgo, Macron (première époque).
En sortant, une dernière oeuvre . une sculpture intitulée "Horse and Rider" (Cheval et cavalier) a été installée sur le parvis du musée. Cette œuvre de Charles Ray annonce l’ouverture de la première exposition d’ampleur consacrée à l'artiste américain en France.
En lieu et place de la figure altière et conquérante de la statuaire équestre traditionnelle, on retrouve Charles Ray, à qui l'institution ouvre aussi ses portes, se prenant lui-même pour modèle afin de figurer en Don Quichotte métallique un peu loser, voûté sur une monture fatiguée, tenant des rênes invisibles et montant d'une façon mal assurée et avec un air pas rassuré.
Impression très mitigée après cette visite
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