Un sandwich vite avalé, un vrai parisien, jambon-beurre sans la feuille de salade blette ou la rondelle de tomate et nous marchons jusqu'à la station de Villiers où nous avons rendez -vous à 14H30 avec Philippe Brinas-Caudie. Comme ce matin pour l'hotel particulier de la Paiva, nous sommes nombreux, certains trainent leur valise avant de prendre le train du retour, le week-end du onze novembre tire à sa fin.
Nous nous arretons devant ce buste non signé, l'unique statue de Rodin mais il ne faut pas trop le dire, à la sortie du métro devant un manège. Henry-François Becque ( 1837-1899). dramaturge créateur du "théâtre cruel". il est connu pour un drame réaliste grinçant, Les Corbeaux (1882), et une comédie, La Parisienne (1885).
"La Plaine Monceau, zone chic et bourgeoise du 17e arrondissement acquise au 19e
siècle par les frères Pereire (banquiers et industriels) pour en faire
un lieu de villégiature privilégié des grandes fortunes parisiennes, est
remplie de magnifiques hôtels particuliers, depuis la Place des Ternes
jusqu’au Parc Montceau".
Nous marchons ensuite jusqu'à ce petit hotel particulier où habita notre première cocotte, Valtesse de la Bigne. Louise-Emilie Delabigne s'est rebaptisée «Valtesse», comme «votre
Altesse»! Née en 1848 dans la misère et les humiliations, elle se
servira de ses talents érotiques pour s'en sortir, fille d'une lingère normande qui exerçait le métier de la galanterie, elle se prostitua très jeune et débuta sur scène dans le rôle d'Hébé dans Orphée aux Enfers de Offenbach. Un critique la jugea alors aussi rousse et timide qu'une vierge du Titien. Mais elle ne tarda pas à se lancer dans la courtisanerie de haut vol. Elle prit d'abord pour amant le Prince Lubomirski, puis le prince de Sagan qui se ruina en finançant ce magnifique hôtel particulier construit par Jules Février de 1873 à 1876 au 98, boulevard Malesherbes,. Ses amants l'ont sortie du ruisseau , ont façonné son éducation, l'ont généreusement
dotée, certains se sont suicidés. Elle a inspiré «Nana» à Zola qui fut
son amant, a posé -et plus...- pour les Boudin, Corot, Gervex,
Detaille. Et a fini riche et... courtisée en sa luxueuse demeure de
Ville-d'Avray. La maison est désormais occupée par un cabinet d'avocats. Le prince de Sagan inspire Marcel Proust dans A le Recherche du Temps Perdu pour dépeindre la vieillesse du duc de Guermantes et surtout du baron de Charlus. Le vieux prince était fort élégant, mais dénué d'intelligence. Le personnage inspire à son tour Françoise Sagan. pour le choix de son nom de plume.
La description de sa chambre par Zola dans "nana"ne manque pas d'intéret: "Un lit comme s'il n'en existait pas, un trône, un autel où Paris viendrait admirer sa nudité souveraine (...) Au chevet, une bande d'amours parmi les fleurs se pencherait avec des rires, guettant les voluptés dans l'ombre des rideaux. »
Surnommée ''Rayon d'or '', elle est raffinée, s'intéresse aux arts et à la littérature. Elle s'achète un carrosse avec lequel elle circule dans Paris.
Il semblerait qu'elle se soit aussi, adonnée aux plaisirs saphiques avec Liane de Pougy qui se nourrit des conseils de son amante et la décrit dans son roman Idylle saphique où elle est dépeinte sous le nom d'Altesse.
Nous nous arretons ensuite devant un curieux édifice place du général Catroux. Il s'agit de l'ancienne agence de la Banque de France un l'hôtel néo-Renaissance que l'institution avait acheté aux descendants de l'atypique banquier Emile Gaillard en 1923. Ce petit palais est une copie de l'aile Louis XII du chateau de Blois, protégé au titre des monuments historiques depuis 1999 seulement. C'est désormaisun attrayant musée de l'économie, baptisé Citéco, premier en France et rareté en Europe.
"Le constructeur de l’Hôtel Gaillard, bâtiment dans lequel s’installera la Cité de l’Économie, était un personnage hors du commun. Issu d’une famille grenobloise de grands bourgeois, Émile Gaillard était le petit-fils de Théodore François Gaillard, fondateur d’une maison de Banque dans la seconde moitié du XVIIIe siècle, et le fils de Théodore Eugène Gaillard, maire de Grenoble (de 1858 à 1865). Représentant à Paris de la banque familiale, Émile Gaillard a côtoyé les grands banquiers de son époque (Pereire, par exemple). Ses activités bancaires étaient éclectiques : participation au financement des chemins de fer, gestion des biens du comte de Chambord, contrat avec Victor Hugo, pour ne citer que quelques exemples.
Émile Gaillard avait des goûts artistiques très développés. Élève de Chopin dans sa jeunesse, il était, selon plusieurs sources, son meilleur élève. Chopin lui dédia une mazurka. Lui-même a composé plusieurs morceaux de musique pour piano.
Une rue de ce quartier mérite une
attention particulière tant elle est, sur à peine plus de 200 mètres de
long, une superbe représentation des goûts et des styles architecturaux
au 19e siècle : la rue Fortuny. Une concentration extraordinaire de superbes Hôtels particuliers. En 1876, la comédienne Sarah Bernhardt avait
élu domicile dans un hôtel particulier spécialement construit pour elle au n° 35.
« L’amour, c’est un coup d’œil, un coup de rein, un coup d’éponge »Une actrice ? Une «grande horizontale». Sarah Bernhardt n'y échappe pas. «Celle qu'on appelait «La Divine «fut aussi une scandaleuse, explique l'historienne Catherine Authier. Elle figure au fichier de la police des mœurs et vend ses charmes pour des sommes colossales.»Elle facture ses prestations au temps et non à l'acte et Gambetta, président du conseil, qui attivait parfois en retard à ces rendez-vius galants et tarifés, se voyait reclamer le temps passé au déduit et le temps passé à l'attendre.
Sarah Bernhardt fut aussi dans sa jeunesse une “cocotte”, ce qu’on appellerait aujourd’hui une escort girl, comme l’était déjà sa mère, elle qui probablement fit faire à sa fille ses premiers pas dans le monde de la prostitution de haut vol. Les comédiennes dans la deuxième partie du XIXème siècle, très mal payées, obligées de financer elles-mêmes leurs costumes de scène, presque toujours en quête d’un protecteur parmi les hommes riches de leurs temps – la condition de poules."On cantonne, à tort, les actrices de la Belle Epoque au statut de filles de joie. Elles sont, avant tout, celles qui, par leur extravagance, ont permis l’envolée du luxe et de la mode. Et Sarah Bernhardt tient lieu d’icône absolue !
A 15 ans, le Duc de Morny l’introduit au monde du théâtre. L’homme derrière la fondation de Deauville met le pied à l’étrier à Sarah Bernhardt — première grande actrice internationale. A son compte? Plus de 120 rôles. On dit d’elle qu’elle inventa le star système; qu’elle initia nombre d’extravagances vestimentaires, entrées, aujourd’hui, dans les habitudes des femmes. Elle fut une véritable icône de mode. De celles qui inspirent autre chose aux femmes; de son époque, et celle d’après.
Il faut dire qu’à la Belle Epoque, l’actrice, tantôt cocotte, tantôt grande horizontale, figure tout ce qui est impossible aux femmes de la bonne société. Si bien que les représentation de théâtre ou d’opéra donnent à lieu à la distribution de feuillets décrivant avec une précision folle les tenues arboraient par les artistes stars. Parmi elles, Sarah Bernhardt tient lieu d’icône absolue!
C’est pour elle que Cocteau inventa l'expression "monstre sacré ". C’est Sarah Bernhardt qui, la première imagina les produits dérivés avec Charles Worth et Jacques
Doucet. Robes, chapeaux, parfums, maquillage pour que la bourgeoise sage partage un bout de la vie libre et
bohème de Sarah .
Quand elle claque la porte de la Comédie Française, elle monte des tournées. Aux États-Unis, son imprésario lui annonce 5 000 francs par soir. Elle en aura jusqu’à près de 20 000, environ 20 fois le salaire annuel d’un aiguilleur de chemin de fer à l'époque. Ces gains sont dilapidés par ses dépenses frénétiques lorsqu’elle rentre en France ; alors elle repart régulièrement en tournée.Elle contribua a lancer la mode de la ligne S, en 1898. Bientôt, la robe Delphos de Fortuny devient un it. Mieux, célébrée dans le monde entier pour la façon si splendide qu’elle a de mourir sur scène, dans un déshabillé — elle fait de cette tenue un basique de la vie domestique. Et ce, chez les femmes du monde entier!"
En février 1915, l'actrice croqueuse d'hommes décide de se faire opérer d'une tuberculose osseuse du genou, probablement gangrené, dans une clinique bordelaise.
La Belle Otero, autre célèbre cocotte a habité au 27 rue Fortuny un curieux hôtel particulier construit en 1879 par l'architecte Adolphe Viel pour Englebert (le même que le fabricant de pneumatiques ?). La façade est composée de trois travées décorée de carreaux en céramique turquoise.
Née dans une famille misérable d'un petit village de Galice, d'une mère prostituée et de père inconnu, elle est violée à 11 ans, Caroline Otero est chassée à 12 ans de la maison familiale par sa mère. Elle débute dans les cabarets de Barcelone. Une rencontre avec un certain Furtia change sa vie. Ensemble, ils partent vers la France et débarquent à Marseille. C'est la découverte du Sud de la France et surtout du casino de Monte-Carlo: elle va y jouer pour la première fois et gagner trois fois de suite. La passion du jeu naît dès cet instant et ne la quittera plus, elle a tout juste 18 ans.Le fameux Furtia l'emmène à Paris: nous sommes en pleine période de l'exposition universelle de 1889. La jeune Carolina découvre l'opulence et est éblouie devant les fastes de la capitale. Grâce à son ami, elle rencontre Joseph Oller, l'homme incontournable du music-hall, qui vient de créer le Moulin Rouge et plus tard créera l'Olympia
Elle fut l'amie de Colette et l'une des courtisanes les plus en vue de la Belle Époque, avec Cléo de Mérode, Émilienne d'Alençon et Liane de Pougy avec qui elle entretint une rivalité tapageuse. Elle séduit18 des rois le prince de Galles qui deviendra Edouard VII,Léopold II de Belgique des aristocrates russes et britanniques(le duc de Westminster et le grand duc Nicolas de Russie), des financiers, des écrivains tels que Gabrielle d'Annunzio et des ministres tcomme Aristide Briant, qui reste son amant pendant dix ans19. Elle fait tourner bien des têtes et serait à l'origine de plusieurs duelss et de six suicides, d'où son surnom de la « sirène des suicides »20. « Cette grande joueuse se rend régulièrement au Casino de Monte-Carlo au bras de ses soupirants qui mettent généreusement la main à la poche pour éponger ses pertes parfois colossales, raconte la SBM. Elle n’a guère d’estime pour la gent masculine : “Quand un homme est riche, il n’est plus laid”, a-t-elle l’habitude d’affirmer ». En 1915, alors qu’elle est au sommet de sa gloire, la quadragénaire quitte les planches pour laisser d’elle le souvenir d’une femme encore jeune et désirable. Elle s’installe à Nice, et acquiert un manoir, qu’elle ne parviendra cependant pas à conserver. Le démon du jeu la gagne à nouveau et La belle Otéro dilapide des sommes faramineuses à Monaco. « Elle passe son temps au Casino, accumule les pertes et sombre dans la ruine. A partir de 1951 et jusqu’à sa mort, la Société des Bains de Mer verse à Caroline Otéro une allocation annuelle », poursuit la SBM. L’histoire raconte en effet que son avocat sollicite une aide au groupe. Une aide qui lui permet de payer le loyer de son appartement qu’elle occupe dans le quartier de la gare à Nice. L’ancienne maîtresse de nombreuses têtes couronnées décède à 86 ans d’une crise cardiaque, dans le plus complet dénuement, seule et sans un sou.
Marcel Pagnol a habité au 13 de la rue Fortuny et Edmond Rostand au 2 qui y écrit Cyrano.
"Quelques heures avant que ne soit jouée la générale de Cyrano de Bergerac, Edmond Rostand, 29 ans, est accablé, désespéré. Les répétitions ont été une telle catastrophe qu’il craint le naufrage. Il va jusqu’à s’en excuser par avance auprès du comédien Constant Coquelin qui incarne Cyrano. Il manque de pif, le jeune homme, car la représentation s’achève sur un énorme triomphe. Même succès phénoménal pour la première du lendemain, le 28 décembre 1897. Mêmes acclamations d’un public enthousiaste. Quarante rappels. La salle est debout, scande le nom de Rostand durant vingt minutes. Le théâtre de la Porte-Saint-Martin rugit de bonheur.
Le vrai ministre des Finances Georges Cochery se rend dans la loge de l’auteur pour lui épingler sa propre Légion d’honneur en le félicitant : « Je me permets de prendre un peu d’avance. » Du jour au lendemain, Cyrano devient un archétype théâtral au même titre que Hamlet ou Don Quichotte. Edmond Rostand vogue sur un énorme nuage. Quelle fierté ! Quel soulagement ! Cette pièce, il la porte en lui depuis son enfance. C’est pourtant sa rencontre avec le comédien Constant Coquelin en 1895 qui le jette dans l’écriture. Ce jour-là, il donne lecture de sa pièce La princesse lointaine programmée au théâtre de la Renaissance dirigé par Sarah Bernhardt. Elle a invité son ami Coquelin à écouter le jeune prodige.
Enflammé par la pièce, le comédien se précipite sur le jeune auteur : « Faites-moi un rôle, et je le jouerai quand vous voudrez, où vous voudrez ! » Rostand lui parle de son projet d’une pièce consacrée à un écrivain querelleur du XVIIe siècle, Savinien de Cyrano. Coquelin est terriblement emballé. Au point de louer le théâtre de la Porte-Saint-Martin pour y monter la pièce. Rostand se met à l’ouvrage. Il crée un personnage romantique, démesuré, héroïque. Complètement inconnu jusque-là. Il pioche l’idée du nez grotesque à la fois dans l’œuvre de Théophile Gautier et dans le souvenir d’un de ses maîtres d’étude surnommé Pif-Luisant. La pièce est un savant cocktail d’humour, de pathos, de farce, d’héroïsme. Les scènes intimes alternent avec le grand spectacle. C’est une symphonie en cinq actes à laquelle Coquelin apporte sa touche. Un total de 2 600 vers, dont 1 600 pour Cyrano. C’est énorme" . Le succès est tel qu'avec les droits d’auteur, Rostand fait construire et finance la cilla Arnaga à Cambo les Bains.Nous nous arrêtons rue de la Néva devant ce charmant hôtel particulier où a vécu Liane de Pougy."Née Anne-Marie Chassaigne à La Flèche, le 2 juillet 1869, dans une modeste mais respectable famille de militaires, d’un père agnostique et d’une mère très dévote, Liane éprouve les premiers frissons d’amour saphique pendant son enfance. Malgré les faibles ressources de ses parents, elle reçoit une excellente éducation au couvent des Fidèles Compagnes des Filles de Jésus de Sainte-Anne-d’Auray. Très belle et très grande pour l’époque (elle mesure 1,68 mètre), Anne-Marie épouse, à seize ans, le jeune militaire Armand Pourpe, dont elle a un seul enfant, Marc, né en 1887. Un accouchement pénible et la naissance d’un garçon, alors qu’elle désirait une fille, marquent la jeune femme, qui n’éprouve aucun instinct maternel ; étouffée par les violentes crises de jalousie de son mari, elle finit par le tromper, puis par l’abandonner, en 1889. Enfin libre, Anne-Marie part à Paris, la ville de tous les plaisirs. Et pour y parvenir, il n’y a pas trente-six solutions quand on est une jeune femme sans le sou, il faut faire carrière dans la galanterie. Or, la concurrence est rude : à Paris on dénombre plus de 80 000 filles publiques, principalement des pierreuses et guetteuses des boulevards qui soulèvent leur jupon troué pour un verre de mauvaise absinthe à deux sous et vivent dans la misère. Seule une poignée d’hétaïres se pavanent somptueusement dans un luxe outrancier, résidant dans des hôtels particuliers aux crochets de quelques potentats qui les couvrent de bijoux. Alors, pour survivre, Anne-Marie va devoir « faire son trou » (encore une expression du XIXe siècle.
Sa carrière de danseuse de cabaret marque aussi ses débuts en tant que courtisane. La danse n’est qu’un tremplin pour elle. Liane de Pougy souhaite devenir actrice. Amie avec Sarah Bernhardt, cette dernière lui fait comprendre qu’elle manque de talent. Pour améliorer son jeu, elle prendra conseils auprès d’Henri Meilhac, Académicien français et dramaturge, librettiste d'Offenbach avec Halevy.
Tout comme il a soutenu Geroges Feydeau, Henri Meilhac soutiendra Liane de Pougy, au début de sa carrière. Probablement tombé sous le charme de sa protégée, il fera tout pour lui offrir sa première scène en 1894, aux Folies Bergères. C'est Valtesse qui conseille à
Anne-Marie Chassaigne de faire de même, en rajoutant une particule
devenant ainsi Liane de Pougy Au printemps 1899, Liane de Pougy, amie de l'écrivain jean Lorrain et
ennemie jurée de Caroline Otero, rencontre une américaine de vingt-trois
ans, Natalie Clifford Barney.
C'est aussitôt le coup de foudre.
Pendant l'été qui suit, les deux femmes vont vivre une véritable
passion. C'est cette passion que Liane écrit au fur et à mesure qu'elle
la vit. Idylle Saphique, paru en 1901, est un brillant témoignage de
cette époque " fin de siècle ", tellement décadente et tellement
tumultueuse, où le plaisir et son assouvissement règnent en maître à
Paris.
Considérée par Edmond de Goncourt comme "la plus jolie femme de son siècle", Liane de Pougy qui naît en 1869 et meurt en 1950, traverse l'Europe, en suscitant de folles passions. Cette courtisane a pour adorateurs Charles de Mac Mahon, Roman Potocki, Maurice de Rothschild, tant d'autres, encore qui portaient des noms illustres. Mais Liane ne saurait se contenter d'exploits galants avec les hommes, ou avec les femmes : elle est également l'auteur de romans comme "Idylle saphique" ou de remarquables mémoires comme "Mes Cahiers bleus", ouvrages qui sont autant de reflets de sa parfaite bisexualité. Reine du demi-monde, Liane devient par son mariage, en 1910, avec le prince roumain Georges Ghika, une authentique princesse. Elle se consacre alors aux petits jeux de la tendresse avec, par exemple, Natalie Barney, et au grand jeu de l'amitié avec Jean Cocteau, Max Jacob, Reynaldo Hahn, Marcel Proust (qui prête à son Odette certaines manies de Liane) et Colette (Léa, dans "Chéri", doit beaucoup à Liane). A la mort de son époux, en 1945, Liane de Pougy trouve enfin une conquête à sa mesure : Dieu. Son confesseur, le Père Rzewuski avait assuré que sa pénitente, entrée dans le Tiers Ordre de saint Dominique, était "très proche de la sainteté".
"A la fin du XIXe siècle, l’émancipation de la femme passe encore par les alcôves. Jouissant d’une liberté impensable pour les autres femmes, les hétaïres peuvent même afficher leurs éventuelles tendances saphiques sans craindre de décourager leurs soupirants qui, au contraire, sont attirés par le défi d’une conquête apparemment impossible, oubliant – ou faisant semblant d’oublier – que leurs relations avec les « grandes horizontales » se fondent sur l’argent. La société de la Belle Époque tolère des personnages comme l’écrivain Jean Lorrain ou les courtisanes Liane de Pougy et Emilienne d'Alençon, pourvu que leur « excentricité » ne donne pas le mauvais exemple aux jeunes personnes de bonne famille. Cependant, les courtisanes de haut vol n’ont pas toujours vécu une enfance dramatique comme celle de la Belle Otero, ou du moins misérable, comme celle d’Émilienne d’Alençon : l’histoire de Liane de Pougy prouve qu’une jeune mère de famille peut devenir une grande cocotte en dépit d’une bonne éducation et d’un mariage bourgeois, si les germes de la révolte et de l’ambition couvent dans son esprit."
Philippe Brinas-Caudie nous conduit ensuite 25 rue de Chazelles.
C’est ici que fut construite La Liberté éclairant le Monde (plus connue sous le nom de Statue de la Liberté) qui domine aujourd’hui le port de New York.
En effet, dès l’annonce du projet visant à offrir aux États-Unis un monument destiné à commémorer le centenaire de la Déclaration d’Indépendance et à célébrer l’amitié franco-américaine, il fut décidé que les États-Unis construiraient le socle, tandis que la France se chargerait de fabriquer la statue, de la transporter en pièces détachées, puis de l’assembler à nouveau sur place.
Frédéric Auguste Bartholdi confia la réalisation de l’ossature en fer à l’entreprise de Gustave Eiffel. La maison de couverture, de plomberie et le chaudronnerie Gaget et Gauthier, qui s’était déjà illustrée en restaurant en 1873 la colonne Vendôme, fut quant à elle choisie pour réaliser le montage de la statue. Elle loua à cet effet un terrain de 3.000 mètres carrés rue de Chazelles, juste à côté de ses ateliers.
Les 300 pièces de cuivre de la Statue de la Liberté, de 2,5 millimètres d’épaisseur, furent martelées, puis fixées sur le squelette de fer, et enfin rivées les unes aux autres par un système d’écrous invisibles de l’extérieur. Cet assemblage, entrepris en 1876, se prolongea jusqu’en 1885. Afin de financer les travaux, Bartholdi eut l’idée de présenter certaines parties achevées de la statue lors de grandes manifestation internationales. Ainsi, la première pièce construite, le bras de la statue portant le flambeau, fut envoyée à l’Exposition de Philadelphie en 1876, puis revint en France, tandis que la tête fut présentée à l’Exposition universelle de Paris, dans les jardins du Champs-de-Mars, en 1878, où on pouvait la visiter pour 5 centimes. Le jour de l’inauguration à New York, monsieur Gaget a offert des miniatures de la sculpture. Au pied des petits objets était gravé son nom. Dans l’assemblée, le public conquis se demandait « Do you have your Gaget ? ». Prononcé à l’américaine, le mot devient phonétiquement « gadget »
Nous allons conclure cette belle visite par le Parc Monceau et les sublimes hôtels particuliers qui y ont un accès direct.
Les somptueuses grilles, émanation du style éclectique en vogue sous Napoléon III, sont l'œuvre de Gabriel Davioud.
Trois hôtels appartenant à la famille Menier, empereur du chocolat. "La saga Meunier commence au début du XIXe siècle avec Antoine Brutus Menier : ce fabricant de médicaments à base de chocolat tient boutique dans le Marais. En 1825, il déplace son activité à Noisiel (Seine-et-Marne) sur le site d’un ancien moulin. La première tablette de chocolat est fabriquée en 1836. A la génération suivante, Emile-Justin Menier concentre l’activité de l’entreprise sur la fabrication du chocolat. Il modernise la production en faisant construire un moulin à l’architecture audacieuse : conçu par l’architecte Jules Saulnier, c’est alors le premier bâtiment au monde avec une structure métallique porteuse. Les façades sont décorées de carreaux de céramique. Appelé communément le moulin Saulnier il abrite les ateliers de broyage de cacao."
L’architecte Henri Parent élève entre 1872 et 1874 une somptueuse demeure pour Emile-Justin Menier en bordure du parc Monceau. De style éclectique, l’édifice est en partie inspiré du baroque flamand. On retiendra surtout la surabondance du décor sculpté sur les façades, œuvre du Jules Dalou : on reconnaît des mascarons, des têtes d’animaux, des vases, etc. L’hôtel est implanté perpendiculairement à l’avenue Van Dyck : sa façade sur le jardin donne ainsi directement sur le parc Monceau. Elle est animée au centre par une impressionnante rotonde sur laquelle est sculpté le monogramme « M » des Menier. Au fond de la cour, une aile en retour est percée par un passage menant à la cour des communs. L’hôtel est aujourd’hui séparé en appartements et privé. Il ne se visite pas mais se voit très bien de l’avenue Van Dyck et du parc Monceau. Deux autres hôtels ayant appartenu aux fils d’Emile-Justin Meunier sont visibles à proximité : l’hôtel Henri et l’hôtel Gaston Menier Emile Zola (1840-1902) s’est inspiré de l’hôtel Menier pour imaginer l’hôtel particulier de la Curée, roman paru en 1871. C'est dans ce jardin d'hiver que se cachent les amours illicite de Renée et de son beau-fils Maxime.Après l'incendie qui le ravagea en mai 1871 sous la Commune, les vestiges du palais des Tuileries furent mis en vente, on en retrouve un petit morceau dans cet hôtel particulier. Philippe Brinas-Caudie nous dit que la réhabilitation des Tuileries aurait été possible mais qu'elles constituait un symbole de la monarchie et qu'il valait mieux, à l'époque, le détruire que conserver ce patrimoine inestimable. Nous passons dans la rue de Ruydael où se trouve un autre hôtel, où madame Menier donnait des réceptions somptueuses et organisait des concerts où elle chantait.Cet hôtel particulier a été édifié en 1875 par l’architecte Jules Pellechet (1829-1903) dans le style de la Renaissance. Pendant cette période d’éclectisme architectural, la Renaissance est l’une des sources d’inspiration favorites des architectes. Sur l’avenue, la façade de l’hôtel est construite dans le style « brique et pierre », courant de le Val de Loire à la Renaissance. Elle est agrémentée de nombreux éléments décoratifs empruntés à cette époque : les moulures des encadrements de fenêtres, la remarquable frise de feuilles d’acanthes et mascarons entre le rez-de-chaussée et le 1er étage. Il appartient désormais à l'Ordre des Pharmaciens et j'ai eu un jour à y comparaître pour une histoire dont je suis sorti grandi et vainqueur d'un confrère minable.
Parc Monceau que nous connaissons aujourd’hui fut remanié en 1861, il est l’héritier d’un jardin plus ancien : celui de la Folie de Chartres. Datant des années 1770 et réalisé dans un style anglais, il abritait de nombreuses curiosités. Parmi elles, le bois des tombeaux et sa pyramide. Le mot Folie vient du latin folia, la feuille, peut etre parce qu'on y faisait des folies dans les bosquets touffus.Le duc de Chartres, devenu Philippe d’Orléans organisait de nombreux goûters. Très recherchés, ils auraient eu lieu dans le canton des pyramides, dans le bois des Tombeaux. A l’intérieur de la pyramide, la légende racontait qu’on y buvait de la tisane d’Aï en chantant les vers érotiques écrits par l’abbé de l’Atteignant.
Une autre légende racontait aussi que le concierge du jardin du duc de Chartres y hébergeait par temps de pluie des vaches du domaine… ce qui fera dire à des chroniqueurs du XIXe siècle, que la pyramide reprenait aussi le culte d’Apis, le taureau divin de l’Egypte antique.
Autour de la pyramide, on avait placé des urnes funéraires, mais aussi des statues, des colonnes prisées.
Créé au 18e siècle, le parc Monceau cache de nombreuses curiosités. Parmi elles, celle que l’on appelle la Naumachie est sans doute la plus surprenante… Et l’une des plus jolies. Un parc et une ruine qui n’étaient pas destinés à être un jour réunis, et qui ont tout deux échappé à la destruction. Dans l'antiquité romaine, une naumachie était un des jeux de l'amphithéâtre consistant en une représentation d'un combat naval dans un cirque (où l'arène était aménagée en bassin comme au Colisée) ou dans un bassin spécialement construit à cet effet.Pour comprendre cet insolite monument, il faut d’abord revenir à la création du parc. Au 18e siècle, le Duc de Chartres, plus connu pendant la Révolution sous le nom de Philippe-Égalité, cousin de Louis XVI, décide de construire une vaste demeure aux allures bucoliques en dehors de Paris. Le quartier est à l’époque un faubourg aux limites de la ville, et le duc, connu pour son goût du faste, souhaite une création originale. Propriétaire du Palais Royal dont il faut réaménager les jardins, il lance en même temps la Folie de Chartres, magnifique pavillon entouré de nature qu’il veut agrémenter de décors exotiques, très en vogue à cette époque.
Le paysagiste Carmontelle créera sur 20 hectares un véritable pays d’illusions, où se côtoient pagodes, pyramides, minarets, moulins hollandais et… Naumachie. Les colonnes proviennent de la Rotonde de Valois, édifice commandé par Catherine de Médicis à la mort d'HenriII, dont l’emplacement était prévu à côté de la basilique de Saint Denis. Censée abriter la dynastie des Valois, la construction s’arrêta en 1589, date de la mort de Catherine de Médicis et de son fils Henri III, dernier des Valois… Les Bourbon succédèrent, et le monument fut quasiment laissé à l’abandon. Détruit en 1719, les colonnes furent récupérées par le Duc de Chartres pour décorer son jardin. Autre construction charmante, le petit pont de pierre qui enjambe le plan d'eau. A la sortie du parc, un petit édicule transformé aujourd'hui en toilettes.
Il s'agit de la rotonde de Chartres construite en 1787 par Ledoux. A l’origine à la fois bureau d’octroi des Fermiers Généraux et fabrique du parc. Les plans du bâtiment furent soumis au duc de Chartres futur duc d’Orléans propriétaire du parc, un appartement-belvédère fut aménagé à l’étage de la rotonde pour celui-ci. A l’origine la coupole était sensiblement moins sphérique, elle fut modifiée en 1860. Les Fermiers Généraux faisaient payer un droit d'entrée dans Paris. Les forains rechignaient à payer cet impots, ils avaient souvent des singes savants et faisaient un spectacle pour distraire les agents du Trésor qui les dispensaient du paiement, d'où l'expression "payer en monnaie de singe".
La visite aura duré 3 heures plutôt que l'heure et demi programmée. Philippe Brinas-Caudie a passionné son auditoire qui en a redemandé. Ces cocottes nous ont passionnées et nous ont révélés une époque où les gens se remettaient des revers de fortune. Ruinés, il remettait le métier sur l'ouvrage et se refaisait une santé. La Belle Otéro jouait jusqu'à son dernier franc sur les tapis de Monte Carlo puis sollicitait quelques habitués, montait un spectacle aux Folies Bergères et repartait au casino. Le Second Empire est souvent décrié car souvent mal connu. C'était une Époque de bouillonnement industriel, littéraire , artistique, une époque de libération des moeurs et des femmes. Une question dont on a pas parlé pour ces femmes libres et très légéres, la contraception et l'avortement, les maladies vénériennes dans une époque où beaucoup d'hommes traînaient des syphilis qui avaient beaucoup évolué?
On posera la question lors d'une visite prochaine. Place à la bonne chère, nous prenons le métro jusqu'au Pied de Cochon pour déguster la tentation de Saint Antoine, où le pied côtoie les oreilles et le museau, dans le cochon tout est bon... ce n'est pas Valtesse qui nous contredira.
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