lundi 14 août 2017

LES VANS, ARDèCHE, LIKOKE, UNE HISTOIRE BELGE


Depuis quelques années, j'entends parler de Likoke : Likoke est le restaurant qu'une star de la télévision belge, Piet Huysentruyt a ouvert dans le sud de l'Ardèche aux confins du Gard et de la Lozère
Il officie dans plusieurs émissions culinaires à la télévision, la plus emblématique étant SOS Piet  Dans ce véritable show, il se rend au domicile de téléspectateurs ayant des difficultés à réaliser une recette et démontre leurs erreurs, dans leur propre cuisine.Depuis l'ouverture du Likoké, il a obtenu une étoile Michelin et le Gault et Millau le considère comme une des chefs les plus inventifs et audacieux .
Deux explications pour le nom du restaurant qui porte le surnom de son grand père colon dans l'ancien Congo belge. Likoké serait le nom d'un poisson insaisissable et malin au Congo. L'autre version viendrait de"you can lick, it's ok" tu peux lécher ton assiette et le chef adorerait que ses disciples lui retournent les assiettes léchées ce que confirme le post dessert facétieux et un brin discutable qui nous sera servi en guise de conclusion.
Le restaurant ne paye pas de mine, une façade aux volets bleus, une maison de village sur 2 étages, des volets bleus, une petite terrasse qu'ombrage une tonnelle et à l'intérieur le mélange du bois et de la pierre, un bois flotté des marais de Camargue et la pierre calcaire du bois de Paiolive et des gorges du Chassezac.
L'accueil est très enjoué, aujourd'hui Piet est absent et c'est son fils,Cyriel, le sommelier qui dirige la brigade des serveurs et serveuses, une équipe cosmopolite, quelques français, beaucoup de flamands, un belgo-japonais qui présente le sushi maison.
L'apéritif d'abord: pour Catherine, un champagne rosé sans sulfite et pour moi un blanc de St Ambroix où le viognier domine.
Un premier clin d'oeil au terroir avec une planche à trois étages, le chorizo maison et sa mayonnaise, un toast de fromage d'Ardèche avec des graines , un carpaccio de boeuf maturé et un choix de jus de fruits et de légumes maisons.
Le cochon est maison, égorgé  puis "mangougné"par  Piet.
 La plupart des fleurs, des herbes et des légumes qu'il cuisine sont cultivés sur son propre terrain.

3 menus,une formule en 5 plats, le menu dégustation en 7 plats que nous avons choisi et la formule "in extenso" en 9 plats.
Premier amuse bouche, l'histoire belge , une moule-frites revisitée que l'on doit ingérer en une seule bouchée,la moule de Zeebruge, et des bulles de pommes terre soufflées, on se retrouve sur les dunes de la mer du Nord.
Maintenant arrive le pommagneau, une sorte de sucette dont le manche est constitué de romarin,la pomme confite recouvre la viande d'agneau, quelques graines...

Le vin qui accompagnera mon repas est le Liby du château des Amoureuses, marsanne, roussanne, viognier, grenache blanc, arômes de vanille et de cacao, pendant que Catherine boira le sauvignon qu'élabore un viticulteur flahutte de la région d'Uzés.

Le troisième amuse -bouche, présenté par un serveur belgo-nippon est un sushi comme on n'en trouve point au Japon: une lamelle de thon rouge recouvre le moambé, clin d'oeil au père colon dans le Congo belge, qui s'est "démocratisé" depuis. Le moambé est une sorte de purée pomme de terre et manioc, feuille d'épinards frits, banane, citron...
Le menu dégustation peut commencer, la truite de Villefort, premier village de la Cévennes lozérienne, avec tomate et verveine.Je ne suis pas grand amateur de tomates, mais Catherine me dit qu'elle est sublime, elle domine un peu trop la truite, la verveine rééquilibre l'ensemble.
Vient ensuite Sardine et Iberico, théoriquement en plus le concombre dont on a décliné la présence. C'est un plat en plusieurs tableaux:     

 D'abord, posé sur une pierre et un oignon,une mousse , une sorte de  rillette...puis présenté sur un os de cochon, d'autre compositions qui allient la terre et la mer avant que la sardine, vedette du deuxième acte, ne fasse son entrée.

La vedette du troisième acte, est l'huître avec dans les seconds rôles, la girolle et la courgette, quelques herbes folles et un délicieux bouillon.

Ensuite, nouvelle facétie, le Chaud, F(r)oie mexicain, une allusion aux quelques années que le fils de Piet,(ce n'est pas un mauvais jeu de mots) a passé dans ce pays: du mais, des encornets, du foie gras et des poivrons.
L'esprit de Piet est potache et blagueur, un peu du Décoret avant qu'il s'assagisse, du El Bulli en moins flamboyant mais aussi iconoclaste.
Puis vient le Boeuf saignant, de la cote très épaisse avec ses pommes de terre et des algues, toujours la rencontre de la terre et de la mer, de l'Ardèche et de la Camargue.


A l'étage, autour de la brigade qui s'active en cuisine, quelques privilégiés assistent au ballet des chefs, aux premières loges et l'expérience doit valoir la peine surtout le soir si Piet Huysentruyt est à la baguette. Ce soir , le chef est absent, le service est parfait, très détendu mais le show man n'est pas là, une raison supplémentaire de revenir, un jour où il officie.
Les dessert, maintenant.
D'abord melons, faisselle et miel: Cyriel nous apporte le miel de châtaignier en brèche, comme lorsqu'enfant je le dégustait tout frais sorti de la ruche. C'est un de ses amis d'enfance qui le récolte au milieu des châtaigniers de la Cévenne ardéchoise.
 Catherine qui n'aime pas le melon ,a droit à une version sans les fruits que la femme de Piet cultive sur son terrain.

Pour finir, le Riz Condé
La chronique du frère Salimbene rapporte que Louis IX, en route pour la croisade, déjeuna en 1248 à Sens d'un riz au lait. La recette s'est enrichie de sucre et de vanille, inconnus à l'époque. Le riz au lait sert de base à deux entremets très prisés au xixe siècle, le riz Condé auquel on rajoute un mélange sucre-œufs en fin de cuisson et le riz à l'impératrice, sorte de gâteau de riz parfumé au kirsch et aux fruits confits.
Les récipients sont chaque fois étonnants et originaux, Sortant du puits, des spaghettis de riz et en dessous un riz au lait pas traditionnel, qui décoiffe comme tout ce que crée Piet.
Ensuite, la serveuse nous présente une panoplie de saucissons, en fait préparés avec divers chocolats. Nous faisons notre choix et le chocolat que nous avons choisi sera présenté sous forme d'éclats et de carreau au milieu d'autres friandises, macarons,bonbons...


La dernière touche témoigne d'un esprit plus carabin que potache: on sert aux dame , un carré de chocolat qui représente un torse d'homme, des abdominaux,pas de poignet d'amour, le fantasme en un mot et aux hommes, une sublime paire de fesses que couvre difficilemnt un string arachnéen.
La serveuse, transformée en paparazza, immortalise la scène ou madame et monsieur lèchent consciencieusement (you can lick, ok)
Bel endroit, un brin déjanté, une cuisine en forme de blague belge, des clins d'oeil, de franches rigolades, une touche de vulgarité pour finir mais c'est brillant, c'est un show.
Pour se loger, une adresses superbe, un accueil délicat, un raffinement parfait , des gens charmants, la Seigneurie de Naves à un kilomètre du village des Vans.

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